AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Dov, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 16 février 2005, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Jean François Y... du chef de diffamation publique envers un particulier ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Vu les observations complémentaires produites par le demandeur ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-François Y... des fins de la poursuite du chef de diffamation publique envers un particulier ;
"aux motifs que Dov X..., actuellement directeur des monnaies et médailles, a fait citer directement Jean-François Y..., en sa qualité de directeur de publication du magazine " Marianne ", et la SA Marianne, ès qualités de civilement responsable, pour y répondre du délit de diffamation publique envers un particulier à la suite de la publication, dans le numéro daté du 17 au 23 novembre 2003 d'un article intitulé " Nucléaire Le vrai pouvoir des ingénieurs des mines " et figurant dans un dossier de 16 pages consacré aux " Autres franc-maçonneries " ; que le prévenu soutient que la partie civile aurait dû agir sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée et non de l'article 32 de cette loi, aux motifs qu'à l'époque des faits, il était directeur de cabinet de la ministre de l'Environnement, disposant à ce titre de prérogatives de puissance publique, et que ces fonctions de directeur ont été le moyen d'accomplir le fait prétendument imputé ou, à tout le moins, leur support nécessaire ; que la partie civile prétend que ce moyen constitue une exception de procédure - car entraînant la nullité de la citation introductive d'instance - et qu'à défaut, pour le prévenu, de l'avoir soulevée conformément aux dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale, cette exception est irrecevable ; que la question soulevée par la défense ne constitue pas une exception de procédure comme le prétend la partie civile ; qu'en effet, l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée - qui précise, à peine de nullité de la poursuite, les mentions particulières que doit comporter une citation -, n'est pas, ici, en cause ; que la citation introductive d'instance délivrée par la partie civile - qui comporte toutes les mentions exigées par cet article - est tout à fait régulière ;
"alors que l'exception tirée de la violation alléguée de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 constitue en matière de presse une exception de procédure qui, en application de l'article 385 du Code de procédure pénale, ne peut être présentée pour la première fois devant la cour d'appel après un débat au fond devant le tribunal en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Dov X... a fait citer Jean-François Y..., directeur de publication du journal "Marianne", du chef de diffamation publique envers un particulier, en raison de la publication, dans cet hebdomadaire, d'un article intitulé "Le vrai pouvoir des ingénieurs des mines" le mettant en cause pour avoir, lorsqu'il était directeur du cabinet du Ministre de l'Environnement, informé, à l'insu de celui-ci, la direction de la société Cogema, des activités du ministère en matière d'énergie nucléaire ;
Que le tribunal a déclaré le prévenu coupable de ce délit, l'a condamné et a prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu que, statuant sur les appels du prévenu et de la partie civile, l'arrêt, pour renvoyer Jean-François Y... des fins de la poursuite, retient que Dov X... ayant été diffamé en sa qualité de directeur de cabinet d'un ministre, titulaire d'une délégation de signature et investi à ce titre de prérogatives de puissance publique, devait poursuivre le prévenu pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service public, au visa de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les juges ajoutent que la contestation, par Ie prévenu, de la qualité en raison de laquelle Dov X... a été mis en cause dans l'article litigieux ne constitue pas une exception de procédure devant être soulevée avant tout débat au fond, mais relève, au contraire, du débat sur les éléments constitutifs de l'infraction ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, l'erreur dans la qualification en matière de presse est une question de fond qu'il appartient aux juges de relever d'office et qui, dès lors, est étrangère à la forclusion édictée par l'article 385 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;