AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 20 juin 1982, à la suite d'un accident de la circulation, M. X... a subi des transfusions sanguines ; qu'un examen médical ayant révélé en 1990 sa contamination par le virus de l'hépatite C, il a assigné, les 27 et 28 septembre 1999, en responsabilité et indemnisation, devant le tribunal de grande instance, le Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux (le CRTS), aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (l'EFS), et l'assureur de ce dernier, la société Mutuelle d'assurances du corps sanitaire français (l'assureur), qui a dénié sa garantie au motif que le CRTS était assuré au titre d'une police d'assurance de responsabilité civile, souscrite le 1er novembre 1964, modifiée au 1er août 1982, et résiliée le 1er janvier 1987, garantissant les seules conséquences pécuniaires de la responsabilité que le CRTS pouvait encourir à l'égard de tout receveur de sang conformément aux articles 1382 et suivants du Code civil, pour les dommages corporels ou matériels dont il pourrait être victime du fait d'une transfusion ou injection de sang ou de ses dérivés fournis par le Centre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré responsable de l'entier préjudice résultant de la contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C, et de l'avoir condamné à lui verser une certaine somme à titre de provision, alors, selon le moyen, que la faute de la victime qui a contribué à la production de son propre dommage limite son droit à indemnisation ; qu'en condamnant l'EFS à réparer l'entier préjudice résultant de la contamination de M. X... par le virus de l'hépatite C, tout en constatant que les transfusions sanguines avaient été rendues nécessaires par un accident de la circulation dont M. X... avait été déclaré responsable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait qu'une partie du préjudice de M. X... devait rester définitivement à sa charge, et a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si M. X... est responsable de l'accident de la circulation dont il a été victime le 20 juin 1982, il n'en demeure pas moins que l'EFS, en vertu du contrat le liant aux hôpitaux, était, lui, tenu de délivrer un produit exempt de vices au bénéfice du receveur en faveur de qui il stipulait et qu'il ne saurait s'exonérer de son obligation de résultat à l'égard de M. X... au motif que celui-ci serait à l'origine de ses blessures ;
Que de ces énonciations et constatations la cour d'appel a exactement déduit que l'EFS, soumis à une obligation de résultat, ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de la victime, que par la preuve d'un cas de force majeure ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter l'EFS de son action en garantie à l'encontre de l'assureur, l'arrêt énonce qu'à la date des faits, selon les stipulations contractuelles, l'assureur ne garantissait le CRTS que contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il pouvait encourir à l'égard de tout receveur de sang, conformément aux articles 1382 et suivants du Code civil, pour les dommages dont il pourrait être victime du fait d'une transfusion de sang fourni par le Centre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la police garantissait le CRTS contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il pouvait encourir à l'égard de tout receveur de produits sanguins, ce dont il résultait que l'assureur devait sa garantie pour les dommages causés par le défaut des produits transfusés, quand bien même la responsabilité du centre de transfusion aurait été retenue sur le fondement contractuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la MACSF pour les transfusions sanguines intervenues jusqu'au 31 juillet 1982, l'arrêt rendu le 9 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. X..., la société MACSF et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société MACSF ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille cinq.