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27/09/2005 | FRANCE | N°03-15245

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2005, 03-15245


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2003), qu'en 1993, la société Montroyal (la société) a acquis, en qualité de marchand de biens, un appartement en prenant l'engagement de le revendre dans un délai de quatre ans ; qu'à défaut d'avoir respecté cet engagement, un redressement de droits d'enregistrement lui a été notifié ; qu'après le rejet de sa réclamation, la société a saisi le tribunal en sollicitant notamment la modération

des intérêts de retard par application du taux légal ; que sa demande a été acc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2003), qu'en 1993, la société Montroyal (la société) a acquis, en qualité de marchand de biens, un appartement en prenant l'engagement de le revendre dans un délai de quatre ans ; qu'à défaut d'avoir respecté cet engagement, un redressement de droits d'enregistrement lui a été notifié ; qu'après le rejet de sa réclamation, la société a saisi le tribunal en sollicitant notamment la modération des intérêts de retard par application du taux légal ; que sa demande a été accueillie ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement sur ce point, alors, selon le moyen :

1 / qu'eu égard aux dispositions de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour européenne, le taux d'intérêt fixé par l'article 1727 du Code général des impôts constitue manifestement une sanction administrative proportionnelle et invariable ayant le caractère d'une punition, de sorte que le juge saisi par le contribuable d'une contestation doit pouvoir se prononcer sur le principe et le montant de ladite sanction et, le cas échéant, la ramener au taux d'intérêt légal en vigueur durant toute la période considérée pour ne réparer que le préjudice effectivement subi par l'administration ; qu'ainsi la cour d'appel, en écartant cette qualification, bien qu'elle ait relevée le caractère dissuasif du dispositif prévu par ce texte fiscal, et en refusant d'user de son pouvoir modérateur pour adapter la dite sanction au préjudice réellement subi par l'administration, a violé l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2 / qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le principe d'individualisation des peines est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui s'impose aussi bien à l'autorité administrative, sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence, qu'au juge de l'impôt qui, en présence d'une pénalité administrative automatique sans possibilité de moduler son quantum, doit pouvoir déclarer ladite pénalité contraire à ce principe et en assurer l'application au contribuable ; qu'en s'estimant manifestement liée par la décision de l'administration fiscale, prise à l'encontre de l'exposante sur le fondement de l'article 1727 du Code général des impôts, prévoyant pourtant un intérêt proportionnel et invariable de 0,75 % par mois qui n'a été assorti par le législateur d'aucun recours de pleine juridiction reconnaissant au juge la possibilité de moduler ladite pénalité, la cour d'appel a méconnu le principe susmentionné ;

Mais attendu que l'intérêt de retard, qui a pour objet la réparation du préjudice subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance, et qui, compte tenu de sa finalité réparatrice ne vise pas à punir même s'il peut être dissuasif, ne constitue pas une sanction susceptible de justifier la mise en oeuvre des garanties résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou l'application du principe d'individualisation des peines ; que dès lors la cour d'appel a statué, à bon droit, comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement sur les intérêts de retard, alors, selon le moyen qu'eu égard aux dispositions combinées des articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du Premier Protocole additionnel à ladite Convention, la pénalité de 0,75 % par mois (soit 9 % l'an), fixée par l'article 1727 du Code général des impôts revêt un caractère discriminatoire, puisque son taux est très supérieur à celui de l'intérêt légal prévu aux articles 1153 du Code civil, L. 208 et L. 209 du Livre des procédures fiscales, de sorte qu'elle aboutit à évaluer et à réparer différemment un préjudice qui devrait en principe être identique, résultant du retard de paiement et constitutif du "prix du temps", en considération de la qualité du créancier ; qu'en effet, l'intérêt de retard appliqué est différent, d'une part, selon qu'il s'agit d'indemniser le contribuable ou l'Etat, et, d'autre part, pour ce dernier, selon que l'impôt tardivement acquitté est recouvré par la Direction générale des impôts, en application de l'article 1727 susmentionné ou par les comptables du Trésor sur le fondement de l'article L. 209 du Livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la cour d'appel, en présence d'une telle discrimination injustifiée, dont l'exposante n'avait d'ailleurs pas manqué de faire état dans ses écritures d'appel, aurait dû, non seulement, constater que la fraction du taux d'intérêt de retard de l'article 1727 du Code général des impôts excédant celui des articles 1153 du Code civil, L. 208 et L. 209 du Livre des procédures fiscales, ne pouvait avoir pour objet de réparer le seul préjudice subi par le Trésor du fait de la perception retardée de sa créance, mais encore, modérer à due concurrence de cette différence les pénalités notifiées au contribuable ; qu'en décidant du contraire, les juges d'appel ont violé ensemble les articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du Premier Protocole additionnel à ladite Convention ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui, combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à celle-ci, sont sans portée dans les rapports institués entre l'Etat et les contribuables à l'occasion de l'établissement ou du recouvrement de l'impôt ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Montroyal aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-15245
Date de la décision : 27/09/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Intérêt de retard - Objet - Portée.

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Domaine d'application - Exclusion - Intérêt de retard prévu par l'article 1727 du Code général des impôts.

1° L'intérêt de retard, qui a pour objet la réparation du préjudice subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance, et qui, compte tenu de sa finalité réparatrice ne vise pas à punir même s'il peut être dissuasif, ne constitue pas une sanction susceptible de justifier la mise en oeuvre des garanties résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'application du principe d'individualisation des peines.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Domaine d'application - Exclusion - Rapports institués entre l'Etat et les contribuables à l'occasion de l'établissement ou du recouvrement de l'impôt.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Droit au respect de ses biens - Restrictions - Garantie du paiement des impôts - contributions et amendes - Portée.

2° Les dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec celles de l'article 1er du Premier protocole additionnel à celle-ci, sont sans portée dans les rapports institués entre l'Etat et les contribuables à l'occasion de l'établissement ou du recouvrement de l'impôt.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code général des impôts 1727
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 14
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 février 2003

Sur le n° 1 : Sur l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamendales, dans le même sens que : Chambre commerciale, 2005-09-27, Bulletin 2005, IV, n° 184 (3), p. 198 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 sep. 2005, pourvoi n°03-15245, Bull. civ. 2005 IV N° 185 p. 200
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 185 p. 200

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Gueguen.
Avocat(s) : Avocats : Me Luc-Thaler, la SCP Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.15245
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