AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Omar ,
contre le jugement du tribunal de police de NICE, en date du 22 novembre 2004, qui, pour vente d'objets sur la voie publique, l'a condamné à 100 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-3-a) et b) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que Omar X..., d'origine soudanaise et de nationalité espagnole, ne parlant pas le français, a été, à la suite de son interpellation sur la voie publique le 29 juin 2004 à 22h30, interrogé par un officier de police judiciaire, dans les locaux de la police municipale, sans bénéficier de l'assistance d'un interprète ;
"alors que toute personne mise en cause a droit à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle, et à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'il résulte du procès-verbal établi le 30 juin 2004 à 0 heure que Omar X... a été interrogé par un officier de police judiciaire sans l'assistance d'un interprète ; que, si à l'audience du 22 novembre 2004 il a pu bénéficier de l'assistance d'un interprète en langue espagnole, il reste qu'il n'a pas été informé, dans le délai nécessaire et dans une langue qu'il comprend, de la nature des faits reprochés, et qu'il n'a pu préparer utilement sa défense, de sorte que les droits de la défense ont été violés ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué encourt l'annulation" ;
Attendu qu'il ne résulte pas du jugement qu'Omar X... ait invoqué, devant le tribunal de police, une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme résultant, selon lui, de son audition par un officier de police judiciaire sans l'assistance d'un interprète et du défaut de traduction de sa convocation devant le tribunal de police ;
D'où il suit que le moyen, mélangé de fait, invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 464 du Code pénal, 14, 16, 17, 19, 20, 21 et 21-1 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le jugement attaqué a ordonné la confiscation de la marchandise saisie ;
"alors qu'en matière contraventionnelle, et sauf disposition contraire de la loi, la saisie d'objets, dont la confiscation peut être ordonnée, doit être pratiquée par un officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, en l'absence de toute référence au procès-verbal d'infraction servant de base aux poursuites, la Cour de cassation n'est pas en mesure de contrôler si la saisie préalable à la confiscation ordonnée a été effectuée par un officier de police judiciaire ; qu'il s'ensuit que le tribunal a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni d'aucunes conclusions que le prévenu ait soulevé la nullité de la saisie des marchandises dont le tribunal a ordonné la confiscation ; que, dès lors, le moyen est irrecevable en application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris en sa seconde branche et pris de la violation des articles R.644-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le jugement attaqué a déclaré Omar X... coupable de la contravention d'offre, vente ou exposition en vue de la vente de marchandises dans un lieu public sans autorisation, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier et des débats d'audience que le 29 juin 2004 à Nice, place Rossetti, Omar X... a commis l'infraction d'offre, vente ou exposition en vue de la vente de marchandises dans un lieu public sans autorisation ; qu'il s'avère que la contravention est établie ;
"alors, d'une part, que tout jugement en dernier ressort doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait du dossier et des débats que la contravention de vente dans un lieu public sans autorisation est établie, sans caractériser les éléments constitutifs de la contravention retenue à l'encontre d'Omar X..., le tribunal a privé sa décision de motifs ;
"alors, d'autre part, que le fait de vendre, sans autorisation régulière, des marchandises dans un lieu public ne peut être sanctionné, par application de l'article R. 644-3 du Code pénal, qu'à la condition que les dispositions réglementaires exigeant une autorisation soient expressément mentionnées dans le jugement ;
qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait des pièces du dossier et des débats que la contravention de vente dans un lieu public sans autorisation est établie, sans préciser quel règlement de police soumet à une autorisation l'exercice de l'activité d'Omar X... dans les lieux publics où les faits ont été constatés, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Vu l'article R. 644-3 du Code pénal ;
Attendu que le fait d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des marchandises ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics sans autorisation ou déclaration n'est réprimé par le texte susvisé que s'il est commis en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux ;
Attendu que le demandeur a été convoqué devant le tribunal de police pour y être jugé sur les faits de vente, offre ou exposition en vue de la vente de marchandises dans un lieu public, sans autorisation, constatés le 29 juin 2004, place Rossetti à Nice ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de la contravention prévue par l'article R. 644-3 du Code pénal, le jugement déféré se borne à énoncer que l'infraction résulte des pièces du dossier et des débats d'audience ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans préciser quel règlement de police soumet à une autorisation l'exercice de l'activité des demandeurs dans les lieux publics où les faits ont été constatés, le tribunal de police n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement sus-visé du tribunal de police de Nice, en date du 22 novembre 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Marseille, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de Nice et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;