AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Michel, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4ème section, en date du 18 novembre 2004, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef d'escroquerie et tentative, présentation de bilan inexact, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant l'ordonnance de non-lieu, a déclaré n'y avoir lieu à suivre en l'état ;
"aux motifs que l'envoi, comme en l'espèce, le 20 décembre 2001, antérieurement au dépôt de plainte avec constitution de partie civile, d'une lettre portant mise en oeuvre de la clause de garantie de capitaux propres fondée tant sur la différence entre les stocks évalués par les services comptables de la société Chipie comme par l'audit du 30 juin 1999 de la société Deloitte et Touche et le montant garanti, que sur la déduction de provisions additionnelles sur le stock existant au 30 juin 1999 et les pertes réalisées en 2000 sur les stocks résiduels, ne sauraient constituer en soi ni un faux ni une manoeuvre frauduleuse en l'absence de tout autre élément de nature à tromper son destinataire ; que l'assignation devant le tribunal de commerce le 10 mars 2003, postérieurement au dépôt de plainte, en condamnation des sociétés cédantes au montant de la garantie assortie, à titre subsidiaire d'une demande d'expertise aux fins de déterminer le montant des capitaux propres desdites sociétés au 30 juin 1999, est exclusive de toute escroquerie ; que la désignation par cette juridiction d'un expert avec mission " d'analyser les sources d'écarts entre les capitaux propres des sociétés concernées entre les 31 décembre 1998 et le 30 juin 1999 " répond à la demande présentée devant la Cour de céans par la partie civile dans un litige de nature purement commerciale ;
"1 - alors que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu, ne saurait omettre de statuer sur un chef d'inculpation ; que tel est le cas lorsqu'elle ne statue pas sur toutes les qualifications pénales visées par la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en l'espèce, la plainte avec constitution de partie civile faisait état d'une tentative d'escroquerie et d'extorsion de fonds, ainsi que d'une présentation de bilans inexacts ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, se borner à écarter le faux et la tentative d'escroquerie, sans statuer sur la qualification d'extorsion ;
"2 - alors que la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu ne saurait omettre de statuer sur un chef d'inculpation ; que tel est le cas lorsqu'elle ne statue pas sur tous les faits visés par la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en l'espèce, le demandeur invoquait dans sa plainte avec constitution de partie civile le fait que la prétendue insuffisance de capitaux propres reposait sur une attestation du Cabinet Deloitte et Touche, ayant tout à la fois audité les sociétés cédées à la demande du cédant, présenté le futur cessionnaire au cédant, et effectué l'audit d'acquisition à la demande du cessionnaire, tout en étant d'ores et déjà le commissaire aux comptes du cessionnaire sans que le cédant n'en ait été dûment informé ; que le demandeur insistait encore sur le fait que la dépréciation considérable des stocks après la cession avait pour cause la fixation des prix à un niveau anormalement bas, qui était le fait d'un soldeur professionnel s'étant avéré être une filiale à 100 % du cessionnaire ; que la cour d'appel, qui n'a à aucun moment statué sur ces faits visés dans la plainte, a entaché sa décision d'une omission de statuer ;
"3 - alors que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit satisfaire en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; que tel n'est pas le cas lorsque l'arrêt ne répond pas à des chefs péremptoires de conclusions de la partie civile, ou qu'il repose sur une motivation insuffisante ; qu'en l'espèce, la partie civile n'arguait pas de faux ni de manoeuvre frauduleuse l'envoi même de la réclamation relative à l'insuffisance prétendue de capitaux propres, mais les fondements de cette insuffisance, c'est-à-dire la réécriture a posteriori des comptes de l'exercice 1999 par le cessionnaire pour les besoins de sa réclamation illégitime ;
que, pour justifier le caractère inexact et même frauduleux de cette réécriture des comptes, la partie civile insistait, d'une part, sur l'intervention et le rôle tenu par le Cabinet Deloitte et Touche dans l'opération, d'autre part, sur les modalités inacceptables de dépréciation des stocks postérieurement à la cession, mettant en cause une filiale à 100 % du cessionnaire ; qu'en ne s'expliquant aucunement sur ces chefs péremptoires de conclusions, pourtant de nature à caractériser les infractions visées dans la plainte, et en se bornant à la place à affirmer de manière inopérante que l'envoi d'une lettre portant mise en oeuvre de la clause de garantie ne saurait constituer en soi ni un faux ni une manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel n'a pas conféré à sa décision une motivation de nature à satisfaire aux conditions essentielles de son existence légale ;
"4 - alors qu'entache sa décision d'un défaut de réponse à une articulation essentielle des conclusions de la partie civile la chambre de l'instruction qui ne s'explique par sur des arguments de fait d'où résulte la nécessité d'ordonner un supplément d'instruction ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait affirmer, pour dire n'y avoir lieu à suivre, que la désignation par la juridiction commerciale d'un expert répondait à la demande présentée devant elle par la partie civile, sans répondre au chef péremptoire de conclusions de la partie civile, tiré de ce que le Cabinet Deloitte et Touche s'abritait derrière le secret professionnel pour refuser de lui communiquer la copie des pièces fournies à l'expert, élément de nature à rendre nécessaire l'audition de ce Cabinet par la juridiction d'instruction dans le cadre d'une procédure pénale ;
"5 - alors que la partie civile est recevable à se pourvoir contre une décision de refus d'informer faussement qualifiée de décision de non-lieu ; qu'expose sa décision à la censure, la juridiction d'instruction qui estime à tort que les faits litigieux ne sont pas susceptibles de recevoir de qualification pénale, notamment en se fondant sur le seul examen abstrait de la plainte sans effectuer de véritable information ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour confirmer l'ordonnance faussement qualifiée de non-lieu rendue sans véritable information, s'est à tort bornée à affirmer abstraitement que les faits, au demeurant pris en considération de façon partielle, n'étaient pas susceptibles de qualification pénale, et relevaient d'un litige purement commercial ;
qu'elle a, en particulier, refusé d'ordonner l'audition du Cabinet Deloitte et Touche, pourtant indispensable pour pouvoir exclure catégoriquement toute infraction liée à l'évaluation des stocks et à la présentation des bilans ; qu'elle n'a, dès lors, pu légalement justifier sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits d'escroquerie, tentative et présentation de bilan inexact reprochés, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
DIT n'y avoir lieu a application de l'aticle 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;