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15/11/2005 | FRANCE | N°05-80121

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 2005, 05-80121


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE

CONSEIL SUPERIEUR DE L'ORDRE DES

EXPERTS-COMPTABLES, partie civile,

contre l'arrêt de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE CONSEIL SUPERIEUR DE L'ORDRE DES

EXPERTS-COMPTABLES, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2004, qui a relaxé partiellement Nils X... du chef d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'a relaxé du chef d'usurpation du titre d'expert-comptable, a relaxé Marc Y... du chef de complicité de ces délits, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Nils X..., qui n'est pas inscrit au tableau de l'ordre des experts-comptables, a fait profession de tenir les comptes de plusieurs entreprises commerciales auxquelles il n'était pas lié par un contrat de travail ; que la SECMI, société d'expertise comptable inscrite au tableau de l'ordre et dirigée par Marc Y..., visait les documents fiscaux de ceux de ses clients qui avaient adhéré au centre de gestion agréé (CEDAGE) de l'Ain ; qu'au terme d'une information ouverte sur la plainte du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, partie civile, Nils X... et Marc Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable et usurpation du titre attaché à cette profession, le second, pour complicité de ces délits ; que le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des infractions reprochées et condamnés solidairement au paiement de 5 000 euros de dommages-intérêts à la partie civile ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 20, 2 et 3 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, 121-3, 433-17, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Nils X... des chefs d'usurpation du titre d'expert-comptable et d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable pour ses clients adhérents au CEDAGE ;

"aux motifs que sur l'expertise comptable, la preuve n'a pas été rapportée de ce que Nils X... s'est prévalu, d'une quelconque façon, de la qualité d'expert-comptable ; que d'ailleurs l'Ordre des experts-comptables ne conclut point sur ce chef de prévention ; que l'information et les débats ont révélé la nécessité de distinguer selon que Nils X... agissait seul dans la comptabilité de sa clientèle ou que Marc Y..., expert-comptable, intervenait également ; que lorsque Nils X... agissait seul, ses clients ont tous voulu se décharger sur lui de l'intégralité de leurs soucis comptables ; que Nils X... ne s'est point borné ainsi qu'il le prétend, à procéder à la seule saisie de données comptables ; que faute de l'intervention ultérieure d'un tiers ou de toute activité comptable de ses clients, lui seul a nécessairement procédé à la révision, c'est-à-dire à la réflexion sur le chiffre et à l'imputation des sommes dans les articles du bilan dont il a été l'auteur intellectuel ; qu'il a agi, à titre professionnel, c'est-à-dire habituellement, salariant plusieurs personnes ; qu'il ne peut être tiré aucun argument utiles de ce que la clientèle de Nils X... est soumise à une comptabilité simplifiée, laquelle implique autant de rigueur que la comptabilité de droit commun ; que Nils X... a ainsi, de façon habituelle et à titre professionnel, exercé de façon indépendante, l'activité d'expert-comptable alors qu'il n'a pas soutenu avoir souscrit une assurance spécifique pour ce type d'activité en vue de protéger sa clientèle ; que par ces raisons, le principe de la responsabilité de Nils X... dans l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable est

confirmé ; qu'aujourd'hui Nils X... a cédé son entreprise pour prendre sa retraite ; que la sanction doit être adaptée à l'arrêt de son activité professionnelle et à ses ressources actuelles ; que la comptabilité de la clientèle de Nils X... adhérente au CEDAGE de l'Ain, était visée par la SECMI, société d'expertise comptable dirigée par Marc Y..., à laquelle le premier adressait ses clients qui souhaitaient bénéficier des avantages fiscaux de l'intervention d'un CEDAGE ; que l'information a établi que contrairement à ce que certains soutenaient, alimentant ainsi la suspicion d'une rétrocession d'honoraires, la SECMI était rémunérée par les 27 clients CEDAGE à qui une facture était établie, à chaque fois ; que l'expert-comptable a produit, à l'instruction, le dossier de chacun de ces clients, notamment le questionnaire de synthèse ; que la validité et la qualité de son intervention sont confirmées par l'absence de toute plainte des clients et de toute critique

formulée par le CEDAGE ou par l'administration fiscale sur les documents soumis à leur appréciation et repris par la SECMI ; qu'il ne peut être tiré argument de la faible facturation des opérations de saisie, préalablement effectuées par Nils X... ; que pour les clients CEDAGE, le travail de Nils X... n'a ainsi été que provisoire soumis à la vérification ultérieure de l'expert-comptable ; que pour le clients CEDAGE, la relaxe de Nils X... s'impose ;

"alors, d'une part, que l'usurpation de titre d'expert-comptable peut consister en de simples affirmations verbales et n'a pas à être publique, de sorte qu'en se bornant à énoncer que la preuve n'aurait pas été rapportée de ce que Nils X... se serait prévalu de la qualité d'expert-comptable tout en relevant que pour partie Nils X... avait agi seul dans la comptabilité de sa clientèle et que les clients souhaitaient ainsi "se décharger sur lui de l'intégralité de leurs soucis comptables" sans rechercher si dans le cadre de cette activité d'exercice illégal de l'activité d'expert-comptable il ne s'était pas prévalu par quelque moyen que ce soit de cette qualité ne serait-ce que de manière verbale pour inciter ces clients à lui confier leur comptabilité, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que commet le délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'Ordre des experts-comptables, centralise et tient les livres comptables de ses clients et établit leurs bilans, exécutant habituellement les travaux de comptabilité en son nom propre et se borne à les faire viser par un expert comptable en vue de leur transmission à un centre de gestion, si bien qu'en statuant ainsi en se bornant à relever que Nils X... aurait effectué des opérations de saisie pour les clients CEDAGE sans rechercher ni préciser quelles opérations étaient effectuées respectivement par Nils X... et Marc Y... et si donc ce dernier ne s'était pas contenté de viser les éléments comptables établis par Nils X... avant de les adresser au centre de gestion, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, enfin, que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs, de sorte qu'en relaxant Nils X... du chef d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable tout en relevant que "pour les clients du CEDAGE le travail de Nils X... n'a été que provisoire", soumis à la vérification ultérieure de l'expert comptable, Marc Y..., ce dont il résultait que Nils X... avait bien exécuté des travaux comptables avant de se borner à les faire viser par le centre de gestion, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 20, 2 et 3 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, 121-3, 433-17, 434-15 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Marc Y... du chef de complicité d'usurpation de titre, diplôme ou de qualité et de complicité d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable ;

"aux motifs que la comptabilité de la clientèle de Nils X... adhérente au CEDAGE de l'Ain, était visée par la SECMI, société d'expertise comptable dirigée par Marc Y..., à laquelle le premier adressait ses clients qui souhaitaient bénéficier des avantages fiscaux de l'intervention d'un CEDAGE ; que l'information a établi que contrairement à ce que certains soutenaient, alimentant ainsi la suspicion d'une rétrocession d'honoraires, la SECMI était rémunérée par les 27 clients CEDAGE à qui une facture était établie, à chaque fois ; que l'expert-comptable a produit, à l'instruction, le dossier de chacun de ces clients, notamment le questionnaire de synthèse ; que la validité et la qualité de son intervention sont confirmées par l'absence de toute plainte des clients et de toute critique formulée par le CEDAGE ou par l'administration fiscale sur les documents soumis à leur appréciation et repris par la SECMI ;

qu'il ne peut être tiré argument de la faible facturation des opérations de saisie, préalablement effectuées par Nils X... ; que pour les clients CEDAGE, le travail de Nils X... n'a ainsi été que provisoire soumis à la vérification ultérieure de l'expert-comptable ;

"alors, d'une part, que se rend coupable par aide et assistance de complicité d'usurpation de titre et d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'expert-comptable qui accepte de viser et de signer des documents comptables établis par l'auteur principal n'ayant pas cette qualité et de les transmettre à un centre de gestion signé par ses soins laissant ainsi penser qu'il les a lui-même établis, de sorte qu'en statuant ainsi aux motifs que pour les clients CEDAGE la réalité de l'intervention de Marc Y... serait confirmée par la facturation adressée aux clients ainsi que leur absence de plainte alors que cette faible facturation n'était pas de nature à écarter l'existence de l'aide et l'assistance apportées par Marc Y... à Nils X... dans le visa de documents comptables qu'il aurait dû lui-même établir, la cour d'appel a violé les articles 121-7, 433-17 du Code pénal et 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

"alors, d'autre part, que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs, si bien qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, si l'aide et l'assistance apportées par Marc Y... à Nils X... ayant consisté à viser des documents qu'il n'avait pas établis en vue de leur transmission au centre de gestion ne découlait pas de ce que dans les locaux de Nils X... avait été retrouvé un logiciel de traitement informatique (SISCO) destiné au traitement des données comptables et dont il s'était servi pour établir des documents comptables de plusieurs commerçants adhérents au CEDAGE Ain, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour dire que Nils X... n'a pas exercé illégalement la profession d'expert-comptable à l'égard de ceux de ses clients qui avaient adhéré au CEDAGE de l'Ain, l'arrêt infirmatif attaqué retient que la surveillance et la centralisation des comptes de ces derniers étaient effectivement assurées par la SECMI, dont les prestations n'ont justifié ni plainte de la clientèle ni critique du centre de gestion agréé ou de l'administration fiscale ; que les juges du second degré ajoutent que la modération des prix pratiqués par la société d'expertise comptable s'explique par le fait qu'elle était dispensée des opérations de saisie informatique des articles des comptes, préalablement effectuée par Nils X... ; qu'enfin, ils constatent que l'accusation n'a pas rapporté la preuve de ce que Nils X... se soit prévalu, d'une quelconque façon, de la qualité d'expert-comptable ;

Attendu qu'en l'état des ces motifs, d'où il résulte, d'une part, que Nils X... a exercé la profession d'expert-comptable sans faire usage de ce titre et n'a pas exécuté d'actes de la profession à l'égard de ceux de ses clients qui avaient adhéré au centre de gestion agréé, d'autre part, que Marc Y... n'a été complice d'aucune des infractions qui étaient reprochées à son coprévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80121
Date de la décision : 15/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, 18 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 2005, pourvoi n°05-80121


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80121
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