AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nadine, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5ème section, en date du 2 juillet 2004, qui, dans l'information suivie contre Adeline Y... et Georges Z..., du chef d'infraction à la législation sur les armes et recel, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 et 28 du décret-loi du 18 avril 1939, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Nadine X... ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par le crime le délit ou la contravention ; que dans le cadre du présent appel, le magistrat instructeur est saisi, à l'occasion des circonstances du décès du jeune Nicolas X... qui a fait l'objet, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile, d'une information distincte, des conditions dans lesquelles Adeline Y... était entrée en possession de l'arme qu'elle avait prêtée à son camarade avant son suicide ; qu'en effet, le ministère public a, à la lumière des investigations réalisées sur cette arme, ouvert une information contre Adeline Y... puis Georges Z... des chefs d'infraction à la législation sur les armes et de recel de vol ; qu'à la suite du décès de son fils Nicolas dans les circonstances exposées, Nadine X... subit manifestement un préjudice ; que, pour déclarer une constitution de partie civile recevable, il est nécessaire que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent à la juridiction d'instruction d'admettre comme possibles non seulement l'existence du préjudice allégué mais aussi la relation directe de celui-ci avec l'infraction poursuivie ; que, toutefois, il ne peut en l'espèce exister de relation directe entre le préjudice résultant du suicide de l'adolescent et les infractions poursuivies dans la présente procédure, à savoir recel de vol et infraction à la législation sur les armes ; qu'en effet, les circonstances dans lesquelles Adeline Y... est entrée en possession de l'arme, qu'elles fussent légales ou non, sont sans lien direct avec la remise elle-même de l'arme et l'usage qui en a été fait par l'adolescent ;
"alors que, d'une part, subit un préjudice en relation directe avec l'infraction poursuivie la mère de l'adolescent suicidé à l'aide d'une arme qui lui a été donnée quelques jours avant sa mort par une personne qui a été mise en examen pour l'acquisition, la détention et la cession de cette arme, du chef de recel de vol et infraction à la législation sur les armes ;
"alors que, d'autre part, Adeline Y... est mise en examen pour acquisition, détention et cession illégale d'une arme ; que la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, retenir que les infractions poursuivies dans la présente procédure étaient sans lien direct avec la remise de l'arme et l'usage qui en a été fait par l'adolescent, lorsqu'il était acquis que l'arme avec laquelle il s'était suicidé lui avait été cédée par Adeline Y..." ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Nicolas X..., âgé de 16 ans, s'est donné la mort au moyen d'un pistolet, arme provenant d'un vol, qu'il s'était procuré auprès d'une amie ; que le ministère public a requis l'ouverture de deux informations, l'une pour homicide involontaire, l'autre pour infraction à la législation sur les armes et recel ; que, dans la seconde, le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Nadine X..., mère de l'adolescent ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, sur l'appel de la partie civile, la chambre de l'instruction énonce qu'il ne peut exister de relation directe entre le préjudice résultant, pour Nadine X..., du suicide de son fils et les infractions poursuivies, les circonstances dans lesquelles l'amie de celui-ci est entrée en possession du pistolet, qu'elles fussent légales ou non, étant sans lien direct avec la remise de l'arme et l'usage qui en a été fait ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 2, 3 et 85 du Code de procédure pénale dès lors que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, ne peut se réclamer que d'un préjudice indirect, la mère d'un adolescent s'étant suicidé à l'aide d'une arme qui lui a été donnée quelques jours avant sa mort par une personne mise en examen pour l'acquisition, la détention, la cession et le recel de cette arme ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti, M. Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;