AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 février 2004), que les époux X..., ont, par acte du 1er octobre 1994, donné à bail diverses parcelles et en 1994 et 1995 vendu divers biens mobiliers et immobiliers aux époux Y... ; que ces derniers ont assigné leurs bailleurs en remboursement de diverses sommes qu'ils auraient indûment versées ; que les époux X... ont demandé la résiliation des baux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à verser aux époux Y... une certaine somme au titre des arrière-fumures alors, selon le moyen, que la cession des améliorations incorporées au sein d'une exploitation par le propriétaire-exploitant au preneur entrant est licite dès lors que le prix demandé n'excède pas de plus de 10 % la valeur vénale des biens repris ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher si les époux X..., cédants, n'avaient pas la qualité de propriétaires-exploitants et non celle de preneurs sortants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-69, L. 411-71 et L. 411-74 du Code rural ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que les fumures et arrière-fumures constituent des amélioration culturales et que l'indemnisation est due au preneur sortant par le bailleur, la cour d'appel, qui a relevé que les conventions mettant le prix de ces fumures et arrière-fumures à la charge du fermier entrant étaient illicites a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à restituer aux époux Y... une certaine somme au titre de la reprise du matériel agricole, alors, selon le moyen, que l'infraction prévue à l'article L. 411-74 du Code rural nécessite que soit rapportée la démonstration d'une contrainte exercée et d'une intention délictuelle ; que dès que, alors, en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si les époux Y..., preneurs entrants, n'avaient pas disposé de tous les éléments leur permettant de procéder à leurs propres évaluations et ne s'était nullement trouvés en situation d'être contraints d'accepter ou de refuser les propositions qui leur avaient été faites par les bailleurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-74 du Code rural et des articles 1134 et 1376 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'importante disproportion entre le prix demandé et la valeur réelle des biens cédés venait confirmer les déclarations des époux Y... sur la volonté des époux X... d'exiger un "pas de porte" prohibé, condition à laquelle était subordonnée la reprise de l'exploitation et qu'eux-mêmes n'étaient pas en situation de discuter, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 411-39 du Code rural ;
Attendu que, pendant la durée du bail, le preneur peut effectuer les échanges ou locations de parcelles qui ont pour conséquence d'assurer une meilleure exploitation ; que le preneur les notifie au propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que le propriétaire qui entend s'y opposer doit saisir le tribunal paritaire dans un délai de deux mois à compter de la réception de l'avis du preneur et qu'à défaut il est réputé avoir accepté l'opération ;
Attendu que pour rejeter la demande en résiliation du bail, l'arrêt retient que les époux X... qui contestent avoir donné leur accord verbal à l'échange font observer que les époux Y... ne peuvent justifier avoir procédé à cette notification, que la juridiction saisie d'une demande de résiliation de bail pour faute du locataire doit apprécier la situation au jour de cette demande, que les époux Y... versent un acte sous seing privé du 11 novembre 1999 annulant l'échange cultural litigieux et que les époux X... ne démontrent pas que l'échange était toujours en cours le 8 décembre 1999 alors qu'ils avaient fait délivrer une sommation interpéllative au sujet de l'échange, le 26 octobre 1999, et qu'il y a tout lieu de penser que c'est dans les jours qui ont suivi la délivrance de la sommation que les époux Y... ont mis fin à cette situation qui était susceptible de leur causer préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la simple constatation de l'irrégularité d'un échange, même s'il a pris fin avant l'introduction de l'instance, suffit pour prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande de résiliation du bail du 1er octobre 1994 ainsi que de l'ensemble de leurs demandes subséquentes, l'arrêt rendu le 12 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille cinq.