AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les moyens réunis :
Attendu que M. X..., employé de la société Cofivi, a été licencié pour motif économique par lettre du 20 juillet 1998 ;
Attendu que la société Cofivi fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2002) d'avoir considéré que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, condamné à lui verser une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le premier moyen :
1 / que la lettre de licenciement qui fait état d'une suppression d'emploi consécutive à une restructuration de l'entreprise est suffisamment motivée et n'a pas à préciser que cette réorganisation est destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en énonçant que la nécessaire sauvegarde de la compétitivité invoquée par l'employeur ne figurait pas comme motif dans la lettre de licenciement, alors pourtant qu'il y était fait mention de la suppression du poste de M. X... suite à un réajustement des effectifs de la société et donc à une réorganisation, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail ;
2 / qu'en déclarant qu'aucun signe concret et objectif d'une menace sur l'avenir n'avait été démontré par la société Cofivi, sans prendre en considération la perte, par le groupe dont elle assure la gestion de ses principaux clients et donc la nécessité pour la société Cofivi, dont la situation dépend entièrement de celle de ce groupe, de procéder à une réorganisation par mesure d'anticipation des difficultés à venir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
3 / que la suppression d'un emploi n'empêche pas le recrutement de salariés destinés à occuper d'autres emplois que celui qui est supprimé ; qu'en effet, la réorganisation d'une société peut nécessiter la suppression de certains emplois et la création de nouveaux services dans lesquels d'autres sont créés ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que des personnes embauchées après le licenciement litigieux occupaient un emploi différent et avaient une qualification différente de celle de M. X... ; qu'en reprochant à la société Cofivi, pour écarter la réalité du motif économique, d'avoir invoqué une menace sur l'avenir pour licencier M. X... tout en recrutant dans le même temps trois autres salariés pour occuper de nouveaux postes, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
alors, selon le second moyen :
1 / que la date de notification du licenciement constitue la date ultime d'appréciation du respect de son obligation de reclassement par l'employeur ; que postérieurement à cette date, la proposition d'emplois devenus disponibles s'effectue uniquement dans le cadre du respect de la priorité de réembauchage dont le salarié doit avoir réclamé le bénéfice ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de M. X..., notifié le 20 juillet 1998, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que l'obligation de reclassement de la société Cofivi devait perdurer jusqu'à l'expiration du préavis de son salarié et qu'elle aurait donc dû lui proposer le poste de comptable, pourtant créé postérieurement au licenciement de M. X..., pour lequel un autre salarié a été embauché le 1er septembre 1998 ; qu'en se déterminant par un tel motif, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
2 / que, dans ses écritures en appel (page 12, 6), la société Cofivi a fait valoir que la profession de comptable est une profession qui nécessite, pour pouvoir être exercée, l'acquisition d'un diplôme spécifique que M. X... n'avait pas, étant uniquement diplômé d'un DUT de techniques de commercialisation et d'une école de commerce ; que M. X... ne pouvait donc se voir proposer un poste nécessitant un diplôme dont il n'était pas titulaire ; que la cour d'appel, en reprochant à la société Cofivi de n'avoir pas démontré que M. X... n'avait pas les capacités nécessaires pour occuper le poste de comptable, sans rechercher si cette absence de diplôme n'était pas en soi la preuve d'une telle incapacité, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
3 / que comme l'a souligné la société Cofivi dans ses écritures en appel (page 13, 2 à 6), l'aptitude à occuper un poste de comptable dans toute sa diversité ne saurait résulter du seul encadrement, en tant que responsable administratif et financier, du service de comptabilité ; qu'en considérant que M. X... était apte à occuper le poste de comptable, sans indiquer en quoi ses seules fonctions d'encadrement du service comptabilité lui permettait d'occuper réellement l'ensemble des fonctions associées à un tel poste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
4 / que l'obligation de reclassement fait peser sur l'employeur une simple obligation d'adaptation du salarié à un éventuel poste disponible et non une obligation de mettre en oeuvre une formation de longue durée ; que la société Cofivi a rappelé dans ses écritures en appel que l'acquisition du diplôme permettant d'exercer la fonction de comptable nécessite une formation d'au moins deux ans ; qu'en reprochant à la société Cofivi d'avoir manqué à son obligation de reclassement en ne proposant pas une telle formation à M. X..., qui est pourtant de longue durée, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code civil ;
Mais attendu que s'en tenant aux termes de la lettre de licenciement, la cour d'appel, après avoir retenu que la société ne connaissait ni difficultés économiques ni menace précise et immédiate sur sa compétitivité, en a déduit que le licenciement n'était pas justifié par une cause économique réelle et sérieuse ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofivi aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille cinq.