AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE NANCY,
- X... Paul,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 2 février 2005, qui, pour abstention volontaire de témoigner en faveur d'un innocent, a condamné le second à un an d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Paul X... :
Sur sa recevabilité :
Vu l'article 576 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'un pourvoi contre l'arrêt attaqué a été déclaré le 2 février 2005, par un avocat au barreau de Nancy, qui a fait joindre à l'acte du greffier une lettre, datée du 29 janvier 2005 et ainsi rédigée : "Je soussigné, Paul X..., donne pouvoir à Me Humbert Senninger ..., pour moi et en mon nom, former un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 2 février 2005 par la cour d'appel de Nancy";
Attendu qu'une telle lettre, visant une décision de justice non encore prononcée, partant indéterminée, ne saurait constituer un pouvoir spécial au sens de l'article 576 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 434-11 du Code pénal ;
Vu les articles 111-4 et 434-11 du Code pénal ;
Attendu que, d'une part, selon le premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu que, d'autre part, seul commet l'infraction prévue par l'article 434-11 susvisé celui qui, connaissant la preuve de l'innocence d'une personne jugée pour crime ou pour délit, s'abstient volontairement d'en apporter aussitôt le témoignage aux autorités judiciaires ou administratives ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure que Paul X... a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 434-11 du Code pénal à la requête de Jean-Louis Y..., définitivement condamné à la suite de l'assassinat de son fils, pour avoir omis de révéler des informations émanant d'un détenu et de nature à imputer à un tiers la disparition de l'enfant ;
Attendu que les juges du fond ont dit Paul X... coupable de l'infraction poursuivie, en retenant que le prévenu, qui avait été entendu par divers services de police judiciaire postérieurement à ses révélations sur l'affaire, a exprimé de manière non équivoque sa connaissance d'informations de nature à innocenter Jean-Louis Y..., qu'il s'est attaché de façon constante à donner le plus de vraisemblance et de crédibilité à ses déclarations, mais qu'il a refusé, en invoquant de possibles représailles en milieu carcéral, de donner l'identité de la seule personne permettant de vérifier une hypothèse d'enquête plausible ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que Paul X... connaissait la preuve de l'innocence du condamné, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de Paul X... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions pénales, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 février 2005, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Pometan, Mme Palisse, M. Beauvais conseillers de la chambre, Mme Ménotti, M. Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;