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23/11/2005 | FRANCE | N°03-13079

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2005, 03-13079


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 octobre 2002), par arrêté du 10 novembre 1970 pris en application de l'article 43 du livre II du Code du travail, devenu l'article L. 221-17 de ce code, le préfet de la Vienne a prescrit la fermeture au public un jour par semaine au choix des intéressés de toutes les boulangeries, dépôts et points de vente du département, seule la fabrication et la livraison globale directe aux collectivités, avec lesquelles sont passés des march

és de fourniture, étant autorisées le jour de fermeture de la boulangeri...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 octobre 2002), par arrêté du 10 novembre 1970 pris en application de l'article 43 du livre II du Code du travail, devenu l'article L. 221-17 de ce code, le préfet de la Vienne a prescrit la fermeture au public un jour par semaine au choix des intéressés de toutes les boulangeries, dépôts et points de vente du département, seule la fabrication et la livraison globale directe aux collectivités, avec lesquelles sont passés des marchés de fourniture, étant autorisées le jour de fermeture de la boulangerie ; que, se fondant sur cet arrêté et faisant valoir qu'elles ne s'y conformaient plus depuis le mois d'octobre 1997, le Syndicat de la boulangerie de la Vienne a fait citer devant la juridiction civile les sociétés La Grigne poitevine, Le Fournil du Poitou, le Pétrin poitevin et le Fournil viennois (les sociétés) pour les voir condamnées sous astreinte à en respecter les dispositions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à question préjudicielle, que l'arrêté préfectoral était applicable aux sociétés et que ces dernières devaient s'y conformer sous astreinte, alors, selon le moyen :

1 / que l'invocation devant le juge judiciaire de l'illégalité de l'acte administratif fondant la demande, quand bien même elle rendrait nécessaire un sursis à statuer et un renvoi préjudiciel au juge administratif, constitue un moyen de défense au fond et non une exception de procédure devant être soulevée in limine litis ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral litigieux, au prétexte qu'elle avait été élevée par les sociétés après leur défense au fond et à titre subsidiaire, la cour d'appel a violé les articles 71 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le juge judiciaire saisi d'une exception d'illégalité d'un acte administratif reposant sur une contestation sérieuse doit opérer un renvoi préjudiciel au juge administratif ; qu'est illégal l'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire qui ne repose pas sur un accord intersyndical correspondant à la volonté de la majorité indiscutable de tous les membres de la profession intéressée ; qu'en l'espèce, il ne ressortait aucunement de l'arrêté du 10 novembre 1970 qu'il reposait sur un tel accord; qu'en se bornant cependant à affirmer que l'arrêté litigieux avait toutes les apparences de la légalité et que le seul fait que cet arrêté ne fasse pas mention de tous les éléments permettant de vérifier la régularité de la procédure suivie n'affectait pas sérieusement sa légalité, sans rechercher si cet arrêté reposait sur un accord exprimant la volonté de la majorité indiscutable des organisations intéressées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 221-17 du Code du travail et de la loi des 16-24 août 1790 ;

3 / que les juges du fond ne peuvent motiver leur décision par une simple référence aux motifs pris par une autre juridiction dans un litige distinct ; qu'en l'espèce, pour se dispenser de rechercher, comme elle le devait, si l'accord allégué à la suite duquel l'arrêté litigieux avait été pris correspondait à la majorité indiscutable de tous ceux qui exerçaient dans le département la profession intéressée, la cour d'appel s'est bornée à un renvoi formel à une décision rendue par la cour d'appel de Limoges dans un litige distinct ; qu'elle a, partant, méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'en outre, la contestation d'un arrêté de fermeture est sérieuse dès lors qu'il est soutenu que l'accord syndical servant de base à cet arrêté est intervenu sans que toutes les organisations patronales et syndicales de toutes les professions concernées aient été consultées ;

qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que les sociétés exerçaient une activité industrielle et s'étaient à ce titre réunies en une organisation syndicale qui n'existait pas au moment où avait été organisée la concertation préalable à l'arrêté ; qu'en écartant néanmoins l'existence d'une contestation sérieuse nécessitant un renvoi préjudiciel, la cour d'appel a violé l'article L. 221-17 du Code du travail et la loi des 16-24 août 1790 ;

5 / que l'exception d'illégalité des actes réglementaires est perpétuelle ; qu'en l'espèce, en déniant l'existence d'une contestation sérieuse sur la légalité de l'arrêté litigieux et en refusant à tort tout renvoi préjudiciel, au prétexte inopérant que ledit arrêté n'avait pas fait l'objet d'un recours devant la juridiction administrative sur sa légalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 221-17 Code du travail et de la loi des 16-24 août 1790 ;

6 / que le juge judiciaire, dans son appréciation du caractère sérieux de la contestation élevée devant lui sur la légalité d'un acte administratif, n'est pas lié par l'avis de l'autorité administrative dont émane l'acte litigieux ; qu'en l'espèce, en relevant, pour justifier le refus de tout renvoi préjudiciel et l'application de l'arrêté litigieux, que la préfecture de la Vienne, qui avait pris cet arrêté, avait clairement indiqué qu'elle n'entendait pas procéder à son abrogation, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;

Mais attendu que l'exception tirée de l'existence d'une question préjudicielle, qui tend à suspendre le cours de la procédure jusqu'à décision d'une autre juridiction, doit, aux termes de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, à peine d'irrecevabilité, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; que la cour d'appel, qui, sans encourir les griefs des deuxième et quatrième branches du moyen et abstraction faite des motifs critiqués par les troisième, cinquième et sixième branches du moyen et qui sont surabondants, a constaté que l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral en cause avait été soulevée par les sociétés après leur défense au fond et à titre subsidiaire a pu décider qu'elle était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir dit que l'arrêté préfectoral du 10 novembre 1970 était opposable aux sociétés et d'avoir en conséquence condamné celles-ci à se conformer audit arrêté sous astreinte au bénéfice du Syndicat de la boulangerie de la Vienne, alors, selon le moyen :

1 / que les conventions collectives peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur ; qu'en ce cas, il y a lieu de faire primer les dispositions conventionnelles ; qu'en l'espèce, en considérant que l'accord-cadre sur les 35 heures, prévoyant au profit des salariés un repos par roulement d'une durée de deux jours sans fermeture hebdomadaire, n'était pas incompatible avec l'arrêté de fermeture du 10 novembre 1970, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 221-17 du Code du travail, l'accord du 25 mai 1999, l'avenant du 3 novembre 1999 et son arrêté d'extension du 10 mai 2000 ;

2 / que les juges du fond ne peuvent motiver leur décision par voie de référence à une jurisprudence antérieure, fût-elle de la Cour de Cassation, sans même expliquer en quoi cette jurisprudence serait telle quelle transposable au litige ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que la Cour de Cassation aurait posé qu'un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail s'appliquait à tout établissement, peu important que ce dernier se prévale d'une convention collective, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le juge n'est pas lié par les termes d'une simple lettre ministérielle dénuée de toute valeur normative ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour faire application de l'arrêté litigieux et le dire compatible avec l'accord-cadre sur les 35 heures, sur lettre du ministre de l'Economie, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 221-17 du Code du travail, l'accord du 25 mai 1999, l'avenant du 3 novembre 1999 et son arrêté d'extension du 10 mai 2000, ensemble le principe de séparation des pouvoirs ;

Mais attendu que, sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'arrêté préfectoral en cause, pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail, était applicable à tout établissement relevant de la profession, peu important que l'établissement concerné se prévale d'une convention collective ; qu'elle a pu en déduire que les sociétés, dont elle avait constaté qu'elles entraient par leurs activités dans les prévisions de l'arrêté, étaient tenues de s'y soumettre ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés La Grigne Poitevine, Le Fournil du Poitou, Le Petrin poitevin, Le Fournil viennois aux dépens ;

Vu l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés La Grigne poitevine, Le Fournil du Poitou, le Pétrin poitevin et Le Fournil viennois envers le Trésor public à payer une amende de 3 000 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés La Grigne poitevine, Le Fournil du Poitou, le Pétrin poitevin et Le Fournil viennois à payer la somme de 2 500 euros au Syndicat de la boulangerie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille cinq.

LE CONSEILLER RAPPORTEUR ET PRESIDENT LE GREFFIER DE CHAMBRE


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 03-13079
Date de la décision : 23/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile) 2002-10-15 rectifié 2002-12-26


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2005, pourvoi n°03-13079


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.13079
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