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21/10/2005 | FRANCE | N°04-CRD010

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 21 octobre 2005, 04-CRD010


INFIRMATION PARTIELLE sur les recours formés par M. Michel X..., l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Agen en date du 4 février 2004 qui lui a alloué une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale et une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Vu la précédente décision du 12 novembre 2004 qui a ordonné une expertise confiée au docteur L. et sursis à statuer sur l'en

semble des demandes de M. X... en indemnisation de son préjudice tant moral...

INFIRMATION PARTIELLE sur les recours formés par M. Michel X..., l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Agen en date du 4 février 2004 qui lui a alloué une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 149 du Code de procédure pénale et une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Vu la précédente décision du 12 novembre 2004 qui a ordonné une expertise confiée au docteur L. et sursis à statuer sur l'ensemble des demandes de M. X... en indemnisation de son préjudice tant moral que matériel ;

Vu les conclusions de l'expert psychiatre déposées le 7 juillet 2005 ;

Attendu que M. X... maintient son recours et demande 40 000 euros au titre de son préjudice moral et 112 449 euros au titre de son préjudice matériel et économique ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la réduction de la somme allouée par le premier président au titre du préjudice moral dès lors que l'expert retient que les troubles psychologiques dont souffre M. X... ne peuvent pas être rattachés avec certitude à la détention et à la confirmation de la décision en ce qu'elle exclut l'existence d'un préjudice matériel ;

Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée à sa demande à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que, selon l'article 149 précité, l'indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le premier président a débouté le requérant de ce chef de demande au motif que la baisse du chiffre d'affaires entre 2001 et 2002, qui a conduit à la vente du fonds de commerce, ne pouvait être rattachée avec certitude à la détention ;

Attendu que M. X..., qui exploitait depuis douze ans un bar PMU, explique que sa détention de douze jours lui a causé un choc psychologique tel que la dépression, qu'il a cru passagère et pour laquelle il ne s'est soigné que tardivement, l'a empêché de gérer efficacement son fonds de commerce qu'il a finalement décidé de vendre, ce qui lui aurait occasionné un préjudice financier qu'il fixe à 112 449 euros ;

Mais attendu que l'expert psychiatre, s'il qualifie la personnalité de M. X..., de " narcissique, idéaliste, sensible et entière ", estime que celui-ci ne montre pas de symptomatologie invalidante, ni aucun signe clinique patent dépassant le niveau d'une manifestation de caractère réactionnelle ; qu'il exclut toute diminution des capacités cognitives et tout trouble sévère de l'humeur de nature à empêcher M. X... de vaquer à ses affaires et conclut clairement que s'il y a eu un certain désarroi et une baisse d'élan " on ne peut considérer que ce sont les onze ou douze jours d'incarcération qui ont imposé à M. X... de cesser ses activités et de mettre en vente son établissement " ;

Attendu en conséquence que la défaillance professionnelle du requérant ne pouvant être rattachée à une incapacité imputable de façon certaine et exclusive à la détention son recours au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ne peut qu'être rejeté ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour allouer au requérant une indemnité de 5 000 euros, le premier président a pris en compte le contexte particulier lié à la personnalité de M. X... qui avait occupé des fonctions publiques et la gravité des perturbations psychologiques subies par ce dernier ;

Attendu que M. X..., pour prétendre à un montant supérieur, reprend ces éléments et invoque également l'état dépressif qui est résulté de cette détention injustifiée ;

Attendu que si l'expert judiciaire n'a relevé aucun état pathologique directement et exclusivement imputable à l'incarcération, il retient néanmoins qu'il existe " un préjudice moral qui apparaît net, dépassant en tout cas la durée de réalité de l'incarcération, en partie lié au terrain de sensibilité de M. X... " ;

Attendu qu'eu égard à la durée de l'emprisonnement, à l'âge de l'intéressé, à l'absence d'incarcération antérieure mais également au fait que le choc psychologique occasionné par la détention a été considérablement amplifié, y compris dans le temps, par la personnalité de M. X..., il convient d'accueillir son recours et de fixer à 6 000 euros le montant de l'indemnité réparant intégralement son préjudice moral ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE le recours de M. X... au titre de son préjudice moral et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE à ce titre une indemnité de 6 000 euros (six mille euros) ;

REJETTE le recours pour le surplus.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 04-CRD010
Date de la décision : 21/10/2005
Sens de l'arrêt : Infirmation

Analyses

1° REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Préjudice direct - Préjudice imputable de façon certaine et exclusive à la détention.

1° Le préjudice matériel du requérant consistant en la perte de son fonds de commerce ne peut être indemnisé dès lors que la défaillance professionnelle à l'origine de la vente de ce fonds ne résulte pas d'un état pathologique imputable de façon certaine et exclusive à la détention.

2° REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Appréciation - Critères.

2° L'indemnisation du préjudice moral doit tenir compte du fait que le choc psychologique occasionné par la détention a été considérablement amplifié par la personnalité de l'intéressé.


Références :

Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 04 février 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 21 oct. 2005, pourvoi n°04-CRD010, Bull. civ. criminel 2005 CNRD N° 7 p. 27
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2005 CNRD N° 7 p. 27

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Nési.
Avocat(s) : Avocat : Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.CRD010
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