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11/10/2005 | FRANCE | N°05-80563

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 2005, 05-80563


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me ROUVIERE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIERES, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en

date du 12 janvier 2005, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me ROUVIERE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIERES, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 12 janvier 2005, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre Jean-Marie X... et Daniel Y..., du chef de diffamation raciale ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'association Avocats sans frontières, la LICRA et l'Union des étudiants juifs de France ont cité Daniel Y..., journaliste, et Jean-Marie X..., directeur de la publication, pour diffamation raciale en raison de la diffusion d'une série d'émissions intitulée "Israël , la guerre maintenant" qui, selon les parties civiles, présentait systématiquement l'Etat d'Israël sous un jour défavorable ;

Que le tribunal a déclaré recevable l'action de toutes les associations mais les a déboutées de leurs demandes après relaxe des prévenus ;

Attendu que, sur appel des associations parties civiles, la cour d'appel après avoir par arrêt du 14 janvier 2004, donné acte à la LICRA et à l'Union de étudiants juifs de France de leur désistement, a, par l'arrêt attaqué déclaré l'action de l'association Avocats sans frontières, irrecevable ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-1, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement entrepris qui avait déclaré régulière et recevable l'action de l'association Avocats sans frontières et déclaré l'action de cette association irrecevable ;

"alors que, sur le seul appel de la partie civile, la cour d'appel ne peut modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci ; qu'en l'espèce, saisie du seul appel de la partie civile, la cour d'appel ne pouvait pas aggraver le sort de celle-ci en infirmant le jugement qui avait déclaré son action recevable" ;

Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la juridiction du second degré, qui a déclaré son action irrecevable, aurait aggravé son sort d'appelant dès lors que le tribunal, après avoir déclaré son action recevable, l'avait rejetée au fond ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-1, 385, 551, 565, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable l'action de l'association Avocats sans frontières ;

"aux motifs qu'il résulte du rappel de la procédure que l'affaire n'a jusqu'à présent pas été examinée au fond, l'audience du 26 novembre 2003 ayant été exclusivement consacrée à l'effet du désistement de deux parties civiles sur l'action de l'ASF, troisième partie civile, et que le défaut de qualité à agir, invoqué en première instance, a été soulevé à nouveau lors de l'audience du 12 mai 2004, avant toute défense au fond ; que cette exception est donc recevable ;

"alors que, l'exception de nullité de la citation doit être présentée avant toute défense au fond ; que le prévenu qui conteste au président d'une association partie civile le pouvoir de le citer directement et de se constituer partie civile au nom de l'association doit présenter cette exception de nullité de la citation avant toute défense au fond ; qu'en l'espèce le prévenu, Daniel Y..., avait, dans des conclusions visées le 26 novembre 2003, prétendu que le désistement de deux autres parties civiles avait mis fin à l'action engagée par la citation directe de l'association Avocats sans frontières ; qu'ainsi, ayant défendu au fond, il ne pouvait plus ultérieurement présenter une exception de nullité" ;

Attendu que, le moyen qui soutient que l'exception de nullité de la citation n'a pas été présentée avant toute défense au fond manque en fait ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, des articles 2, 2-1, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable l'action de l'association Avocats sans frontières ;

"aux motifs que la défense des prévenus soutient, d'une part que, faute pour l'ASF de produire la moindre pièce attestant de la validité de la délibération du 25 juin 2001 qui n'a pas date certaine et qui est signée de son seul président, celle-ci n'est pas valable, d'autre part, que la citation initiale, n'ayant pas respecté les prescriptions du 4e alinéa de l'article 551 du Code de procédure pénale, est irrégulière ; que les premiers juges ont, à tort, déclaré l'action de l'ASF recevable et régulière ; qu'une association, personne morale, a le droit d'agir et de se défendre en justice par l'intermédiaire de ses représentants qui doivent être habilités à cette fin dans la mesure où ils engagent la responsabilité de celle-ci ;

qu'au cas d'espèce la Cour observe que : - les statuts de cette association ne donnent pas au président le pouvoir d'agir en justice ; - qu'aucune disposition des statuts ne déterminant la personne ou l'organe de l'association ayant qualité pour agir en justice, les règles générales doivent s'appliquer, à savoir une délibération du conseil d'administration ; que, pour justifier de la régularité de la délibération critiquée, force est de constater que l'association a pu seulement produire les pièces de son registre ; que celui-ci ne contient que les statuts de l'association créée le 22 août 1983 entre deux adhérents, alors dénommée "les juristes juifs pour les droits de l'homme", le récépissé de la déclaration de celle-ci à la préfecture, un additif à l'objet de l'association en date du 28 janvier 1987 et le récépissé de déclaration à cette fin, la modification de l'adresse de l'association en janvier 1993 et le récépissé de déclaration qui mentionne à la fois ce changement d'adresse et le nouveau titre de l'association devenue "Avocats sans frontières", les récépissés de déclaration de modification d'adresse en date des 7 décembre 1998 et 25 octobre 2001 ; qu'en revanche l'association n'a pas été en mesure de produire la moindre pièce justifiant du respect des dispositions :

- de l'article 9 des statuts qui prévoit notamment l'élection des membres du conseil d'administration tous les deux ans, avec renouvellement chaque année par moitié ; - de l'article 10 qui prévoit la réunion du conseil d'administration une fois au moins tous les six mois ; - des articles 11 et 12 qui prévoient respectivement une assemblée générale ordinaire chaque année au mois de juin et la possibilité de réunir une assemblée générale extraordinaire sur la demande de la moitié plus un des membres inscrits ; qu'ainsi aucun procès-verbal d'assemblée générale, aucun procès-verbal d'élections, aucun procès-verbal de conseil d'administration - à l'exception de celui qui est critiqué et qui n'est pas mentionné dans le registre - n'est produit ; qu'en outre, la copie de la délibération du conseil d'administration comporte quatre noms alors qu'aucune des pièces produites ne permet de savoir quels étaient les membres de ce conseil d'administration ni quand ils auraient été élus, conformément aux statuts de l'association ; que cette délibération ne peut donc être considérée comme régulière ;

"1 ) alors que, en l'absence de dispositions statutaires relatives à la représentation en justice, le président d'une association, qui est le mandataire de cette personne morale, a le pouvoir de représenter l'association en justice ;

"2 ) alors qu'en tout état de cause, en l'état d'une délibération du 25 juin 2001 du conseil d'administration de l'association donnant tous pouvoirs au président d'engager des poursuites judiciaires à la suite des émissions de Daniel Y... sur France Inter, et à défaut pour cette délibération d'avoir fait l'objet d'une annulation dans le cadre d'une instance judiciaire spécifique préalable, l'action, introduite au nom de l'association par son président expressément autorisé par une réunion du conseil d'administration, était régulière" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, devant les premiers juges, les prévenus ont contesté la recevabilité de la constitution de partie civile de l'association Avocats sans frontière ; que le tribunal a écarté cette exception en retenant qu'il ressort du procès-verbal de réunion extraordinaire du conseil d'administration de cette association en date du 24 juin 2001 que pouvoir a été donné à son président afin d'engager toutes poursuites judiciaires conformes à l'objet de l'association et que ce procès-verbal, régulièrement signé par son président, suffit pour justifier d'un mandat régulier ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris, sur l'appel de la partie civile, l'arrêt attaqué déduit l'absence de régularité dudit procès-verbal notamment du défaut de justification du respect des règles statutaires relatives à la périodicité de la tenue des assemblées générales, au renouvellement des membres du conseil d'administration, à la périodicité des réunions dudit conseil et à l'établissement des procès-verbaux ;

Mais attendu qu'en statuant de la sorte, par des motifs inopérants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Et attendu que, si, selon l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881, le droit de se pourvoir appartient à la partie civile quant aux seules dispositions relatives à ses intérêts civils, cette restriction aux effets du pourvoi ne saurait lui être opposée lorsque, comme en l'espèce, il n'a été prononcé que sur la validité de la citation et de la poursuite ;

qu'en conséquence, la juridiction de renvoi devra statuer tant sur l'action publique que sur l'action civile ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 12 janvier 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, MM. Valat, Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80563
Date de la décision : 11/10/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 12 janvier 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 2005, pourvoi n°05-80563


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80563
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