AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Generali assurances IARD venant aux droits de la société Continent IARD, elle-même aux droits de la société Union générale du Nord de sa reprise d'instance ;
Donne acte à l'Etablissement français du sang de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi en tant que dirigé contre la société CNR 47 OCMGFA ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 1251 et 1382 du Code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination, le doute profitant au demandeur ; que selon les deux autres, l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par ces textes, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Jean-Pierre X... a été victime le 17 janvier 1984 d'un accident de la circulation impliquant le véhicule de M. Y..., assuré auprès de la société Union générale du Nord, devenue la société Generali assurance IARD (Generali) ; qu'un arrêt du 19 décembre 1991 passé en force de chose jugée a condamné M. Y... et son assureur à indemniser Jean-Pierre X... des conséquences dommageables de cet accident ; que Jean-Pierre X... est décédé le 9 octobre 1997 des suites d'une contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'estimant que cette contamination avait été la conséquence des transfusions sanguines reçues par Jean-Pierre X... à la suite des blessures causées par l'accident, ses ayants droit, Mmes Nathalie et Florence X... (les consorts X...), au vu d'une expertise ordonnée en référé, ont assigné en réparation l'Association pour l'essor de la transfusion sanguine de Lille, aux droits de laquelle est venu l'Etablissement français du sang (EFS) ; que ce dernier a appelé en cause son propre assureur, la société Axa assurances, devenue Axa France IARD (Axa) et, en garantie, M. Y... et Generali ; qu'un jugement, après avoir disjoint la demande de l'EFS dirigée contre Axa, a débouté les consorts X... de leurs demandes ;
Attendu qu'après avoir dit que l'EFS était responsable de la contamination de Jean-Pierre X... par le virus de l'hépatite C et qu'il devait réparation des conséquences de cette contamination, l'arrêt, pour débouter l'EFS de sa demande en garantie contre M. Y... et Generali, énonce que M. Y... a été condamné à réparer les conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont Jean-Pierre X... a été victime, et que l'expert a retenu que les transfusions sanguines ont été rendues nécessaires par cet accident ;
que cependant, pour engager la responsabilité de M. Y..., il est également nécessaire d'apporter la preuve du lien de causalité entre la transfusion et la contamination ; qu'en l'espèce, il n'existe pas de lien de causalité certain entre transfusion et contamination puisqu'il n'a pas été démontré que les produits sanguins étaient contaminés et que l'expert a seulement indiqué que la contamination transfusionnelle était possible mais n'a pas exclu l'hypothèse d'une contamination nosocomiale ; que la responsabilité de l'EFS repose sur la présomption d'imputabilité de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 que le centre de transfusion n'a pas été en mesure de combattre par la preuve contraire ou par la preuve d'une cause étrangère ; que cette présomption selon laquelle le doute profite à la victime a été instituée dans les seuls rapports entre la victime et l'auteur de l'accident ayant rendu la transfusion nécessaire ; qu'il s'ensuit que les consorts X... doivent être déboutés de leur action en responsabilité contre M. Y... et son assureur ; que l'appel en garantie de l'EFS contre M. Y... doit être également rejeté ; qu'en effet, si en vertu du principe de l'équivalence des conditions, l'auteur d'un accident peut être condamné à réparer l'intégralité du dommage subi par la victime même si celui-ci a été aggravé par un fait qui ne lui est pas imputable émanant d'un tiers, ce dernier n'a aucun recours contre l'auteur de l'accident pour les conséquences dommageables résultant de son fait sans lequel l'aggravation ne se serait pas produite ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la présomption d'imputabilité de la contamination aux transfusions sanguines qu'elle retenait, était opposable à toute partie tenue à la réparation du dommage causé par cette contamination, d'autre part, qu'elle constatait que les transfusions sanguines avaient été rendues nécessaires par l'accident imputable à M. Y..., ce dont il résultait que l'EFS était en droit d'exercer contre ce conducteur une action récursoire en contribution à la dette de réparation mise à sa charge au titre des conséquences dommageables de la contamination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté l'EFS de sa demande en garantie contre M. Y... et la société Generali assurance IARD, l'arrêt rendu le 5 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y... et la société Generali assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la société Generali assurances IARD ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille cinq.