AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Victorien X... a séjourné chez son fils, Michel, du 1er juin 1993 au 7 janvier 1994, puis chez son autre fils, Maurice et son épouse, Simone, depuis cette date jusqu'à son décès survenu en 1997 ; que Marie-Louise Y..., sa veuve, a résidé chez son fils, Maurice, d'avril 1993 jusqu'à son décès survenu en 1998 ; qu'ils ont laissé pour héritiers leurs cinq enfants, Michel, Maurice, Paulette, Paul et Lucette et trois petits enfants, Guy, Jean-Louis et Régine, venant par représentation d'un fils prédécédé ; que Michel X... a assigné ses cohéritiers (les consorts X...) aux fins de voir ordonner le partage de la succession de Victorien X... ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Maurice et Simone X... ont bénéficié de donations indirectes ou dons manuels pour un montant total de 31 465,48 euros ;
Attendu, d'une part, qu'aux termes du rapport d'expertise argué en vain de dénaturation, l'accord des parties pour dire que les sommes "ainsi" débitées du compte au Crédit agricole ont correspondu aux besoins quotidiens de la vie courante, portait sur les seules dépenses effectuées par chèques, ce qui excluait les cinq retraits litigieux effectués en espèces à hauteur de 45 000 francs par M. Maurice X... ; que, d'autre part, sous couvert du grief infondé de manque de base légale au regard de l'article 843 du Code civil, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la portée des constatations du rapport d'expertise ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et non fondé en sa seconde branche, ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir condamné Maurice et Simone, Paul, Paulette et Lucette à rapporter à la succession les donations indirectes et dons manuels dont ils ont bénéficié pour un montant total selon l'arrêt de 31 465,48 euros pour Maurice et Simone et de 4 573,47 euros pour Paul, Paulette et Lucette ;
Attendu que sauf dispense expresse de rapport, les donations indirectes et les dons manuels sont présumés rapportables ;
qu'ayant souverainement relevé l'intention libérale de Victorien X..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'ordonner le rapport des donations indirectes ou dons manuels dont avaient bénéficié les consorts X... sans être tenue de procéder à une recherche, qui ne lui était pas demandée, sur le caractère rapportable de l'aide matérielle et en nature dont aurait antérieurement bénéficié M. Michel X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner l'attribution préférentielle au profit de M. Michel X..., qui fondait sa demande sur l'article 832 du Code civil, l'arrêt relève que, selon l'article 832-1 du même Code, l'attribution préférentielle visée au troisième alinéa de l'article 832 est de droit pour toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de superficies fixées par décret en Conseil d'Etat ;
Qu'en statuant ainsi, en substituant à la demande dont elle était saisie un autre fondement juridique et en s'abstenant de le soumettre à la contradiction de toutes les parties, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a ordonné l'attribution préférentielle au profit de M. Michel X..., l'arrêt rendu le 10 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Michel X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille cinq.