AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Franck,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4ème section, en date du 23 juin 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols aggravés, a rejeté sa demande de modification du contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 139, 140, 148-1 et 148-2 du Code de procédure pénale, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de modification et de mainlevée partielle du contrôle judiciaire de Franck X... ;
"aux motifs que les charges existant à l'encontre de Franck X... d'avoir pris part aux infractions poursuivies résultent de l'arrêt de renvoi rendu le 4 juin 2003 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai ; qu'eu égard à la gravité de celles-ci, à l'importance de la peine que l'intéressé ne peut désormais ignorer encourir, ainsi qu'à ses dénégations face aux multiples accusations portées à son encontre, il convient, nonobstant la médiatisation de l'affaire et la possibilité qui lui a été offerte de communiquer avec son épouse durant le procès, d'éviter jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises d'appel, toute concertation entre les coaccusés ; qu'une reprise de la vie commune avec sa femme, qui pourrait par ailleurs faciliter une pression sur les jeunes victimes dont elle est, pour certaines d'entre elles, la mère, n'est dès lors pas envisageable en l'état ; qu'en l'absence d'éléments nouveaux, il convient de rejeter la demande de modification et de mainlevée partielle du contrôle judiciaire, l'affaire venant d'être fixée devant la cour d'assises de Paris au 3 novembre 2005 ;
"alors, d'une part, qu'à l'appui de sa demande de mainlevée et de modification du contrôle judiciaire, Franck X... alléguait, précisément, un élément nouveau, qui a été totalement ignoré par la chambre de l'instruction, tenant à ce que, ni lui-même ni Sandrine X..., son épouse, n'ont plus de droit de visite sur Amanda et Aurore, les seules victimes des infractions, dont Sandrine X... est la mère ; qu'on ne voit donc pas comment la reprise de la vie commune entre les époux pourrait être de nature à faciliter une pression sur les jeunes victimes, dont Sandrine X... est la mère, dans la mesure où cette dernière, pas plus que Franck X..., n'ont de contact avec les deux jeunes filles, ni avec aucune autre victime, d'ailleurs, que Franck X... a l'interdiction de rencontrer ; qu'en ne s'expliquant pas sur l'élément nouveau résultant de la décision de la cour d'appel de Douai du 17 mai 2005, suspendant tout droit de visite de Sandrine X... sur ses filles, Aurore Y... et Amanda X..., qui était de nature à modifier l'appréciation de la chambre de l'instruction et, en tout cas, à rendre impossible une éventuelle pression sur ces victimes, l'arrêt attaqué a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, notamment dans le mariage ;
qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ; que, précisément, aucune des obligations auxquelles peut être astreinte une personne soumise à un contrôle judiciaire, au sens de l'article 138 du Code de procédure pénale, ne prévoit la restriction à l'exercice des droits de la personne de vivre avec son conjoint, dans le domicile commun qu'ils ont choisi ensemble ; que, en privant ainsi Franck X... de la reprise d'une vie commune avec son épouse et de son installation au domicile conjugal, la chambre de l'instruction violé les textes susvisés ;
"alors, en outre, qu'une telle ingérence n'est concevable que si elle est nécessaire dans une société démocratique à la poursuite d'un but légitime correspondant à un besoin social impérieux ; que ni la gravité de la peine encourue par Franck X..., ni ses dénégations face aux accusations portées contre lui ni le souci d'éviter une concertation entre le coaccusé, voire des pressions sur les victimes, difficilement envisageables en l'état, ne sauraient justifier une mesure qui n'apparaît pas nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, faute d'avoir justifié de la poursuite d'un tel but, pour priver Franck X... de son droit à une vie privée et familiale, en lui interdisant de rencontrer son épouse et de vivre avec elle, les enfants étant par ailleurs confiés à des tiers, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale ;
"alors, enfin, qu'une ingérence de cette nature dans la vie privée et familiale d'une personne doit être proportionnelle aux buts et à l'objectif poursuivis par les autorités ; que la restriction apportée au droit à la vie privée et de famille de Franck X..., qui doit s'abstenir de toute communauté de vie avec son épouse, dont il a vécu séparé pendant plusieurs années, excepté pendant la période pendant laquelle s'est déroulé le procès devant la cour d'assises du Pas-de-Calais, n'apparaît pas proportionnée aux buts poursuivis et à l'objet du contrôle judiciaire, notamment aux nécessités d'empêcher l'intéressé de se concerter avec ses coaccusés à propos d'un dossier ayant déjà fait l'objet de longues audiences publiques, et de faire pression sur les victimes ; que la circonstance, selon laquelle l'affaire a été fixée devant la cour d'assises de Paris au 3 novembre 2005, n'est pas de nature à faire obstacle à une mainlevée partielle de contrôle judiciaire et à sa modification, en fonction des éléments actuels du dossier et notamment de l'absence de possibilité de pression sur les jeunes victimes dont Sandrine X... est la mère ;
qu'en la cause l'arrêt attaqué, qui ne justifie pas d'une telle proportionnalité, n'est pas légalement motivé" ;
Attendu que, pour refuser de lever l'interdiction, faite à Franck X..., lors de son placement sous contrôle judiciaire, d'entrer en relation avec les accusés, parmi lesquels son épouse, la chambre de l'instruction, après avoir relevé que Sandrine X... n'avait plus de droit de visite sur ses enfants, énonce qu'il convient d'éviter, jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises d'appel, toute concertation entre les coaccusés, et qu'une reprise de la vie commune pourrait, par ailleurs, faciliter une pression sur les jeunes victimes dont elle est, pour certaines d'entre elles, la mère ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a exactement apprécié la nécessité de l'interdiction au regard, tant du droit à la vie privée et familiale, que des impératifs de sûreté publique et de la prévention des infractions pénales, n'a méconnu aucun des textes légaux et conventionnels invoqués au moyen, lequel doit, dès lors, être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;