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13/09/2005 | FRANCE | N°05-80035

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 septembre 2005, 05-80035


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 15 novembre 2004

, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 15 novembre 2004, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du Code pénal, 1134 du Code civil, 171 et suivants du décret du 8 janvier 1965, L. 263-2 du Code du travail, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'homicide involontaire ;

"aux motifs, d'une part, qu'il résulte de l'enquête, du rapport de l'Inspecteur du Travail et de l'expertise que les travaux réalisés par l'entreprise Piani ont été effectués en violation de plusieurs prescriptions édictées par le décret du 8 janvier 1965 ;

qu'il est apparu en effet : - que les travaux ont été exécutés sans que l'entreprise Piani ne demande une mise hors tension ou n'arrête avec l'exploitant de la ligne les mesures de sécurité particulières à prendre (articles 172, 174 et 176 du décret) ; - qu'aucune consigne de sécurité n'a été portée à la connaissance des salariés en violation de l'article 181 ; - qu'aucune des règles de sécurité prévues par l'article 177 n'a été respectée ; - que contrairement aux prescriptions de l'article 179, les emplacements à occuper ou les itinéraires à suivre n'étaient pas balisés ; - que les experts ont indiqué que MM. Y..., Z... et A... avaient un titre d'habilitation électrique les autorisant à intervenir dans les installations du domaine haute tension mais non au voisinage de conducteurs nus sous tension ;

que Michel Y... ignorait totalement la procédure à suivre en ce domaine ; - que l'entreprise Piani était informée de la présence de lignes à moyenne et basse tension ; - que le chef d'équipe a déclaré qu'ils savaient tous qu'ils travaillaient sous des lignes à basse et moyenne tension en service, que la tranchée était creusée à l'aplomb de la ligne qui a été sectionnée par la grue, mais que personne ne leur avait dit qu'il fallait interdire l'accès à cette zone avec un engin de chantier ni quelle était la distance à respecter sous ces lignes ; qu'aucune mesure de sécurité n'a été prise pour protéger les salariés intervenant sur le chantier qui se trouvait juste en dessous d'une ligne électrique ;

"alors que, d'une part, les fautes conjuguées d'un tiers et de la victime pouvant constituer la cause exclusive d'un accident et étant susceptibles d'exonérer l'employeur de la victime de toute responsabilité pénale, la Cour, qui a expressément refusé de tenir compte des moyens péremptoires de défense invoqués dans les conclusions d'appel du prévenu tirés de l'existence des fautes imputables à EDF qui avait omis d'élaborer un plan d'hygiène et de sécurité, de signaler un risque particulier sur le chantier et d'établir un plan de prévention malgré la durée d'un chantier devant occuper plus de 400 heures et qui a également laissé sans réponse les conclusions d'appel du prévenu invoquant l'existence d'une signalisation et de barrières de sécurité mises en place pour interdire l'accès à la zone située sous la ligne électrique litigieuse, dispositif qui avait été considéré comme exemplaire par EDF avant l'accident qui aurait été évité si la victime n'avait pas, en dehors des horaires de travail, déplacé les barrières de sécurité et utilisé de sa propre initiative un camion-grue inadapté aux travaux qu'elle devait exécuter, a ainsi méconnu l'article 459 du Code de procédure pénale et violé les articles L. 263-2 du Code du Travail et 221-6 du Code pénal ;

"et aux motifs, d'autre part, que le chef d'entreprise ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale que s'il est constaté qu'il a délégué de manière certaine et non ambiguë la direction du chantier à une personne investie par lui, pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à ses obligations ; que le document intitulé " note de service permanente " du 25 juin 1992 ne peut valoir délégation de pouvoirs consentie et acceptée au profit de Michel Y... ; - qu'en effet il n'était pas destiné à faire l'objet d'une acceptation ; - qu'il s'agissait en réalité bel et bien d'une note de service permanente à caractère général ; - que la note n'attribuait au prétendu délégataire aucun pouvoir précis de sanction et ne précisait pas non plus de quels moyens matériels et financiers il disposait ; - que Michel Y... a déclaré devant le juge d'instruction que plusieurs conducteurs de travaux ont comme lui refusé ce type de délégation parce que la responsabilité mise à leur charge ne correspond pas à leur qualification d'autant qu'ils n'ont aucun pouvoir décisionnel à ce niveau ; - que Michel Y... qui bénéficiait seulement d'une habilitation de niveau O, c'est-à-dire non électricien, s'il a fait la déclaration d'intention de travaux n'avait aucune compétence en matière de sécurité électrique ;

- qu'il n'a jamais lui-même fait état d'une quelconque délégation de pouvoirs, se contenant de déclarer lors de sa première audition qu'en sa qualité de conducteur de travaux il était chargé de faire respecter les conditions de travail et les règles de sécurité demandées par EDF ; - que la réunion du CHSCT du 18 décembre 1992 au cours de laquelle il a été discuté de l'accident était présidée par Pierre X..., Michel Y... étant mentionné comme simple invité ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la note de service établie par Pierre X... ne peut être considérée comme valant délégation de pouvoirs ;

"alors, d'autre part, qu'après avoir constaté que la note de service du 25 juin 1992 adressée par le prévenu à Michel Y... comme à tous les conducteurs de travaux de l'entreprise, rappelait expressément à ces salariés qu'ils devaient veiller notamment à l'application du décret du 8 janvier 1965 et qu'il leur appartenait, en raison de l'importance de la taille de l'entreprise et de la multitude des chantiers interdisant au dirigeant de l'entreprise qui était l'auteur de ladite note de veiller personnellement au strict respect de la réglementation, de faire respecter celle-ci sous leur responsabilité qui pourrait être directement engagée, ladite note précisant expressément qu'elle valait délégation de pouvoirs, la Cour, qui a en outre reconnu que Michel Y... avait lui-même déclaré au cours de sa première audition qu'il était chargé de faire respecter les conditions de travail et les règles de sécurité demandées par EDF, mais a néanmoins refusé d'admettre que ce document parfaitement clair et précis constituait bien une délégation de pouvoirs sous prétexte qu'il ne prévoyait pas d'acceptation et ne précisait pas les pouvoirs précis de sanction du délégataire alors que ces éléments n'ont pas à être mentionnés dans une délégation de pouvoirs, a ainsi dénaturé la note de service et violé l'article 1134 du Code civil ;

"et alors, qu'enfin, la Cour a violé l'article 459 du Code de procédure pénale en laissant sans réponse les conclusions d'appel du prévenu expliquant qu'il employait 800 salariés répartis sur de multiples chantiers, ce qui lui imposait de déléguer ses pouvoirs à ses conducteurs de travaux, que Michel Y... qui bénéficiait d'une délégation de pouvoirs, qui avait la qualité de cadre en tant que chef de l'agence d'Aubagne, percevait un salaire correspondant à ses responsabilités qu'il n'avait jamais refusé d'assumer avant l'accident et avait lui-même chargé un autre salarié de surveiller le chantier" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un salarié de la société Piani, chargé d'enterrer des câbles électriques aériens, a été tué par électrocution, en manoeuvrant une grue équipant le camion qu'il utilisait ; que Pierre X..., président de la société, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel tandis que Michel Y..., responsable de l'agence locale de la société, à qui le président soutenait avoir délégué ses pouvoirs, a été cité directement devant cette juridiction par les parties civiles ;

Attendu que le tribunal a condamné Michel Y... et renvoyé Pierre X... des fins de la poursuite ;

Attendu que, pour infirmer le jugement, relaxer Michel Y... et condamner Pierre X..., l'arrêt énonce que les travaux ont été réalisés sans que les prescriptions du décret du 8 janvier 1965 aient été respectées, qu'aucune mesure de sécurité n'a été prise pour protéger les salariés intervenant sur le chantier surplombé par une ligne électrique de 20 000 volts ce qui les exposait à un danger manifeste et que l'accident ne se serait pas produit si ces dispositions réglementaires avaient été respectées ; que les juges ajoutent que la délégation de pouvoirs dont se prévaut Pierre X... a été adressée à tous les conducteurs de travaux, qu'elle n'a pas été acceptée par Michel Y..., dépourvu de compétence en matière de sécurité électrique, à qui elle n'attribuait aucun pouvoir précis de sanction et dont elle ne précisait pas les moyens financiers et matériels ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui en ses deuxième et troisième branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, que le salarié auquel le prévenu prétendait avoir délégué ses pouvoirs ne disposait ni de l'autorité, ni des moyens nécessaires pour faire respecter la réglementation relative à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80035
Date de la décision : 13/09/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 15 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 sep. 2005, pourvoi n°05-80035


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.80035
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