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15/11/2005 | FRANCE | N°04-19293

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 novembre 2005, 04-19293


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,15 juin 2004) et les productions, qu'une ordonnance du 5 juin 2003 a admis au passif de la société Giovagnoni constructions (la société), mise en redressement judiciaire le 26 octobre 1995 puis en liquidation judiciaire le 16 novembre suivant, et dont M. X... a été le président et directeur général, la créance déclarée par la Banque populaire industrielle et commerciale de la région sud de Paris (la banque)

; que les appels de cette décision, interjetés par M. X... le 1er juillet 2...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,15 juin 2004) et les productions, qu'une ordonnance du 5 juin 2003 a admis au passif de la société Giovagnoni constructions (la société), mise en redressement judiciaire le 26 octobre 1995 puis en liquidation judiciaire le 16 novembre suivant, et dont M. X... a été le président et directeur général, la créance déclarée par la Banque populaire industrielle et commerciale de la région sud de Paris (la banque) ; que les appels de cette décision, interjetés par M. X... le 1er juillet 2003, par la société le 28 octobre suivant et le 7 janvier 2004 par M. Y..., nommé mandataire ad hoc de la société par une ordonnance du 23 décembre 2003, ont été déclarés irrecevables ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. X... à titre personnel, contestée par la défense :

Attendu que la banque soutient que si le recours contre la décision du juge-commissaire est ouvert à la société débitrice, il ne peut pas être formé par un ancien dirigeant dont les fonctions ont pris fin et qui ne peut ni représenter la société, ni agir à titre personnel ;

Mais attendu que M. X... est recevable à former un pourvoi contre la décision qui a déclaré son appel, formé à titre personnel, irrecevable ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. Y... agissant en sa qualité de mandataire ad hoc de la société, contestée par la défense :

Attendu que la banque soutient que si une ordonnance du 23 décembre 2003 a nommé M. Y... mandataire ad hoc pour interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire du 5 juin 2003, celui-ci ne justifie d'aucun mandat ad hoc pour former un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 15 juin 2004 ;

Mais attendu qu'il résulte des ordonnances du 23 décembre 2003 et du 5 avril 2005 que M. Y... a été désigné en qualité de mandataire ad hoc de la société pour représenter celle-ci dans les instances en cours ; qu'il a donc qualité pour former un pourvoi en cassation au nom de la société contre l'arrêt qui a déclaré l'appel irrecevable ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé par la société agissant en la personne de ses représentants légaux, contestée par la défense :

Attendu que si le débiteur est recevable, en vertu du droit propre qu'il tient de l'article L. 621-105 du Code de commerce, à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui statue sur une admission de créance, il ne peut, s'agissant d"une société dissoute en application de l'article 1844-7,7 du Code civil et dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation judiciaire, exercer ce droit que par l'intermédiaire de son liquidateur amiable ou d'un mandataire ad hoc, d'où il suit que le pourvoi formé par la société représentée par "ses représentants légaux" n'est pas recevable ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par M. X... à l'encontre de l'ordonnance du 5 juin 2003, alors, selon le moyen, que celui qui représentait légalement une partie peut, en cas de cessation de ses fonctions, et s'il y a un intérêt personnel, exercer un recours en son nom contre la décision lui faisant grief ; qu'en estimant que M. X..., pourtant partie en première instance, n'avait pas le droit de former appel, en sa qualité d'ancien dirigeant de la société en liquidation, de l'ordonnance du juge-commissaire du 5 juin 2003, quand il avait un intérêt personnel à ce que la créance de la banque soit rejetée, en l'état du jugement le condamnant à supporter personnellement l'insuffisance d'actif de la société, la cour d'appel a violé l'article 534 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application et l'article L. 621-105 du Code de commerce par fausse application ;

Mais attendu que seule la cessation des fonctions de celui qui représentait légalement une partie au cours de l'instance en cause peut permettre à ce dernier d'exercer un recours en son nom personnel s'il y a intérêt ;

Attendu que l'arrêt relève que M. X..., qui n'était pas partie en première instance à titre personnel, a interjeté appel de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire dans l'instance en contestation de la créance de la banque par le liquidateur judiciaire de la société ; qu'il en résulte que l'appel interjeté contre cette décision à titre personnel par M. X..., dont les fonctions avaient pris fin antérieurement à l'instance en cause, était irrecevable ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par la société à l'encontre de l'ordonnance du 5 juin 2003, alors, selon le moyen, que la décision du juge-commissaire admettant ou rejetant la créance peut faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de la part du débiteur, fût-il dessaisi de l'administration ou de la disposition de ses biens ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé par la société à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 5 juin 2003, aux motifs que la société avait perdu toute personnalité morale à sa mise en liquidation judiciaire et n'avait plus la capacité d'interjeter appel en sa qualité de débiteur, quand la personnalité morale d'une société est toujours maintenue pour les besoins de sa liquidation et que le dessaisissement du débiteur ne le prive pas de son droit à relever appel de la décision du juge-commissaire admettant une créance, la cour d'appel a violé les articles 1877-7, 7 , du Code civil et les articles L. 621-105 et L. 622-9 du Code de commerce ;

Mais attendu que la société ayant pris fin le 16 novembre 1995 par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel qu'elle avait formé le 28 octobre 2003, sans l'intervention d'un mandataire ad hoc, était irrecevable ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par M. Y..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société, à l'encontre de l'ordonnance du 5 juin 2003, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que le délai d'appel avait couru à compter de la notification de l'ordonnance du 5 juin 2003, opérée le 23 juin 2003, de sorte que le recours formé par M. Y..., ès qualités de mandataire ad hoc de la société, était tardif, tout en constatant que cette société avait perdu toute personnalité morale "à sa mise en liquidation judiciaire", prononcée le 16 novembre 1995, d'où il résultait nécessairement que la notification effectuée le 23 juin 2003 n'avait pas été adressée à un organe légitime de la société en liquidation et n'avait donc pu faire courir aucun délai, la cour d'appel a violé l'article L. 621-105 du Code de commerce et l'article 157, alinéa 1er, du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;

2 / qu'en s'abstenant en toute hypothèse de rechercher si la notification de l'ordonnance du 5 juin 2003, régularisée le 23 juin 2003 auprès de M. X..., était opposable à M. Y..., qui n'a été désigné que le 23 décembre 2003 en qualité de mandataire ad hoc de la société et qui n'a pas reçu notification de l'ordonnance litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 621-105 du Code de commerce et de l'article 157, alinéa 1er, du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;

3 / qu'en opposant à M. Y..., ès qualités de mandataire ad hoc de la société, la notification de l'ordonnance litigieuse intervenue six mois avant sa désignation, en considérant par ailleurs que la société en liquidation judiciaire n'avait pas qualité pour exercer une quelconque action en justice, puis en estimant enfin que l'appel interjeté par M. Y..., ès qualités, n'avait pas eu pour effet de régulariser le recours exercé par la société, ce qui revenait en réalité à empêcher tout recours utile du débiteur à l'encontre de la décision du juge-commissaire ordonnant l'admission de la créance de la banque, la cour d'appel a méconnu le droit qu'a toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal et a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ordonnance avait été valablement notifiée le 23 juin 2003 à M. X..., ancien représentant légal de la société, qui, bien que privé de ses pouvoirs de représentation dès le prononcé de la liquidation judiciaire, demeurait une personne pouvant se dire habilitée à recevoir la signification de l'ordonnance, l'arrêt, sans encourir le grief de la troisième branche, en a déduit à bon droit que l'appel que le mandataire ad hoc de la société avait interjeté le 7 janvier 2004 était irrecevable comme tardif ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi de la société ;

REJETTE le pourvoi en tant que formé par M. X... et par M. Y..., ès qualités ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Banque populaire industrielle commerciale et de M. Z..., ès qualités ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-19293
Date de la décision : 15/11/2005
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité partielle et rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Cas - Actions en justice - Recours contre l'arrêt ayant déclaré l'appel irrecevable - Qualité pour le former - Ancien dirigeant de la société en liquidation judiciaire - Condition.

1° L'ancien dirigeant d'une société en liquidation judiciaire est recevable à former un pourvoi en cassation contre la décision qui a déclaré son appel, formé à titre personnel, irrecevable.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Limites - Exercice des droits propres - Débiteur personne morale - Ancien dirigeant (non).

2° Seule la cessation des fonctions de celui qui représentait légalement une partie au cours de l'instance en cause peut permettre à ce dernier d'exercer un recours en son nom personnel s'il y a intérêt. A légalement justifié sa décision au regard de l'article 534 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui a déclaré irrecevable l'appel interjeté, à titre personnel, contre une ordonnance du juge-commissaire statuant sur une contestation de créance, par l'ancien dirigeant d'une société en liquidation judiciaire, dont les fonctions avaient pris fin antérieurement à l'instance en cause et qui n'était pas partie en première instance à titre personnel.

3° ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Limites - Actions en justice - Signification d'une ordonnance du juge-commissaire.

3° Ayant relevé qu'une ordonnance avait été valablement notifiée à l'ancien représentant légal d'une société, qui, bien que privé de ses pouvoirs dès le prononcé de la liquidation judiciaire, demeurait une personne pouvant se dire habilitée à recevoir la signification de l'ordonnance, une cour d'appel en a déduit à bon droit que l'appel interjeté par le mandataire ad hoc après l'expiration du délai légal, était irrecevable comme tardif.


Références :

2° :
Nouveau Code de procédure civile 534

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 juin 2004

Sur le n° 2 : Sur l'impossibilité, pour l'ancien dirigeant d'une société en liquidation judiciaire, d'exercer les droits propres de la personne morale dissoute, dans le même sens que : Chambre commerciale, 1999-03-16, Bulletin 1999, IV, n° 66, p. 54 (irrecevabilité) ; Chambre commerciale, 2005-04-12, Bulletin 2005, IV, n° 87, p. 90 (rejet). Sur le n° 3 : Sur la possibilité pour l'ancien dirigeant de recevoir un acte au nom de la personne morale dissoute, dans le même sens que : Chambre commerciale, 2004-06-30, Bulletin 2004, IV, n° 136, p. 150 (irrecevabilité) ; Chambre commerciale, 2005-04-12, Bulletin 2005, IV, n° 87, p. 90 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 nov. 2005, pourvoi n°04-19293, Bull. civ. 2005 IV N° 226 p. 244
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 226 p. 244

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Rapporteur ?: Mme Besançon.
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Blanc, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.19293
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