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29/11/2005 | FRANCE | N°05-81227

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 2005, 05-81227


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me FOUSSARD, et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Yordan,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 10 février 2005, qui, pour rejet d'hydrocarbures en mer, l'a conda

mné à 200 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me FOUSSARD, et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Yordan,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 10 février 2005, qui, pour rejet d'hydrocarbures en mer, l'a condamné à 200 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 407, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yordan X... coupable de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales françaises par un navire étranger et l'a condamné à 200 000 euros d'amende, outre les réparations civiles ;

"aux motifs qu' "à l'audience publique du 13 janvier 2005, le président a constaté l'identité du prévenu comparant en personne, assisté de Me Y..., la Cour déclarant le présent arrêt contradictoire" ; qu' "à cet instant, Yordan X..., ne parlant pas suffisamment la langue française, le président a désigné Ina Z..., demeurant ... 44000 Nantes, interprète, et lui fait prêter serment dans les termes de l'article 407 du Code de procédure pénale" (arrêt, p. 2 in fine et p. 3, 1er) ;

"alors que, si l'arrêt attaqué fait bien mention de la désignation d'un interprète ainsi que de la prestation de serment de ce dernier, il ne constate à aucun moment que l'interprète est intervenu, pas plus qu'il ne constate que l'interprète a prêté son concours chaque fois qu'il a été nécessaire ; d'où il suit que l'arrêt doit être censuré pour violation des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que, lors de l'audience des débats, le prévenu ne parlant pas la langue française, un interprète, qui a prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et conscience, a été désigné par le président ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations desquelles il résulte que l'interprète a prêté son concours pour tous les actes substantiels des débats et dès lors que le prévenu, qui, ayant été informé de la date à laquelle la décision serait rendue, a régulièrement formé un pourvoi contre celle-ci, ne saurait se faire un grief de ce qu'il n'aurait pas bénéficié du concours de l'interprète lors du prononcé, l'arrêt n'encourt pas la censure ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 et 10 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, tel que modifiée par le protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs, des articles L. 218-10 et L. 218-21 du Code de l'environnement, 121-1 et 121- 3 du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yordan X... coupable de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales françaises par un navire étranger et l'a condamné à 200 000 euros d'amende, outre les réparations civiles ;

"aux motifs que, "faute par le commandant du "Dobrudja" de justifier d'une raison ou d'un incident qui aurait occasionné ou nécessité le rejet constaté dans le sillage de ce navire, celui-ci doit être présumé volontaire ; qu'en outre, il a été observé par le pilote de l'avion de la patrouille maritime que la pollution avait cessé dès que le contact radio avait été établi avec le commandant du "Dobrudja" ; qu'en premier lieu, il est soutenu que l'acte de pollution est invraisemblable dans le contexte décrit, parce que le capitaine et l'équipage avaient repéré la présence de l'aéronef avant le début de l'acte de pollution allégué et qu'ils n'avaient aucune nécessité d'effectuer des rejets en mer dans la mesure où la cuve de stockage n'était remplie qu'au tiers et que le déchargement des eaux usées devait être effectué au prochain port, aucune instruction de rejet en mer n'ayant été donnée ; qu'en outre, selon les éléments du dossier et l'enregistrement d'un film vidéo, le début de la pollution correspondrait au moment où l'avion passait au- dessus du bateau ; que, cependant, la coïncidence entre le début de la pollution et le passage de l'avion au-dessus du navire est infirmée par le témoignage de Lionel A..., pilote de l'avion, recueilli à la barre du tribunal et acquis aux débats, qui a déclaré que lorsqu'il a constaté la pollution, celle-ci devait durer depuis environ un quart d'heure, la longueur de la nappe étant de cinq kilomètres ; qu'en outre, si le même avion avait déjà survolé le navire, permettant à son équipage de repérer sa présence, son premier passage au-dessus du "Dobrudja" se situe entre une à deux heures avant la constatation de la pollution - soit entre 7 heures

30 et 8 heures 30 - selon, d'une part, les déclarations de Yordan X... et, d'autre part, celles du pilote de l'avion qui a précisé qu'il avait, à 9 heures 07, à la fin de la mission opérationnelle d'identification de tous navires se trouvant sur zone commencée à 6 heures 54, décidé de revenir sur un navire de commerce identifié afin d'effectuer un exercice de réalisation de prises photographiques ; que, dès lors, il ne peut être déduit de ces circonstances de fait le rejet volontaire parce que commencé en présence de l'avion de surveillance serait invraisemblable ; qu'au contraire, il peut être conclu que le second passage de l'avion a été inopiné, le rejet à la mer ayant été décidé après qu'il se soit éloigné une première fois et qu'il n'ait pas réapparu pendant suffisamment de temps pour laisser croire qu'il s'était définitivement éloigné ; qu'enfin, il convient de rappeler que la pollution a cessé pendant le second passage de l'avion ; qu'en second lieu, dans ses conclusions, Yordan X... soutient que l'absence de pompage d'eaux sales ne constitue pas une anomalie et ne permet pas d'en déduire une pollution volontaire ; que, cependant, force est de constater qu'alors que, du 2 au 17 juillet 2003, période pendant laquelle le navire a navigué 12 jours, 12,5 m3 d'eaux sales ont été pompées de la cale machine vers le bilge water tank, aucun pompage n'a été enregistré du 18 au 30 juillet, pour une navigation de 7 jours, suivant les constatations faites par le Centre de sécurité des navires du Finistère Nord ;

qu'en outre, les inspecteurs ont relevé que les cales machines, grasses et sales, et les coulures sur les moteurs de propulsion et les auxiliaires, témoignaient de sources de fuites importantes tandis que l'examen du puisard révélait une faible quantité d'un mélange chargé d'hydrocarbures ; que Yordan X... n'a pu fournir aucune explication sérieuse sur ces graves anomalies ; qu'il a même soutenu devant le tribunal que le seul mouvement du navire entre le 17 et le 30 juillet l'avait été de Bilbao à Avilès, soit quatre heures de mer, fait démenti par les constatations des inspecteurs relatives aux dernières escales ;

que l'hypothèse d'un rejet accidentel par dysfonctionnement du séparateur, en raison du maintien en position rinçage de la vanne manuelle permettant de rincer le contrôleur d'huile, mentionnée dans le rapport de Chris B... (observation 16 du rapport), n'a été confirmée ni par le capitaine ni un membre de l'équipage ; qu'ainsi, Slavcho C..., ingénieur mécanicien à bord, dans sa déclaration devant les enquêteurs, a indiqué ne pas s'être servi du séparateur le 30 juillet 2003, être descendu, après le déroutement du navire, inspecter le séparateur afin de vérifier qu'il ne rejetait pas à la mer d'eau sale et avoir relevé son parfait état de fonctionnement ; que, dès lors, le rapport B... ne soulève que les hypothèses non étayées par les éléments du dossier et de l'enquête et n'apporte pas la preuve du caractère accidentel du rejet d'hydrocarbures" (arrêt, p. 9, antépénultième à p. 11, 1er) ;

"alors que, premièrement, en énonçant que l'intention devait être présumée, quand elle devait être prouvée par la partie poursuivante, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"et alors que, deuxièmement, en exigeant du prévenu qu'il rapporte la preuve que le rejet provenait d'un accident et ne pouvait être intentionnel, les juges du fond ont, en tout état de cause, inversé les règles de la charge de la preuve" ;

Attendu que, pour déclarer Yordan X... coupable des faits poursuivis, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, qui répondent sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yordan X... à payer au syndicat mixte de protection du littoral breton une indemnité ;

"aux motifs que, "le syndicat mixte de protection du littoral breton a notamment pour objet de coordonner et d'unir les moyens des collectivités territoriales adhérentes pour mettre en oeuvre tous moyens légaux, y compris les actions judiciaires, afin d'obtenir l'indemnisation et la réparation des dommages causés par les pollutions du littoral ; qu'il est chargé de la défense des intérêts collectifs de 92 communes possédant 1.145 kilomètres de littoral maritime auquel les rejets d'hydrocarbures causent des dommages par l'apport de déchets qu'il convient ensuite de gérer ; que cette gestion, qui s'effectue à longueur d'année, représente un coût élevé pour ces collectivités qui subissent ainsi un préjudice matériel ;

qu'en outre existe un préjudice moral, la présence de déchets sur les plages étant de nature à ternir la réputation des stations touristiques de ce littoral ; que l'infraction commise porte atteinte de manière directe aux intérêts collectifs défendus par le syndicat mixte de protection du littoral breton ; que, cependant, le rejet ayant été pratiqué dans le golfe de Gascogne, dans une zone dont les eaux ne donnent pas directement sur le littoral des communes adhérentes, toutes côtières de la Manche, la demande formulée paraît excessive en son montant ; qu'il convient dès lors de confirmer la décision des premiers juges qui ont justement apprécié le montant du préjudice subi par le syndicat mixte de protection du littoral breton à la somme de 3 000 euros ( )" (arrêt, p. 12, 1 et 2) ;

"alors que, premièrement, un syndicat mixte, tel que le syndicat mixte de protection du littoral breton, est un établissement public et donc une personne morale de droit public ; qu'à ce titre, il est exclu qu'il puisse prétendre à une indemnité pour préjudice moral ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"et alors que, deuxièmement, seuls les dommages matériels en rapport direct avec l'infraction peuvent donner lieu à réparation ; qu'en octroyant une somme d'argent pour dédommager le syndicat mixte de protection du littoral breton des frais qu'il expose tout au long de l'année sans constater aucun lien direct entre l'infraction retenue et le dommage réparé, les juges du fond ont, en tout état de cause, violé les textes susvisés" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Yordan X... devra payer à l'association France Nature Environnement au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Yordan X... devra payer au Syndicat mixte de protection du littoral breton au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-81227
Date de la décision : 29/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 10 février 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 2005, pourvoi n°05-81227


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.81227
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