AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse de retraite des ingénieurs et cadres assimilés (CRICA) a souscrit, auprès de la société GAN, un contrat d'assurance de groupe couvrant les risques de décès, invalidité et incapacité de travail auquel la société X... a adhéré le 1er juillet 1979 ; qu'en complément de cette garantie, cette société a directement souscrit auprès de la société GAN une assurance complémentaire santé pour couvrir les frais de maladie et de chirurgie de ses cadres ; que M. X..., cadre de la société adhérente, désigné comme bénéficiaire, a demandé à être pris en charge par la société GAN à la suite de son placement en arrêt de travail ; que, par lettre du 17 août 1995, cet assureur a refusé cette prise en charge en soutenant qu'il avait adressé à la société X..., le 17 mars 1993, une lettre de mise en demeure de payer des cotisations impayées, en l'informant qu'à compter d'un délai de 40 jours, le défaut de paiement entraînerait la résiliation de plein droit du contrat ; que la société X... a assigné la société GAN en exécution du contrat d'assurances et que M. X... est intervenu volontairement dans la procédure ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble les article L. 113-3 et R. 113 -1 du Code des assurances ;
Attendu que pour débouter la société X... et M. X... de leurs demandes, l'arrêt retient que s'il est exact que la preuve de l'expédition du courrier de mise en demeure du 17 mars 1993 n'est pas rapportée par un document de La Poste, l'existence d'une copie de ce courrier, non arguée de falsification, et l'absence de déclarations de salaires et de paiement de cotisations par la société X... constituent des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour retenir que le courrier en cause lui a bien été délivré ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'aucun document de La Poste n'établissait l'envoi de la lettre en recommandé, exigé par l'article L. 113-1, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 140-3 du Code des assurances ;
Attendu que ce texte, issu de la loi du 31 décembre 1989, subordonne l'exclusion de l'adhérent à une assurance de groupe en cas de non-paiement des primes à l'envoi, par le souscripteur, d'une lettre recommandée de mise en demeure, et à l'expiration de certains délais ;
que ce texte s'applique aux contrats en cours dès lors que l'exclusion est notifiée après le 1er mars 1990, date de l'entrée en vigueur de la loi susvisée ;
Attendu que pour débouter la société X... et M. X... de leurs demandes, l'arrêt retient que l'article 14 du contrat d'assurance stipule que l'affiliation au contrat cesse pour chaque affilié si les cotisations le concernant ne sont pas réglées ou s'il ne figure plus sur le bordereau annuel d'ajustement des cotisations ; que le contrat complémentaire santé contient des dispositions similaires et prévoit en outre que l'affiliation cesse pour chaque affilié à la date de résiliation du contrat principal dont il est le complément ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société GAN aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille cinq.