AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Said,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, pour démarchage irrégulier, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-15, L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-4 à L. 121-6 du Code de la consommation, 493 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Saïd X... coupable d'infractions à la réglementation sur le démarchage à domicile et a statué sur les actions publiques et civiles ;
"aux motifs que le problème posé se résume à déterminer si les deux ventes pratiquées par le prévenu et sa société étaient consécutives à un démarchage à domicile, obligeant au respect des règles et formalités prévues par les articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation ; que la vente au déballage avait été régulièrement autorisée, elle était annoncée par l'envoi, par la Poste, et en grand nombre, semble-t-il sans enveloppe, en tout cas de manière non nominative d'une invitation à se rendre sur le lieu de la vente, procédé qui paraît ne constituer qu'une simple publicité ; que la notion de " sollicitation personnalisée, sans que cette sollicitation soit nécessairement nominative, à se rendre sur un lieu de vente, effectuée à domicile et assortie de l'offre d'avantages particuliers " bien qu'elle corresponde exactement aux circonstances de la cause, ne peut cependant être retenue, puisqu'elle concerne l'application des dispositions de l'article L.122-8 non visé à la prévention ; qu'on ne peut que noter en premier lieu, la continuité de l'opération entre l'envoi et la réception d'un courrier, certes non nominatif et distribué globalement, quelque peu sibyllin, sur l'opération commerciale annoncée, donnant un rendez-vous très précis, dans un créneau horaire réduit, et la vente elle-même conclue en quelques minutes, après remise de cadeaux, démonstration verbale d'une bonne affaire et réduction très notable du prix annoncé initialement, en définitive un stratagème pour attirer le client depuis son domicilie et en peu de temps le convaincre, sans lui laisser le temps ni la possibilité de comparer ni de s'informer, de contracter l'achat de marchandises précises pourtant non indiquées dans le prospectus, en un lieu éloigné ou dépourvu d'autres commerces ; qu'en second lieu, que le prévenu lui-même s'est placé sur le terrain du démarchage à domicile puisque les contrats souscrits, en réalité de simples factures remises aux clients, comportent au verso des extraits conséquents des lois des 12 décembre 1972 et 23 juin 1989 réglementant spécialement le démarchage à domicilie, les conditions générales de vente énonçant d'ailleurs des interdictions légales de clauses aussitôt portées sur le contrat telle l'attribution de compétence ;
"alors, d'une part, que l'article L. 121-15 du Code de la consommation autorise la publicité non nominative d'une vente au déballage régulièrement autorisée y compris sous la forme d'une invitation à se rendre à une telle vente ; que cette distribution de prospectus publicitaire ne change pas la nature juridique de la vente projetée et ne lui confère pas la qualification de démarchage à domicile tombant sous le coup des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation ; qu'en décidant autrement la Cour a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que la croyance erronée du prévenu en ce que son activité était soumise à la loi sur le démarchage à domicile est sans effet sur la qualification de l'infraction qu'il appartient aux juges saisis in rem, si nécessaire, de requalifier ;
qu'en l'espèce, en considérant applicables les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation sur le fondement de la croyance du prévenu d'être soumis auxdites dispositions, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que la société Charmes de France a obtenu l'autorisation d'organiser une vente au déballage sur une place publique, au cours de laquelle deux personnes ont acheté des lots de vaisselle et de linge de table qu'elles ont aussitôt payés par chèques ; que le dirigeant de la société, Saïd X..., est poursuivi pour avoir commis l'infraction prévue et punie par l'article L. 121-28 du Code de la consommation en obtenant de clients démarchés à domicile la contrepartie de leur achat avant l'expiration du délai de renonciation de sept jours pendant lequel le client a la possibilité de renoncer à la commande et en omettant de les informer de cette faculté et de les mettre en mesure de l'exercer ;
Attendu que, pour caractériser l'existence d'un démarchage au sens de l'article L. 121-21, alinéa 2, du Code de la consommation, l'arrêt relève que les deux clients avaient été conviés, par correspondance en nombre adressée à leur domicile, à se rendre sur les lieux de la vente au déballage, durant un laps de temps réduit, afin de retirer les cadeaux qui leur étaient destinés ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, d'où il résulte que les consommateurs ont été attirés hors de leur domicile par l'annonce publicitaire reçu dans leur courrier, fût-elle non nominative, pour se rendre dans un lieu non habituellement destiné à la commercialisation du bien proposé, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède, Beauvais conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce, M. Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;