AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 octobre 2003), que le Crédit immobilier d'Alsace (le CIA) a acquis en 1990, de la société CIC, marchand de biens, un terrain dont il a découvert en 1994 qu'il contenait des hydrocarbures ; qu'à l'issue de recherches sur l'historique du terrain, il a diligenté une procédure de référé en avril 1996, puis a assigné en garantie des vices cachés la commune de Haguenau, propriétaire originaire du terrain sur lequel elle avait exploité une usine de production de gaz de 1863 à 1929 et la Société européenne de supermarchés (la SES) à qui elle avait revendu le terrain en 1956 ; qu'il a sollicité également la condamnation de la commune de Haguenau à lui rembourser les travaux de dépollution en application de la loi du 19 juillet 1976 sur les établissements classés ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que le vice était essentiellement constitué par la présence de résidus de fioul mélangés à de la terre et à des gravats divers, la cour d'appel, qui a retenu que si M. X... avait eu connaissance des problèmes de constructibilité du terrain acquis par sa société et avait adapté la construction de l'entrepôt à la présence de trois anciennes cuves, rien ne permettait d'affirmer qu'il connaissait le contenu de ces cuves, a pu en déduire, sans se contredire, que la mauvaise foi des dirigeants de la SES lors de la vente de l'entrepôt en 1990 n'était pas démontrée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que le CIA fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de son action contre la commune de Haguenau, alors, selon le moyen, que les litiges relatifs à la responsabilité contractuelle encourue par une commune du fait de la vente d'un bien situé sur son domaine privé ressortit à la compétence judiciaire dès lors que le contrat de vente n'a pas pour objet l'exécution d'un service public et ne contient pas de clause exorbitante du droit commun ; que le contrat de vente consenti par la commune de Haguenau à la société Haeringer est un contrat de droit privé portant sur un bien de la commune situé sur son domaine privé et exempt de toute clause exorbitante de droit commun ; qu'en retenant la compétence des juridictions administratives pour statuer sur un litige consécutif à cette vente et mettant en cause la responsabilité contractuelle de la commune de Haguenau, la cour d'appel a violé ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;
Mais attendu que le CIA ayant invoqué comme fondement à sa demande, en dehors de la garantie des vices cachés, la responsabilité quasi-délictuelle ou l'obligation légale pour l'auteur d'une pollution de prendre en charge le coût de son traitement en application de la loi du 19 juillet 1976 et du décret du 21 septembre 1977, le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1641 et 1165 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande du CIA sur le fondement des vices cachés, l'arrêt retient l'efficacité de la clause de non-garantie stipulée dans l'acte de vente de la société SES à la société CIC et son opposabilité à l'action en garantie intentée par le CIA, et énonce que l'action en garantie, exclue et bloquée au niveau d'un vendeur intermédiaire, ne peut pas être envisagée et prospérer contre le vendeur initial, la commune de Haguenau ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une clause de non-garantie opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne peut faire obstacle à l'action directe de l'acquéreur final contre le vendeur originaire, dès lors qu'aucune clause de non-garantie n'a été stipulée lors de la première vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée aux faits souverainement constatés par les juges du fond qui ont relevé que le recours contractuel de droit commun serait prescrit, et de décider que l'action en garantie exercée le 26 avril 1996 contre la commune de Haguenau, qui avait vendu le terrain affecté du vice en 1956, est prescrite, la garantie légale du vendeur initial devant être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de la prescription extinctive de droit commun fixé à trente ans par l'article 2262 du Code civil ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de l'action contre la commune de Haguenau fondée sur la loi du 19 juillet 1976, l'arrêt rendu le 16 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Dit que l'action en garantie des vices cachés exercée par le CIA contre la commune de Haguenau est prescrite ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu de modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la commune de Haguenau et de la société Cora ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille cinq.