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03/11/2005 | FRANCE | N°05-81023

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 2005, 05-81023


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacques,

- Y... Maurice,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 19 janvier 2005, qui,

pour déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique un avantage indu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacques,

- Y... Maurice,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 19 janvier 2005, qui, pour déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique un avantage indu, les a condamnés chacun à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 euros d'amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'un contrôle effectué le 30 juin 1999 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes au sein de la Société Coopérative de Vinification "Cellier Saint Bernard" à Flassans-sur-Issole (Var) a permis d'établir l'existence d'anomalies concernant les conditions d'obtention du bénéfice de l'appellation d'origine contrôlée ou de la dénomination "Vin de pays" ; que Jacques X... et Maurice Y..., respectivement président et directeur de ladite société coopérative, ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel d'une part, pour obtention frauduleuse de documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, faits prévus et réprimés par l'article 441-6, 1er alinéa du Code pénal, d'autre part, pour complicité de faux et usage ; que, statuant sur leurs appels du jugement les ayant condamnés de ces chefs, les juges du second degré les ont déclaré coupables, après requalification, de déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique une allocation, un paiement ou un avantage indu, délit prévu et réprimé par l'article 441-6, 2ème alinéa du même Code ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 441-6, alinéa, 1er, 441-6 alinéa 2 du Code pénal, 388, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... et Maurice Y... coupables du délit de déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration une allocation, un paiement ou un avantage indu ;

"aux motifs qu'en premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent Jacques X... et Maurice Y..., l'existence de sanctions fiscales, prévues par l'article 1794 du Code général des Impôts et réprimant la fausse déclaration de récolte, ne créée aucun obstacle à l'exercice de poursuites pénales, à raison du délit que de tels agissements pourraient également constituer, le cas échéant ;

qu'en second lieu, il résulte des constatations effectuées par les agents de la DGCCRF que, tout un système très élaboré a été mis au point, au sein de la coopérative vinicole de Flassans, à seule fin d'obtenir le bénéfice de l'appellation d'origine contrôlée ou la dénomination Vins de pays, dans les conditions les plus avantageuses possibles et ce, au mépris des règles destinées à protéger la qualité et la traçabilité des produits ; qu'il s'agit là de déclarations mensongères au sens de l'article 441-6 du Code pénal ;

qu'enfin, il résulte du caractère systématique de la fraude que celle-ci ne relève pas de l'initiative des coopérateurs agissant individuellement mais a été véritablement organisée et concertée, la coopérative s'étant même préoccupée de dicter à chacun les réponses qu'il fallait donner aux questionnaires de la DGCCRF ; que la mise en place d'un tel procédé relève de la responsabilité des dirigeants de la coopérative qui ont fait préparer les déclarations selon les critères décrits ci-dessus, le caractère mensonger de ces déclarations ayant d'ailleurs pu échapper à leurs propres signataires ; que dès lors les deux prévenus sont personnellement punissables en tant qu'auteurs principaux du délit susvisé ; que la gravité des faits poursuivis justifie leur condamnation à huit mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 10 000 euros chacun ; que le jugement frappé d'appel sera donc réformé tant sur la culpabilité que sur la peine ;

"alors que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification, de sorte qu'en déclarant Jacques X... et Maurice Y... coupables du délit de déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique, une allocation, un paiement ou un avantage indu tel que prévu par l'article 441-6, alinéa 2, du Code pénal alors qu'ils étaient prévenus d'avoir obtenu frauduleusement des documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation délit prévu par l'article 441-6 alinéa 1er du Code pénal, sans inviter les prévenus à se défendre sur cette nouvelle qualification, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu que si c'est à tort qu'en méconnaissance des articles 388 du Code de procédure pénale et de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme la cour d'appel n'a pas mis les prévenus en mesure de présenter leur défense sur la nouvelle qualification, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que tels qu'ils ont été souverainement constatés par les juges du fond, les faits reprochés caractérisent le délit d'obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, pour lequel les intéressés ont été poursuivis et sur lequel ils se sont expliqués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 407, 1791, 1794 du Code général des Impôts, 121-1, 121-3, 441-6, alinéa 1er, 441-6, alinéa 2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... et Maurice Y... coupables du délit de déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration une allocation, un paiement ou un avantage indu ;

"aux motifs qu'en premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent Jacques X... et Maurice Y..., l'existence de sanctions fiscales, prévues par l'article 1794 du Code général des Impôts et réprimant la fausse déclaration de récolte, ne créée aucun obstacle à l'exercice de poursuites pénales, à raison du délit que de tels agissements pourraient également constituer, le cas échéant ;

qu'en second lieu, il résulte des constatations effectuées par les agents de la DGCCRF que, tout un système très élaboré a été mis au point, au sein de la coopérative vinicole de Flassans, à seule fin d'obtenir le bénéfice de l'appellation d'origine contrôlée ou la dénomination Vins de pays, dans les conditions les plus avantageuses possibles et ce, au mépris des règles destinées à protéger la qualité et la traçabilité des produits ; qu'il s'agit là de déclarations mensongères au sens de l'article 441-6 du Code pénal ;

qu'enfin, il résulte du caractère systématique de la fraude que celle-ci ne relève pas de l'initiative des coopérateurs agissant individuellement mais a été véritablement organisée et concertée, la coopérative s'étant même préoccupée de dicter à chacun les réponses qu'il fallait donner aux questionnaires de la DGCCRF ; que la mise en place d'un tel procédé relève de la responsabilité des dirigeants de la coopérative qui ont fait préparer les déclarations selon les critères décrits ci-dessus, le caractère mensonger de ces déclarations ayant d'ailleurs pu échapper à leurs propres signataires ; que dès lors les deux prévenus sont personnellement punissables en tant qu'auteurs principaux du délit susvisé ; que la gravité des faits poursuivis justifie leur condamnation à huit mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 10 000 euros chacun ; que le jugement frappé d'appel sera donc réformé tant sur la culpabilité que sur la peine ;

"alors, d'une part, que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs, de sorte qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de Jacques X... desquelles il résultait qu'il était poursuivi en sa qualité de président de la cave coopérative Le Cellier de Saint-Bernard à Flassans mais qu'il n'avait été élu à cette fonction qu'en mars 1998 et que le conseil d'administration avait consenti une délégation de pouvoirs à Maurice Y... portant notamment sur la vinification et les déclarations de récolte, et qu'il ne pouvait avoir engagé pénalement sa responsabilité du fait des infractions en cause, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que la fausse déclaration de récolte réprimée par les articles 407 et 1791 du Code général des Impôts constitue une application particulière du faux de l'article 441-6, alinéa 2, du Code pénal, de sorte qu'en énonçant que les sanctions fiscales prévues en matière de fausse déclaration de récolte par l'article 1794 du Code général des Impôts ne créé aucun obstacle à l'exercice de poursuites pénales, la cour d'appel a violé les articles 407, 1791, 1794 du Code général des Impôts et 441-6, alinéa 2, du Code pénal ;

"alors, enfin, que l'article 441-6, alinéa 2, du Code pénal incrimine le fait de fournir à une administration publique ou à un organisme assimilé une déclaration mensongère en vue d'obtenir une allocation, un paiement ou un avantage indu, de sorte qu'en énonçant que les dirigeants de la coopérative auraient fait préparer les déclarations litigieuses pour les faire signer ensuite par les coopérateurs ce dont il résulte que Jacques X... et Maurice Y... n'ayant pas matériellement accompli l'infraction ne pouvaient ainsi être déclarés coupables en tant qu'auteurs principaux puisqu'il leur était reproché tout au plus d'en avoir été les instigateurs, la cour d'appel a donc violé l'article 441-6, alinéa 2, du Code pénal" ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que les demandeurs ne sauraient faire grief à l'arrêt d'avoir énoncé que les sanctions fiscales prévues par l'article 1794 du Code général des impôts, réprimant les fausses déclarations de récolte, ne faisaient pas obstacle à l'exercice des poursuites pénales sur le fondement de l'article 441-6 du Code pénal, dès lors que l'action pour le prononcé des sanctions pénales est indépendante de celle pour l'application des sanctions fiscales ;

Sur le moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits reprochés, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisances comme de contradiction, d'où il résulte que Jacques X... et Maurice Y... ont participé l'un et l'autre à l'élaboration du procédé frauduleux ayant permis l'obtention du bénéfice de l'appellation d'origine contrôlée ou de la dénomination "Vins de pays", la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-81023
Date de la décision : 03/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 19 janvier 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 2005, pourvoi n°05-81023


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.81023
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