AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° E 04-12256 et N 04-12148 ;
Sur le moyen unique de chacun des pourvois :
Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;
Attendu que dans l'émission "combien ça coûte" présentée sur la chaîne de télévision TF1 le 21 mai 2003 a été développé un sujet sur les "arnaques de régimes" illustré à plusieurs reprises par une photographie publicitaire d'un produit Cegisil qui était celui du laboratoire Cegipharma ; que cette société estimant avoir subi un préjudice à la suite de la diffusion de cette émission a demandé réparation à la société de télévision TF1 et à la société productrice de l'émission, la société Coyote, lesquelles se sont opposées à cette demande en faisant valoir que leur responsabilité ne pouvait être engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, dès lors qu'elle relevait de la loi du 29 juillet 1881 ; que par jugement du 8 octobre 2003, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent et par arrêt du 11 février 2004, la cour d'appel de Paris a rejeté les contredits formés ;
Attendu que pour débouter les sociétés TF1 et Coyote, la cour d'appel a énoncé que les appréciations même excessives touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entraient pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne concernaient pas la personne physique ou morale, qu'il ressortait de l'examen des documents produits que la présentation du visuel, original et caractèristique des produits de la marque permettait d'identifier le produit de régime mais non la société qui le commercialisait, qu'au surplus l'imputation de portée générale de procéder à des "arnaques, de vendre des régimes miracles ou de pratiquer de la publicité fausse" était imprécise au sens de la loi de 1881 ;
Qu'en statuant ainsi alors que ces imputations portaient sur des faits précis et visaient le fabricant du produit identifié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Les Laboratoires Cegipharma aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.