La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2005 | FRANCE | N°05-80085

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 novembre 2005, 05-80085


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

-

L

A SOCIETE GARAGE DES VOLCANS,

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

-

LA SOCIETE GARAGE DES VOLCANS,

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, a condamné la première, pour homicide involontaire, à 10 000 euros d'amende et le second, pour subornation de témoin, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de la société Garage des volcans :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6, 221-7, 131-38 et 131-39 du Code pénal, 2,3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a déclaré la SARL Garage des Volcans coupable d'homicide involontaire, en répression, l'a condamnée à la peine de 10 000 euros d'amende et l'a déclarée responsable du préjudice subi par les parties civiles ;

"aux motifs qu'en droit, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou leurs représentants ; cette responsabilité peut être retenue même en l'absence d'identification d'une personne physique ayant commis les faits ou omissions constitutifs d'une infraction ( ) ; M. Y..., du Garage des Volcans, a affirmé qu'il n'y avait eu aucune intervention sur le système Airbag le 3 décembre 2001 et que le problème d'airbag était bien connu chez Citroën et la fiche des véhicule vérifiés portait : allumage intempestif du voyant de surveillance des airbags frontaux et des ceintures pyrotechniques ; le mécanicien qui s'est occupé du véhicule, Damien Z..., affirme qu'il n'y a eu aucune intervention et que le conseil avait été donné de prendre contact avec Citroën, car il ne disposait pas du matériel nécessaire ; Damien Z... a affirmé, alors que le schéma des fils lui était présenté, qu'il ignorait qu'il y avait une prise à cet endroit (celui du connecteur marron) ; seul M. Y... affirme que le voyant s'allumait par intermittence lorsque le véhicule a été restitué ; cependant, il ne produit pas de facture indiquant les conseils donnés à Mme A..., alors qu'en qualité de professionnel, et s'agissant d'un organe de sécurité, il lui appartenait de signaler son absence d'intervention, alors que la fiche de garage signalait la réparation à effectuer au niveau de l'Airbag ; il ne situe pas dans le temps les conversations qu'il aurait eues avec Mme A... à ce sujet ;

qu'il est nécessaire de rappeler que le Garage des Volcans déclare détruire la fiche de travail après l'établissement de la facture, ce qui ne permet pas de connaître le travail réellement exécuté par le mécanicien du Garage des Volcans ; enfin, le Garage des Volcans soumet à la Cour une expertise du cabinet B... en date du 28 octobre 2004 qui n'a pas été soumise à la contradiction en temps utile, l'audience étant celle du novembre 2004 ; il en est de même du rapport de Thierry X..., daté également du 4 novembre 2004 ; il est établi qu'au moment du choc, le système de sécurité était débranché, que lors de l'entrée au garage quatre mois plus tôt, le système était connecté puisque le clignotant fonctionnait, que le seul professionnel à être intervenu sur le véhicule est le Garage des Volcans ; que le Garage des Volcans dit ne pas être intervenu sur le système de sécurité alors que cela lui était demandé, qu'il est établi que l'accès au connecteur marron était possible sans découpe de la moquette (malgré la déclaration contraire de M. Y...), et que le témoignage du mécanicien, M. Z..., est insuffisant pour rapporter la preuve de ce que la réparation n'avait pas été effectuée ;

qu'il n'est pas contesté que la déconnexion est un acte volontaire qui suppose l'intervention de la main de l'homme ; il est ainsi mis en évidence les manquements du Garage des Volcans, qui ont contribué directement à l'absence de protection de Mme A... lors de l'accident et à son décès (arrêt, pages 8 à 15) ;

"alors, d'une part, qu'une personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour son compte, par ses organes ou représentants, ce qui suppose que l'identité de l'auteur des faits reprochables puisse être précisée ; qu'en affirmant le contraire, cependant qu'il ne résulte pas de ses constatations que le manquement énoncé comme étant constitutif de l'élément matériel de l'infraction - savoir le débranchement d'un connecteur permettant le déclenchement des systèmes de sécurité du véhicule - aurait été commis par un organe ou un représentant de la société Garage des Volcans, agissant pour le compte de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 121-2 du Code pénal ;

"et alors, d'autre part et subsidiairement, que le juge pénal fondant sa décision sur les preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui, les parties ne sont pas tenues de communiquer, avant l'audience des débats, les conclusions, pièces et éléments de preuve dont elles entendent se prévaloir, dès lors que ceux-ci sont soumis au débat contradictoire ; qu'en se déterminant par la circonstance que le rapport d'expertise du cabinet B..., en date du 28 octobre 2004, n'avait pas été soumis à la contradiction en temps utile, l'audience des débats étant celle du novembre 2004, et qu'il en allait de même du rapport de Thierry X..., daté du 4 novembre 2004, pour en déduire que ces pièces devaient être écartées des débats, tout en relevant qu'elles avaient été soumises à la Cour pendant l'audience des débats et, partant, au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 427 du Code de procédure pénale" ;

Vu l'article 121-2 du Code pénal, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, les personnes morales ne peuvent être déclarées responsables pénalement que s'il est établi qu'une infraction a été commise pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 21 mars 2002, l'automobile conduite par Ludovic Dumas s'est déportée sur la voie de circulation inverse et a percuté celle conduite par Christine A..., qui a trouvé la mort; que l'enquête a établi que, lors du choc frontal, l'airbag équipant le véhicule de la victime ne s'était pas déclenché et que les prétentionneurs de la ceinture de sécurité n'avaient pas fonctionné; qu'ont été poursuivis du chef d'homicide involontaire Ludovic Dumas, ainsi que la société Garage des volcans ;

Attendu que, pour déclarer cette société coupable, l'arrêt, après avoir énoncé que la responsabilité pénale d'une personne morale peut être retenue même en l'absence d'identification d'une personne physique ayant commis les faits ou omissions constitutifs d'une infraction, constate que les systèmes de sécurité étaient déconnectés au moment du choc, alors qu'ils étaient branchés quand le véhicule a été confié, le 7 décembre 2001, au Garage des volcans ;

que les juges en déduisent que l'intervention du garage a contribué directement à l'absence de protection lors de la collision et à la mort de la victime ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les manquements imputés à la personne morale en cause avaient été commis par ses organes ou représentants, au sens de l'article 121-2 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Il - Sur le pourvoi de Thierry X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 434-15 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable de subornation de témoin et l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 000 euros ;

"aux motifs que Thierry X... a remis un imprimé d'attestation mais cette simple remise ne constitue pas à elle seule, un acte déterminant ; Daniel C... a confirmé que spontanément, il avait écrit la première phrase, soit que les deux prises du boîtier étaient branchées (orange et marron) et que c'est Thierry X... qui lui a fait rajouter " j'ai démonté le boîtier devant l'expert judiciaire M. D... suite à sa demande " ; Thierry X... a contesté avoir dicté cette phrase mais a reconnu avoir posé la question " à quel titre avez vous démonté le boîtier ? " et que sur la réponse de Daniel C... " c'est à la demande de l'expert judiciaire ", il a demandé que la réponse soit notée ; que lors de la confrontation du 23 juillet 2003, Daniel C... a réitéré le fait que seule la première phrase était de lui et que c'est Thierry X... qui lui a demandé de rajouter " j'ai démonté le boîtier devant l'expert judiciaire M. D... suite à sa demande " ; que Thierry X... a déclaré qu'il n'avait rien à ajouter ;

qu'il est donc démontré que Thierry X... est intervenu en exerçant une pression pour que Daniel C... rédige sur le champ une attestation qu'il a inspirée sur un élément important et inexact ; que l'intervention doit porter sur une attestation mensongère ; que M. D..., expert judiciaire, a déclaré le 7 mars 2003 que " suite à la seconde réunion d'expertise, j'ai reçu un appel téléphonique à mon domicile de Daniel C... qui s'est présenté comme le mécanicien qui m'avait aidé lors de mes premiers constats du 25 mars 2002 à démonter le radiateur du chauffage et à découper un morceau de moquette afin que je puisse démonter le boîtier de contact d'airbag ;

que ce monsieur qui avait une voix bizarre au téléphone m'a alors dit qu'il était en maladie car il avait entre autre un problème de conscience ; il avait fait, selon ses propres termes un faux témoignage à la demande d'un expert dans le dossier A... affirmant qu'il avait vu que le connecteur marron n'était pas débranché ; je lui ai alors fait remarquer qu'il n'avait pas pu constater cela puisqu'il était reparti à son travail lors du démontage final et que j'avais moi-même constaté le débranchement dudit connecteur ; il a reconnu que cela était vrai mais qu'il avait effectué un faux sous la pression ; lorsque je lui ai demandé pourquoi il me téléphonait, il m'a alors répondu que c'était pour savoir ce qu'il devait faire " ( ) ; qu'il n'existe en conséquence aucun doute sur la nature de l'appel téléphonique de Daniel C... à l'expert judiciaire ; que le caractère exceptionnel d'une telle démarche confirme l'ampleur du désarroi de Daniel C... ; qu'il est dès lors indifférent que Daniel C... ait soutenu ensuite qu'il aurait commis une erreur qui n'aurait été dissipée que par l'administration de la preuve technique de la disposition des fils ; que le caractère mensonger de l'attestation porte à la fois sur le branchement du connecteur marron et sur la partie ajoutée à la demande de Thierry X... selon laquelle, le mécanicien avait démonté le boîtier lui-même ; sur la conscience de l'altération de la vérité dans le témoignage ; que la démarche de Thierry X... est inhabituelle ; ( ) que Thierry X... soutient que la décision d'entendre le mécanicien qui " avait procédé au démontage initial " a été prise avec sa compagnie d'assurance à l'effet de contredire l'affirmation de l'expert selon laquelle le connecteur était débranché ; que cette " décision " d'une compagnie d'assurance est surprenante alors que s'imposait nécessairement à la compagnie de demander officiellement l'audition de Daniel C... dans le cadre de la procédure en cours ; que Thierry X... n'était pas censé savoir ce que Daniel C... avait fait ou vu ; qu'il se rend cependant le 5 septembre 2002 avec M. Y... dont le garage est mis en cause avec l'idée de contrer l'expert judiciaire ; que Daniel C... lors de la confrontation du 23 juillet 2003 a déclaré qu'il avait expliqué toutes les opérations jusqu'au découpage de la moquette et l'apparition du boîtier ; que Thierry X... lui a demandé si des connexions étaient branchées, or Thierry X..., en qualité d'expert, devait nécessairement savoir, qu'à ce stade de l'apparition du boîtier, le mécanicien ne pouvait pas voir l'intégralité des connexions ; que Thierry X... précise qu'il a montré des photographies à Daniel C... : ces photographies ne sont pas jointes à l'attestation ;

que Thierry X..., du fait de sa qualité de professionnel, savait au surplus qu'en faisant ajouter " j'ai démonté le boîtier devant l'expert judiciaire M. D... suite à sa demande ", il faisait porter le témoignage sur un point de nature à disqualifier l'expert judiciaire qui avait expliqué qu'il avait procédé en présence de Stéphane Vallet, gendarme APJ, à la dépose du boîtier de commande de l'airbag, ce qui impliquait nécessairement que l'expert avait procédé lui-même à la dépose ;

que Thierry X... n'a pas demandé que le gendarme soit entendu ;

qu'il

est ainsi démontré que Thierry X... ne pouvait pas ne pas avoir conscience de l'altération de la vérité dans le témoignage obtenu de Daniel C... ;

"1 ) alors que la subornation de témoin n'est réalisée qu'autant que le prévenu a usé de promesses, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices, pour déterminer autrui à faire ou à délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère ; que les pressions s'analysent comme une contrainte de nature à priver le témoin de son libre arbitre ; qu'en se bornant à affirmer que Thierry X... a exercé des pressions sur Daniel C..., sans préciser de quels agissements ou de quelles circonstances résultait l'existence d'une contrainte de nature à altérer le libre arbitre du témoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors que la subornation de témoin suppose la volonté de tromper les acteurs judiciaires par des dépositions, déclarations ou attestations mensongères ; que la seule conscience du caractère déterminant du témoignage sollicité ne caractérise pas une telle intention en l'absence de toute circonstance établissant la connaissance du caractère mensonger de celui-ci ; qu'en se bornant à relever que le prévenu savait qu'il faisait porter le témoignage de Daniel C... sur un point de nature à disqualifier l'expert judiciaire, ce qui n'établissait pas qu'il avait conscience de ce que les déclarations du témoin étaient contraires à la vérité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

.

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 434-15 du Code pénal ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu que, pour déclarer Thierry X... coupable de subornation de témoin, l'arrêt retient qu'il a exercé "une pression pour que Daniel C... rédige sur-le-champ une attestation qu'il a inspirée sur un élément important et inexact" ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui n'établissent pas que le prévenu ait fait usage de l'un des moyens limitativement énumérés par l'article 434-15 du Code pénal, à l'exclusion d'une simple sollicitation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 9 décembre 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80085
Date de la décision : 02/11/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 09 décembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 nov. 2005, pourvoi n°05-80085


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80085
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award