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16/11/2005 | FRANCE | N°04-81209

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2005, 04-81209


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5Ã

¨me chambre, en date du 28 janvier 2004, qui, pour escroqueries, faux et usage, l'a condamné à...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 28 janvier 2004, qui, pour escroqueries, faux et usage, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement, a prononcé sur les intérêts civils et a rejeté sa demande de confusion de peines ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 313-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 27 juin 2002, ayant déclaré Jacques X... coupable d'escroquerie pour avoir en produisant des billets à ordre, des factures et des contrats falsifiés, trompé la société Slifac, pour la déterminer à remettre des fonds, valeurs ou un bien quelconque en l'espèce la somme de 2.820.303,68 euros ;

"aux motifs qu'il apparaît des éléments recueillis par l'information que la société Eurofactor a accepté de racheter diverses factures correspondant à la vente de machines à glace ou appareils photos express pour un montant de 3.015.000 francs ; que, pour déterminer la conclusion de ce contrat, Zara Y... et Jacques X... ont remis à Eurofactor les contrats de vente des matériels et les billets à ordre émis par les commerçants en paiement ; que ces documents ont été falsifiés par les prévenus ; que les commerçants avaient accepté un paiement échelonné par dix billets à ordre d'un montant nominal de 13 000 francs alors que ce sont des effets uniques de 130 000 francs qui ont été remis à l'affactureur ;

que la clause contractuelle par laquelle les commerçants subordonnaient la présentation des billets à ordre en paiement à la livraison des produits destinés à alimenter les machines, a été supprimée pour faire accroire à Eurofactor que le paiement était effectué au comptant ; que lesdites falsifications sont établies par l'audition des commerçants victimes de ces agissements et par l'expertise des mentions portées sur les billets à ordre, qui révèlent que leur montant a été modifié ; que Jacques X... ne peut soutenir qu'il ne s'agit là que d'un litige commercial, sans implication pénale ; que non seulement les falsifications sont établies mais qu'il ressort du contrat même conclu le 23 novembre 1999 avec Eurofactor que seules ces falsifications ont permis la remise des fonds versés pour le rachat des factures ; que le contrat mentionne qu'une seule traite doit être remise à l'appui de la facture, suivant une procédure qu'Eurofactor dénomme "process de vente", permettant l'examen des justificatifs qui les accompagnent : bons de livraisons, contrats signés, billets à ordre ou traites acceptées et portant le tampon des acheteurs ; que ces falsifications ont causé un préjudice direct aux commerçants qui ont été confrontés à la demande en paiement des effets de commerce dont le montant était falsifié et dont l'acquisition par l'affactureur avait été obtenue sur la présentation

d'un contrat d'achat falsifié ; que ces agissements sont ainsi constitutifs de l'infraction d'escroquerie en ce qui concerne Eurofactor et de faux et usage de faux pour les victimes commerçants : Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., SARL Arizona, Shopi Racine, Attard Leca, SARL Gourmet, M..., N..., O..., SARL JMP, P..., Q..., R..., S..., T..., U... ; que la participation de Jacques X..., agissant en co-action avec Zara Y... est établie par ses propres déclarations, par les déclarations de Zara Y..., qui le dénonce comme l'instigateur des faits reprochés et comme le gérant de fait de la société Miel, enseigne utilisée pour accréditer la véracité des engagements contractés, tant envers Eurofactor que des petits commerçants victimes ; que de plus, Jacques X... s'est présenté avec Zara Y... le jour de la conclusion du contrat avec Eurofactor, se portant fort du parfait déroulement des opérations au travers d'une société Gus ; que c'est donc par des motifs exacts et fondés en droit, que la Cour adopte expressément, que le tribunal l'a déclaré coupable ;

"alors, d'une part, que l'insuffisance de motifs constitue un défaut de motifs, de sorte qu'en omettant de répondre aux conclusions de Jacques X..., desquelles il résultait que le délit d'escroquerie à l'égard de la Société Eurofactor ne pouvait être constitué dans la mesure où, s'agissant d'un contrat d'affacturage les billets à ordre ne représentaient pas la chose vendue, contrairement à une opération d'escompte, et que seule la créance était cédée, ce qui avait bien été le cas en l'espèce, peu importe à cet effet qu'il existât plusieurs billets à ordre, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que l'escroquerie se caractérise soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité soit par l'abus d'une qualité vraie soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, si bien qu'en estimant que les billets à ordre établis par les commerçants et présentés à la société Slifac auraient été falsifiés puisqu'ils auraient comporté des montants uniques de 130 000 francs et non un montant nominal de 13 000 francs, sans rechercher comme elle y était invitée par les conclusions de Jacques X..., si l'absence de manoeuvres frauduleuses dans l'indication de cette somme ne résultait pas de ce que les billets à ordre avaient dans la plupart des cas été remis en blanc concernant la somme, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 441-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 27 juin 2002, ayant déclaré Jacques X... coupable de faux et usage pour avoir falsifié des billets à ordre, des contrats, des factures et fait usage de ces faux au préjudice de la société Slifac et de divers commerçants ;

"aux motifs qu'il apparaît des éléments recueillis par l'information que la société Eurofactor a accepté de racheter diverses factures correspondant à la vente de machines à glace ou appareils photos express pour un montant de 3.015.000 francs ; que, pour déterminer la conclusion de ce contrat, Zara Y... et Jacques X... ont remis à Eurofactor les contrats de vente des matériels et les billets à ordre émis par les commerçants en paiement ; que ces documents ont été falsifiés par les prévenus ; que les commerçants avaient accepté un paiement échelonné par dix billets à ordre d'un montant nominal de 13 000 francs alors que ce sont des effets uniques de 130 000 francs qui ont été remis à l'affactureur ;

que la clause contractuelle par laquelle les commerçants subordonnaient la présentation des billets à ordre en paiement à la livraison des produits destinés à alimenter les machines, a été supprimée pour faire accroire à Eurofactor que le paiement était effectué au comptant ; que lesdites falsifications sont établies par l'audition des commerçants victimes de ces agissements et par l'expertise des mentions portées sur les billets à ordre, qui révèlent que leur montant a été modifié ; que Jacques X... ne peut soutenir qu'il ne s'agit là que d'un litige commercial, sans implication pénale ; que, non seulement les falsifications sont établies mais qu'il ressort du contrat même conclu le 23 novembre 1999 avec Eurofactor que seules ces falsifications ont permis la remise des fonds versés pour le rachat des factures ; que le contrat mentionne qu'une seule traite doit être remise à l'appui de la facture, suivant une procédure qu'Eurofactor dénomme "process de vente", permettant l'examen des justificatifs qui les accompagnent : bons de livraisons, contrats signés, billets à ordre ou traites acceptées et portant le tampon des acheteurs ; que ces falsifications ont causé un préjudice direct aux commerçants qui ont été confrontés à la demande en paiement des effets de commerce dont le montant était falsifié et dont l'acquisition par l'affactureur avait été obtenue sur la présentation d'un contrat d'achat falsifié ; que ces agissements sont ainsi constitutifs de l'infraction d'escroquerie en ce qui concerne Eurofactor et de faux et usage de faux pour les victimes commerçants : Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., SARL Arizona, Shopi Racine, Attard Leca, SARL Gourmet, M..., N..., O..., SARL JMP, P..., Q..., R..., S..., T..., U... ; que la participation de Jacques X..., agissant en co-action avec Zara Y... est établie par ses propres déclarations, par les déclarations de Zara Y..., qui le dénonce comme l'instigateur

des faits reprochés et comme le gérant de fait de la société Miel, enseigne utilisée pour accréditer la véracité des engagements contractés, tant envers Eurofactor que des petits commerçants victimes ; que de plus, Jacques X... s'est présenté avec Zara Y... le jour de la conclusion du contrat avec Eurofactor, se portant fort du parfait déroulement des opérations au travers d'une société Gus ; que c'est donc par des motifs exacts et fondés en droit, que la Cour adopte expressément, que le tribunal l'a déclaré coupable ;

"alors, d'une part, que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs, si bien qu'en omettant de répondre aux conclusions de Jacques X... desquelles il résultait que les billets à ordre transmis à la société Slifac n'étaient pas endossés par les commerçants, ce dont il résultait qu'ils n'étaient transmis qu'à titre de renseignement et qu'ils ne pouvaient revêtir aucun caractère probatoire au sens de l'article 441-1 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer préjudice, de sorte qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de Jacques X..., si l'absence d'indication par les commerçants dans les billets à ordre de la somme correspondant à l'achat des machines n'était pas de nature à établir l'absence d'intention frauduleuse, puisque les sommes apposées par la suite correspondaient au montant de la vente conclue entre la société Miel et les commerçants, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits d'escroqueries, faux et usage dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que la peine prononcée et les réparations civiles étant justifiées par la déclaration de culpabilité du chef d'escroquerie commise au préjudice de la société Eurofactor, il n'y a pas lieu d'examiner le troisième moyen qui discute le délit d'escroquerie commis au préjudice de M. V... ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-2, 132-4, 132-5, 313-1, 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande formée par Jacques X... tendant à la confusion de la peine prononcée avec les peines antérieurement prononcées par les arrêts des 30 novembre 1999 et 2 août 2001 ;

"aux motifs que la confusion sollicitée est seulement facultative pour les deux dernières décisions et n'est pas justifiée au fond ;

"alors, d'une part, que la confusion des peines se révèle obligatoire lorsque le total des peines de même nature dépasse le maximum légal de la peine la plus élevée, de sorte qu'en énonçant que la confusion demandée par Jacques X... serait facultative pour les décisions du 30 novembre 1999 et 2 août 2001 alors que le total de ces deux peines d'emprisonnement de 2 ans et de 5 ans est supérieur au maximum légal de la peine prévue en matière d'escroquerie, la cour d'appel a violé l'article 132-4 du Code pénal ;

"alors d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence, de sorte qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande en confusion de peines présentée par Jacques X..., que cette confusion est seulement facultative et n'est pas justifiée au fond sans préciser ni les peines avec lesquelles la confusion était demandée ni pour quels faits et dans quelles conditions elle a été prononcée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, notamment, de vérifier si la confusion est juridiquement possible et, dans l'affirmative, si le maximum des peines n'a pas été dépassé" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'après avoir condamné Jacques X... à 18 mois d'emprisonnement, l'arrêt énonce que cette peine ne se confondra pas avec celles prononcées par arrêts des 30 novembre 1999 et 2 août 2001, la confusion sollicitée étant facultative, sans préciser ni quelles sont ces peines ni pour quels faits et dans quelles conditions elles ont été prononcées ;

Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation n'est pas en mesure d'assurer son contrôle et de vérifier si le maximum de la peine n'a pas été dépassé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 janvier 2004, mais seulement en ce qu'il a statué sur la demande de confusion de peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81209
Date de la décision : 16/11/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 28 janvier 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2005, pourvoi n°04-81209


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81209
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