La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2005 | FRANCE | N°04-86758

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 novembre 2005, 04-86758


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de

PARIS, 3ème section, en date du 13 octobre 2004, qui, dans l'information suivie contre ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3ème section, en date du 13 octobre 2004, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de financement illégal de campagne électorale et d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant recevable la constitution de partie civile de Robert Y... ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense :

Attendu que le pourvoi, qui a admis la recevabilité, en cours d'information, d'une constitution de partie civile, ne saurait être déclaré irrecevable faute d'intérêt à agir ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1351 du Code civil, des articles 2, 3, 4, 5, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel nul ne peut alléguer sa propre turpitude, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance qui a déclaré recevable la constitution de partie civile de Robert Y..., mis en examen pour financement illégal de campagne électorale dans le cadre de la même information ;

"aux motifs d'une part, que " contrairement à ce que soutient le demandeur, l'instance en remboursement engagée devant la juridiction civile à l'encontre du mis en examen, sur le fondement contractuel, ne fait pas obstacle à ce que Robert Y... se constitue partie civile dans la présente instance ;

qu'en effet, l'application de la maxime " una via electa " suppose que les deux demandes portées devant le juge civil et le juge pénal aient le même objet et la même cause ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la constitution de partie civile devant le juge pénal a nécessairement un fondement délictuel " (arrêt attaqué p. 6 7 et 8) ;

"1 ) alors que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente n'est pas recevable à la porter devant la juridiction répressive ; que ne justifie dès lors pas légalement sa décision au regard des textes susvisés la chambre de l'instruction qui déclare recevable la constitution de partie civile de Robert Y..., dans le cadre de l'information ouverte pour abus de confiance, du fait du détournement prétendu d'une somme apportée par Robert Y... à Charles X..., cependant qu'il résulte des pièces du dossier, comme des propres constatations de l'arrêt, que cette partie civile avait d'ores et déjà saisi la juridiction civile d'une demande identique, visant à obtenir la restitution des fonds prétendument détournés ;

"2 ) alors qu'une action introduite devant une juridiction civile et une action civile portée devant une juridiction pénale ont la même cause dès lors qu'elles reposent sur les mêmes faits, peu important qu'elles aient des fondements juridiques différents, le but de la règle édictée à l'article 5 du Code de procédure pénale étant uniquement d'éviter que deux juges concurrents soient saisis du même litige indemnitaire, c'est-à-dire des mêmes faits ; qu'au cas d'espèce, il résulte des pièces du dossier que la demande présentée par Robert Y... devant la juridiction civile à l'encontre de Charles X... reposait sur des faits prétendus de détournement identiques à ceux visés par l'information ouverte à l'encontre du demandeur ; qu'en refusant malgré tout d'appliquer la règle précitée au motif que les deux demandes reposeraient sur des fondements juridiques de natures différentes, la chambre de l'instruction s'est prononcée par un motif inopérant, ne justifiant ainsi pas légalement sa décision au regard des textes susvisés ;

"3 ) alors subsidiairement que, à supposer que l'identité de cause exigée pour l'application de l'article 5 du Code de procédure pénale s'entende d'une identité de fondement juridique, cette condition doit être considérée comme remplie dès lors que, au-delà de l'appartenance formelle des moyens juridiques à tel ou tel champ du droit de la responsabilité, leur régime est en tout point identique ; que méconnaît ces principes, et ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés, la chambre de l'instruction qui statue comme elle l'a fait au prétexte d'une différence de fondement entre l'action en restitution de sommes d'argent introduite devant la juridiction civile et l'action civile en paiement de dommages-intérêts introduite par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale, cependant que les règles régissant ces deux actions, tout en appartenant, formellement, les unes à la responsabilité délictuelle, les autres à la responsabilité contractuelle, étaient en l'espèce strictement identiques ;

"aux motifs, d'autre part, que " pour qu'une partie civile soit recevable à se constituer devant le juge d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice personnel allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'en l'espèce, Charles X... ayant été mis en examen pour avoir détourné, courant 1999 et 2000, la somme de 1 million de francs apportée par Robert Y... à l'AFCPEE pour le seul financement de la campagne électorale et non remboursée lors de l'encaissement de la contribution de l'Etat, il apparaît que l'existence du préjudice allégué et sa relation directe avec l'infraction d'abus de confiance peuvent être admises comme possibles, de sorte qu'il convient de confirmer la décision entreprise " (arrêt attaqué p. 6 et 7) ;

"4 ) alors que lorsque la remise d'un bien constitue une infraction pénale en soi, l'auteur de la remise litigieuse ne peut invoquer sa propre turpitude pour obtenir réparation du dommage subi du fait du détournement ultérieur du bien en cause ; que ne justifie dès lors pas légalement sa décision au regard des textes susvisés la chambre de l'instruction qui considère comme recevable la constitution de partie civile de Robert Y..., cependant qu'il est constant que celui-ci a été mis en examen pour avoir précisément remis à Charles X... les fonds prétendument détournés ;

"5 ) alors, enfin, que pour être recevable à se constituer partie civile, une personne doit alléguer un préjudice dont l'existence est possible ; qu'au cas présent, Charles X... avait fait valoir dans ses écritures (p. 2), que le préjudice résultant du changement d'affectation des fonds prêtés par Robert Y... était inexistant dans la mesure où les parties avaient convenu de l'affectation des fonds litigieux au financement du RPF ainsi que d'un échéancier de remboursement des sommes en cause ; qu'en ne répondant pas à cette articulation essentielle du mémoire du demandeur, de nature à écarter définitivement toute possibilité d'existence d'un préjudice de Robert Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"6 ) alors qu'une constitution de partie civile par voie d'intervention n'est recevable que si les circonstances permettent à la juridiction de l'instruction d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les fonds ont été réunis par Robert Y... pour le financement de la campagne électorale et qu'ils ont été utilisés à cette fin ; que le préjudice invoqué et tiré de l'impossibilité dans laquelle se trouverait Charles X... de rembourser immédiatement les fonds malgré l'encaissement de la contribution de l'Etat n'est pas la conséquence directe de l'abus de confiance allégué" ;

Attendu que Charles X..., mis en examen pour avoir détourné des fonds qui lui avaient été confiés par Robert Y..., a soutenu que la constitution de partie civile de ce dernier était irrecevable, en faisant valoir, que, d'une part, celui-ci avait d'abord porté sa demande devant la juridiction civile et que, d'autre part, il ne justifiait d'aucun préjudice personnel certain et direct en relation avec l'infraction ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de Robert Y..., la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant de la sorte, et dès lors que, selon l'article 5 du Code de procédure pénale, la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile peut la porter devant la juridiction répressive si, comme en l'espèce, celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen qui, en sa quatrième branche est nouveau, et qui, pour le surplus, est mal fondé, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Robert Y..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-86758
Date de la décision : 22/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Electa una via - Exclusion - Cas - Saisine de la juridiction pénale par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.

Aux termes de l'article 5 du Code de procédure pénale, in fine, la règle selon laquelle la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente n'est pas recevable à la porter devant la juridiction répressive n'est pas applicable lorsque le ministère public a saisi cette dernière avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. Est, dès lors, recevable la constitution de partie civile intervenante de celui qui a confié des fonds à une personne mise en examen pour abus de confiance portant sur les sommes en cause, dans une information qui a été ouverte sur réquisition du ministère public avant que la juridiction civile ait statué sur la demande en remboursement engagée par le remettant.


Références :

Code de procédure pénale 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre de l'instruction), 13 octobre 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 1997-12-04, Bulletin criminel 1997, n° 414, p. 1370 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 nov. 2005, pourvoi n°04-86758, Bull. crim. criminel 2005 N° 300 p. 1022
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 300 p. 1022

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: Mme Anzani.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.86758
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award