AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que la Mutuelle assurance de l'éducation nationale, dont le directeur avait engagé M. X... comme attaché de direction avec une clause de garantie d'emploi de 8 ans, fait grief au jugement attaqué (Rouen, 17 janvier 2005) d'avoir validé la désignation de ce dernier, le 11 octobre 2004, comme délégué syndical, alors, selon le moyen :
1 / que pour démontrer que la désignation de M. X... le 8 octobre 2004 était inspirée par un intérêt uniquement personnel, la MAE faisait valoir que, dès le mois de février 2004, le sort de M. X... était en débat entre le conseil d'administration, qui s'interrogeait sur ses résultats et son utilité, et le directeur salarié, M. Y..., qui l'avait engagé ; qu'elle soulignait non seulement que l'adhésion de M. X... au syndicat CFE-CGC, le 16 mai 2004, coïncidait avec la crise nouée entre M. Y... et le conseil d'administration, sous l'autorité duquel le premier refusait de travailler, mais surtout, que la nomination de M. X... était intervenue trois jours après que le président du conseil d'administration eut été mandaté, le 5 octobre 2004, pour trouver avec M. Y... une solution négociée ou, à défaut, entreprendre une procédure de licenciement ; qu'en se contentant de retenir que M. X... avait été régulièrement recruté par le directeur de la MAE et qu'il avait été présenté au président-directeur général avant la signature de son contrat de travail, sans s'expliquer sur la concomitance des dates de l'engagement syndical de M. X... et de la détérioration des relations entre M. Y... et le conseil d'administration, et en ne recherchant pas si M. X..., qui se savait en danger depuis le mois de février 2004, n'avait pas cherché à se prémunir contre le risque que faisait peser sur lui l'imminence du licenciement du directeur salarié de la MAE, le tribunal d'Instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-11 et L. 412-15 du Code du travail ;
2 / que la MAE faisait valoir, dans ses conclusions, qu'elle n'avait découvert le contrat de travail de M. X... et les avantages pécuniaires exorbitants qui lui étaient consentis, concernant notamment la garantie d'emploi, qu'après la désignation de l'intéressé comme délégué syndical ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des écritures de l'employeur dont se déduisait l'existence d'une collusion établie dès l'origine entre M. X... et le directeur, M. Y..., qui l'avait recruté, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que ainsi que l'employeur le faisait aussi valoir dans ses conclusions M. X... qui n'avait, à aucun moment, exercé d'activité syndicale dans l'entreprise bénéficiait dans son contrat de travail d'une clause de garantie d'emploi de huit ans et de charges d'indemnisation exorbitantes qui le plaçait hors de la catégorie des salariés pouvant remplir une fonction de délégation syndicale ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments n'étaient pas de nature à établir que sa situation le plaçait en dehors de la communauté de salariés qu'il prétendait vouloir représenter et que la désignation de M. X... ne pouvait pas avoir été dictée par le souci de la défense des intérêts collectifs des salariés, le tribunal d'instance a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-11 et L. 412-15 du Code du travail ;
4 / que lorsqu'il est saisi d'une contestation de la désignation d'un délégué syndical, le juge d'instance doit examiner l'ensemble des circonstances dans lesquelles elle est intervenue ; que pour dire que la désignation de M. X... n'était pas frauduleuse, le tribunal d'instance ne pouvait dès lors se borner à déclarer que la protection légale accordée aux délégués syndicaux était moindre que les garanties données au salarié par son contrat de travail, sans rechercher si M. X... n'avait pas cherché à s'assurer une protection supplémentaire et non limitée dans le temps, sachant que son employeur contesterait celle découlant de son contrat de travail, conclu dans des conditions irrégulières et frauduleuses ; qu'en statuant de la sorte, le tribunal d'instance a, une nouvelle fois, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-11 et L. 412-15 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal qui a estimé par une appréciation souveraine de l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui était soumis que la désignation n'était pas frauduleuse, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille cinq.