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15/11/2005 | FRANCE | N°05-80879

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 2005, 05-80879


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me HEMERY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paul,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 23 no

vembre 2004, qui, pour infractions au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 3 318 euros d'amend...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me HEMERY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paul,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 23 novembre 2004, qui, pour infractions au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 3 318 euros d'amende, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4, alinéas 1 et 2, R. 443-9, 2 , et R. 443-13 du Code de l'urbanisme, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul X... coupable de stationnement de quatre caravanes sur un site classé, en l'espèce en zone protégée boisée, en le condamnant de ce chef ;

"aux motifs propres qu'il résulte de l'acte du 18 juillet 1996, par lequel le vendeur de Paul X... a acquis le terrain litigieux, que la parcelle est classée en zone 2 ND du POS, c'est-à-dire en espace boisé protégé ; que l'acte d'acquisition de Paul X... du 11 avril 1997 mentionnait le classement de la parcelle et l'interdiction de stationnement de caravane ; qu'il a été constaté le 25 mars 2003 que des caravanes stationnaient sur la parcelle C.2358 ; que l'infraction visée à la prévention est donc parfaitement caractérisée ;

"et aux motifs adoptés que le prévenu est poursuivi pour le stationnement de quatre caravanes sur un site classé, en l'espèce un site boisé classé protégé ; qu'aux termes de l'article R. 443-9 du Code de l'urbanisme, le camping et le stationnement de caravane pratiqués isolément, ainsi que la création de terrains de camping et de caravanage sont interdits dans les sites classés, ainsi que dans les zones de protection des monuments naturels et des sites ; que la zone litigieuse est située en zone 2 ND du plan local d'urbanisme, laquelle comprend des espaces boisés protégés où le stationnement de caravanes est interdit quel que soit leur nombre et quelle que soit la durée du stationnement, qui constitue une utilisation du sol en méconnaissance des obligations prévues à l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;

"alors, d'une part, que l'article R. 443-9, 2 , du Code de l'urbanisme interdit le stationnement de caravanes dans les sites classés ou inscrits, notamment dans les zones de protection établies en application de la loi du 2 mai 1930 (actuellement articles L. 341-1 et suivant du Code de l'environnement) qui prévoit que chaque département doit établir une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente un intérêt général ; qu'en se bornant, pour retenir la culpabilité du prévenu sur le fondement de l'article R. 443-9, 2 , du Code de l'urbanisme, à énoncer que le stationnement de caravanes est interdit dans les sites classés, notamment "dans les zones de protection des monuments naturels et des sites", sans constater que la zone dans laquelle se trouve la parcelle litigieuse figure sur la liste départementale des monuments naturels ou des sites dont la conservation présente un intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la violation d'une prescription légale ou réglementaire en matière d'urbanisme n'est punissable qu'en cas de violation faite en connaissance de cause ; qu'en déclarant le prévenu coupable de stationnement irrégulier de caravanes, sans constater que la violation des prescriptions de l'article R. 443-9, 2 , du Code de l'urbanisme aurait été faite en connaissance de cause, la cour d'appel a violé l'article 121-3 du Code pénal" ;

Attendu que, pour déclarer Paul X... coupable d'avoir fait stationner, en connaissance de cause, des caravanes dans un secteur naturel protégé, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que la parcelle qu'il a acquise et sur laquelle il a installé les véhicules a été classée en zone 2 ND par le plan d'occupation des sols comme espace boisé à protéger, ainsi que l'indique la notice d'urbanisme annexée à l'acte notarié ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent, au même titre que le stationnement de caravane sur un site classé ou dans une zone de protection, une utilisation du sol en violation des obligations visées par l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme, la cour d'appel, qui n'avait pas à constater l'inscription du terrain sur la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation présente un intérêt général, prévue par l'article L. 341-1 du Code de l'environnement, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, alinéa 1, L. 123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 123-4, L. 123-5 et L. 123-19 du Code de l'urbanisme, L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul X... coupable d'édification de construction, en l'espèce une plate-forme, en infraction au POS de la commune, et l'a condamné de ce chef, en ordonnant notamment, sous astreinte, la démolition de l'ouvrage illicite, et en condamnant également le prévenu à des réparations civiles ;

"aux motifs adoptés que le prévenu fait l'objet de poursuites pour avoir édifié une construction en infraction au plan d'occupation des sols, en l'espèce une plate-forme ; qu'il apparaît que Paul X... a procédé à l'édification d'une plate-forme empierrée, travaux de construction totalement prohibés par les dispositions du plan d'occupation des sols ; que le délit de construction d'une plate-forme en infraction aux dispositions d'un plan d'occupation des sols est donc parfaitement caractérisé ;

"alors, d'une part, que la mise en place d'une plate-forme empierrée n'est pas assimilable à l'édification d'une construction ; qu'en déclarant Paul X... coupable d'édification d'une construction sur une parcelle classée en zone 2 ND du plan local d'urbanisme, au seul motif qu'il avait procédé à la mise en place d'une plate-forme empierrée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que la violation d'une prescription légale ou réglementaire en matière d'urbanisme n'est punissable que si la violation est faite volontairement, en connaissance de cause ; qu'en déclarant le prévenu coupable d'édification de construction en infraction au plan local d'urbanisme, sans constater que la violation des dispositions du Code de l'urbanisme avait été faite en connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer Paul X... coupable du délit de construction en méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il a recouvert son terrain, situé dans un secteur boisé protégé, d'une plate-forme empierrée et qu'il y a édifié un petit bâtiment ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que ces constructions ont été entreprises dans un secteur où elles étaient interdites par le plan d'occupation des sols, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation " des articles L. 160-1, alinéa 2 B, L. 130-1, alinéa 5, R. 130-1, R. 130-2, R. 130-3 et R. 130-5 du Code de l'urbanisme, L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul X... coupable de coupe ou d'abattage d'arbres dans un bois classé en espace boisé protégé, en infraction à un plan d'occupation des sols, et l'a condamné de ce chef, en ordonnant notamment, sous astreinte, la remise en état des lieux, soit la restitution du terrain dans son intégralité à l'état de sol naturel et d'espace boisé, et en condamnant également le prévenu à des réparations civiles ;

"aux motifs adoptés que le prévenu fait l'objet de poursuites pour avoir procédé au défrichement sans autorisation préalable de la parcelle litigieuse et en infraction aux règles édictées par le plan local d'urbanisme ; que, s'agissant du déboisement, même en admettant que les pins aient été dans un mauvais état d'entretien, il n'est pas rapporté la preuve d'un état de nécessité qui aurait contraint le prévenu de procéder dans l'urgence à l'abattage d'arbres dangereux sans en solliciter au préalable l'autorisation ;

qu'en outre l'édification d'une plate-forme empierrée est manifestement incompatible avec le reboisement de ladite parcelle et est de nature à en modifier l'affectation en terrain boisé ; qu'en conséquence, le délit concernant le défrichage sans autorisation préalable d'une parcelle boisée sur un site classé est parfaitement caractérisé ;

"alors, d'une part, que, si l'article R. 130-1 du Code de l'urbanisme précise que les coupes et abattages d'arbres sont soumis à autorisation préalable dans les espaces boisés classés, il ajoute qu'une telle autorisation n'est pas requise lorsque le propriétaire procède à l'enlèvement des arbres dangereux, des chablis et des bois morts ; que ce texte n'exige pas que le propriétaire, qui procède à l'enlèvement d'arbres abîmés ou dangereux, se trouve en état de nécessité ; qu'en énonçant néanmoins, pour justifier la déclaration de culpabilité, que, même en admettant que les pins aient été en mauvais état d'entretien, le prévenu ne rapportait pas la preuve d'un état de nécessité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la violation d'une prescription légale ou réglementaire en matière d'urbanisme n'est punissable que si cette violation est faite volontairement, en connaissance de cause ; qu'en déclarant le prévenu coupable de coupe ou abattage d'arbres sans autorisation préalable en espace boisé classé protégé, en infraction au plan local d'urbanisme, sans constater que la violation des dispositions du Code de l'urbanisme avait été faite en connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-5 et L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant ordonné la démolition des ouvrages illicites, ainsi que la remise en état des lieux, soit la restitution du terrain dans son intégralité à l'état de sol naturel et d'espace boisé, dans un délai de huit mois à compter du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

"alors, d'une part, que, selon l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, les juges correctionnels ne peuvent statuer sur la mise en conformité de l'ouvrage, sa démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur qu'au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ; qu'en l'espèce aucune mention de l'arrêt attaqué ni du jugement n'établit que le fonctionnaire compétent ait été entendu ou appelé à fournir ses observations écrites ; que la cour d'appel, qui a ainsi méconnu une prescription essentielle dont l'inobservation a porté atteinte aux intérêts du prévenu, a donc violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, que, lorsqu'en application de l'article L. 480-1 du Code de l'urbanisme les juges ordonnent la démolition des ouvrages irrégulièrement édifiés ou la remise en état des lieux, ils sont tenus, en vertu de l'article L. 480-7, de prévoir le délai dans lequel la mesure doit être exécutée et à l'expiration duquel l'astreinte commencera à courir ; que, si, en l'espèce, le tribunal avait prévu un délai de huit mois "à compter de la présente décision", c'est-à-dire à compter de la date du jugement, la Cour d'appel s'est bornée à confirmer la mesure d'astreinte, sans fixer le point de départ du délai de huit mois ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ;

Attendu que, selon ce texte, en cas de condamnation pour une infraction prévue par l'article L. 480-4 du même Code, la juridiction correctionnelle statue sur la mise en conformité de l'ouvrage, sa démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'avoir édifié irrégulièrement une construction, changé l'affectation d'un espace boisé protégé, occupé le sol en compromettant la conservation des boisements et défriché une parcelle boisée sans autorisation préalable, l'arrêt ordonne, sous astreinte, la remise en état des lieux ;

Mais attendu qu'aucune mention de l'arrêt ni du jugement n'établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites ; qu'ainsi, et alors que la demande de la commune constituée partie civile ne saurait suppléer cette formalité, a été méconnue une prescription essentielle dont l'inobservation a porté atteinte aux intérêts de la personne poursuivie ;

Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le quatrième moyen proposé ;

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 23 novembre 2004, mais en ses seules dispositions ayant ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80879
Date de la décision : 15/11/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 23 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 2005, pourvoi n°05-80879


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80879
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