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05/10/2005 | FRANCE | N°05-82529

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 octobre 2005, 05-82529


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 2 mars 2005, qui, pour banqueroute et abus de biens sociaux, l'a condamné à 6 mois d'empriso

nnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 2 mars 2005, qui, pour banqueroute et abus de biens sociaux, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-3 du Code pénal, L. 626-2 du Code de commerce, 2, 3, 427, 462, 463, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à complément d'information et a déclaré Jean X... coupable de banqueroute par détournement d'actifs et d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que, sur la demande de complément d'information, en premier lieu, Jean X... ne peut légitimement reprocher à l'instruction d'avoir négligé une demande qu'il aurait faite dans les formes légales, pour que des recherches plus approfondies soient effectuées ; que d'abord, une déclaration a été reçue par le greffier de l'instruction, au moment du règlement, relative à une demande de mesure faite dans les formes de l'article 175 et du neuvième alinéa de l'article 81 du Code de procédure pénale ; que cette demande explicitée dans une lettre jointe en date du 30 janvier 2001, contenait un certain nombre de critiques vis-à-vis du travail de l'expert, et qui se sont révélées fondées sur une erreur de lecture, comme son auteur devait l'admettre par la suite dans un autre courrier du 1er février 2001 ; que surtout, elle concluait :

"en l'état des constatations de M. Y... à son rapport établi pour le tribunal de commerce, il me semble inutile de faire procéder à une nouvelle expertise : il est évident qu'un non-lieu s'impose" ; que l'expertise, quant à elle, avait été notifiée au prévenu et à son conseil le 20 mai 1999 et qu'un délai d'un mois leur avait été imparti pour faire valoir leurs observations ; qu'en second lieu, et sur l'opportunité de poursuivre des investigations, Jean X... prétend qu'il serait nécessaire de retrouver la preuve de virements effectués par les banques au profit du liquidateur après le 29 février 1996, et qui pourraient correspondre aux quelques 387 362,08 francs pour lesquels, selon les experts judiciaires, l'intéressé n'a pu fournir aucune justification ; que l'on ne peut douter que de tels virements aient bien existé, et pour un montant total important, mais ne présentant aucune correspondance avec les comptes en litige (602 669,32 francs par le Crédit Lyonnais, 30 248,99 francs par le Crédit Agricole, 380 927,81 francs par la Lyonnaise de Banque et 8 874,17 francs par la BPPC, selon une note manuscrite sommaire de Me Z... du 1er décembre 2000, dont il a été fait état à l'audience) ;

que, toutefois sa demande oublie à la fois la nature de la discussion et l'objet de la mission confiée aux experts ; qu'en effet, il existe une comptabilité parallèle, dépourvue de toute régularité, mais tenue selon les instructions de Jean X..., et qui était censée correspondre aux mouvements d'espèces, selon ce qui avait été indiqué tant par l'intéressé lui-même que par les témoins de l'enquête préliminaire ; que dès lors, comme c'est précisément la régularité des maniements d'espèces qui faisait l'objet de la dénonciation reçue par le procureur de la République, on a logiquement demandé à des experts de vérifier, à partir de cette comptabilité occulte, l'affectation donnée par le prévenu aux sommes qui y apparaissent ; que le fait que la société Midi Outillage ait conservé des comptes bancaires présentant un solde créditeur (coexistant d'ailleurs avec ses dettes non réglées) ne signifie nullement que ces fonds proviendraient des liquidités passées entre les mains du prévenu ; que la demande de complément d'information présentée par le prévenu doit donc être rejetée ;

"alors, d'une part, que si, aux termes d'un courrier du 30 janvier 2001, et à la suite d'une erreur de lecture du rapport d'expertise, le conseil du prévenu a, dans un premier temps, indiqué au magistrat instructeur que toute nouvelle expertise était inutile, il résulte d'un courrier du même conseil en date du 1er février 2001 que le prévenu demandait finalement au juge d'instruction d'entreprendre de nouvelles recherches pour verser à la procédure les relevés complets des comptes de la société Midi Outillage dans les livres du Crédit Lyonnais, du Crédit du Nord, de la société Marseillaise de Crédit et de la Banque Provençale et Corse, pour les mois de janvier à mars 1996, afin, notamment, de rechercher si des espèces y avaient été déposées, comme le soutenait Jean X... ;

que, dès lors, en estimant qu'il résultait de ces deux courriers qu'au cours de l'information, le prévenu avait renoncé à toute mesure d'expertise complémentaire, pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner un supplément d'information, la cour d'appel, qui a dénaturé les demandes d'actes du demandeur, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"et alors, d'autre part, que, si les juges du fond apprécient souverainement l'utilité d'un complément d'information, ils ne peuvent se déterminer par des motifs contradictoires ; que dès lors, en refusant d'ordonner un supplément d'information aux fins de vérifier si les sommes virées par différentes banques au profit du liquidateur ne correspondaient pas aux montants que le prévenu était accusé d'avoir détournés, tout en admettant, d'une part, que de tels virements ont bien existé et portaient sur des sommes supérieures à celles prétendument détournées, ce dont il résultait que des recherches complémentaires sur l'origine de ces fonds s'avéraient nécessaires, et, d'autre part, que le fait que la société Midi Outillage ait conservé des comptes bancaires présentant un solde créditeur ne signifiait pas que ces fonds provenaient des liquidités passées entre les mains du prévenu, ce dont il résultait, là encore, qu'un doute subsistait quant à l'origine de ces fonds, et que, par conséquent, seule une mesure d'instruction complémentaire était susceptible de confirmer ou d'infirmer la thèse du prévenu, la cour d'appel a violé derechef l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que l'opportunité d'ordonner un supplément d'information est une question de pur fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-3 du Code pénal, L. 626-2 du Code de commerce, 2, 3, 427, 462, 463, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable de banqueroute par détournement d'actifs ;

"aux motifs que, sur le fond, le fait même du détournement d'éléments de l'actif du patrimoine d'une société en cessation des paiements constitue le délit de banqueroute par détournement ou dissimulation d'actif, prévu et réprimé par l'article L. 626-2 du Code de commerce, sans qu'il y ait à rapporter, de surcroît, la preuve d'un enrichissement de l'auteur de ce détournement ; qu'autrement dit, il est indifférent que Jean X... soit entré en possession de sommes d'argent dans le but de les soustraire, dans l'intérêt prétendu de l'entreprise aux mesures conservatoires prises par M. A... ainsi que celui-ci le soutient ;

que la seule constatation qu'il ait prélevé toutes les liquidités, ainsi qu'il le reconnaît, et qu'il en ait disposé en dehors de toute comptabilité régulière et en dehors des normes applicables dans l'entreprise et dans la société commerciale, suffit à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle l'a déclaré coupable du délit de banqueroute ; que, d'autre part, et encore, que le tribunal de commerce de Marseille ait fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 26 février 1996, il est constant que dès avant la fin de l'année 1995, la situation de la société était déjà très obérée ; qu'il n'est par ailleurs pas indifférent de souligner que c'est la dénonciation par le commissaire aux comptes des anomalies constatées par lui, et la pression judiciaire à laquelle il a été soumis, qui ont conduit Jean X... à fournir, sur sa gestion très personnelle des fonds en question pendant le premier trimestre 1996, des explications qui n'avaient pas été données spontanément, et qui n'auraient jamais été obtenues autrement, d'où les conclusions du rapport établi le 15 mars 1996 par l'administrateur, Me B... ;

"alors que le paiement préférentiel d'un créancier ne constitue pas un détournement d'actif au sens de l'article L. 626-2 du Code de commerce ; qu'en estimant par suite, que la seule constatation que le prévenu avait prélevé des liquidités et qu'il en avait disposé en dehors de toute comptabilité régulière suffisait à caractériser le délit de banqueroute par détournement d'actifs, et qu'il était indifférent que Jean X... soit entré en possession de sommes d'argent dans le seul but de les soustraire, dans l'intérêt prétendu de l'entreprise, aux mesures conservatoires prises par M. C..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le prévenu, si les sommes litigieuses n'avaient pas été prélevées à seule fin de permettre, en l'état des saisies bancaires pratiquées sur les comptes de la société, le règlement des fournisseurs, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-3 du Code pénal, L. 241-3 et L. 241-9 du Code de commerce, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... coupable d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux, relativement au virement effectué le 25 janvier 1996, d'une somme de 120 000 francs au profit de la société Sumi Holding ;

qu'en effet, les premières explications fournies au moment de la perquisition, et confirmées devant le juge d'instruction, ont été que ce mouvement avait été effectué, là encore, pour éviter les effets d'une saisie conservatoire, mais en tous cas, sans contrepartie directe ; que par la suite, il a prétendu que la société Midi Outillage avait soldé (à une époque où elle en avait le moins la possibilité) une dette liée à un prêt de main d'oeuvre, et que, devant la Cour, il présente deux factures numéro 3 et 4 de la société Sumi Holding à Midi Outillage, en date des 31 juillet et 31 août 1995, pour deux sommes de 81 299 francs et de 41 760,16 francs (soit au total 123 059,16 francs), correspondant à des "honoraires de surveillance comptable et de gestion administrative" ; que toutefois, cette facturation ne justifie pas que la société Midi Outillage ait commandé à la société Sumi Holding de telles prestations, en rapport avec l'objet social de celle-ci ; qu'elle n'explique pas davantage qu'un avis de virement d'un montant approximativement équivalent ait été retrouvé chez Jean X..., sans que ce prétendu paiement puisse se retrouver dans la comptabilité de l'une et l'autre des deux sociétés ;

"alors qu'en se bornant à énoncer que les factures versées aux débats ne justifiaient pas que la société Midi Outillage ait commandé de telles prestations, en rapport avec son objet social, à la société Sumi Holding, sans indiquer en quoi les prestations litigieuses étaient fictives, ni répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu qui faisait valoir que la somme de 120 000 francs prétendument détournée correspondait au coût des prestations de surveillance comptable exécutées par la société Sumi Holding, à savoir la charge financière de l'embauche de deux comptables salariées ayant pour mission de mettre en place, au sein de la société Midi Outillage, les procédures administratives et comptables qui lui faisaient défaut, de sorte que les paiements effectués à ce titre n'étaient nullement contraires à l'intérêt social, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de banqueroute et d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82529
Date de la décision : 05/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 02 mars 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 oct. 2005, pourvoi n°05-82529


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.82529
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