AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire DEGORCE, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Salvatore,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 7 septembre 2004, qui, pour infractions au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 1500 euros d'amende et a ordonné, sous astreinte, la démolition des ouvrages irrégulièrement édifiés et la mise en conformité des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1, L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, L. 480-13 et R. 421-12 du Code de l'urbanisme, 111-5 du Code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Salvatore X... coupable du délit d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire ;
"aux motifs que le prévenu a obtenu, le 7 octobre 1997, un permis de construire relatif à la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé sur la commune de Vidauban ; que, le 4 décembre 1998, le prévenu a déposé une demande de permis modificatif portant notamment sur l'implantation d'une piscine sur ce même terrain ; que le délai d'instruction de la demande expirait, comme il le lui avait été indiqué par courrier du 15 décembre 1998, le 4 mars 1999 ; que dans ce courrier du 15 décembre 1998, il était mentionné : "si à cette date, l'autorité compétente pour statuer sur votre demande ne s'est pas prononcée, la présente lettre vaudra autorisation tacite ; les travaux ne peuvent être entrepris qu'à compter de la décision expresse ou tacite d'autorisation et conformément au projet autorisé ou déposé ; en cas d'autorisation tacite, je vous recommande cependant de vous assurer auprès de mes services de sa légalité avant d'entreprendre tous travaux, il vous sera alors délivré sous quinzaine une attestation certifiant qu'aucune décision de refus n'a été prise à votre insu ; en effet, si l'autorisation est illégale, elle pourrait être retirée par l'autorité administrative pendant le délai légal du recours contentieux ; cette démarche vous évitera de courir le risque, en cas de retrait de l'autorisation tacite irrégulière, d'être astreint à remettre le terrain en l'état initial et de vous exposer aux éventuelles peines conséquentes" ; que, par arrêté du 15 mars 1999, notifié à l'intéressé le même jour, le maire de Vidauban a refusé la demande de permis modificatif au motif, notamment, que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes, entrave au libre écoulement des eaux (article R.112 du Code de l'urbanisme) ; que, par procès-verbal du 24 novembre 1999, Alain Y..., brigadier chef de la police municipale de la ville de Vidauban, a constaté, d'une part, la construction d'une piscine de 10 mètres sur 5 mètres environ "montée sur une terrasse en parpaings surélevée d'environ 1 mètre du sol avec rambarde béton", d'autre part, le déplacement de la fosse septique par rapport à l'implantation prévue au permis de construire et sa réimplantation "au sud-ouest de l'habitation à moins de 5 mètres de la limite séparative, en bordure d'un pluvial important" ; qu'entendu par procès-verbal de gendarmerie du 17 janvier 2000, le prévenu a déclaré avoir réalisé les travaux de gros oeuvre de la piscine entre le 4 et le 15 mars 1999, date de la notification du refus de la demande de permis, ajoutant : "après le 15 mars, j'ai fait les travaux relatifs à la plomberie et à l'électricité de la piscine" ; que s'agissant de la construction de la piscine, faute pour la mairie d'avoir notifié la décision de refus du permis modificatif au prévenu avant la date du délai d'instruction fixé au 4 mars 1999, celui-ci pouvait, à cette date, se prévaloir d'un permis tacite ; que, toutefois, la décision de refus, prise et notifiée le 15 mars 1999, dans les délais du recours contentieux, équivaut à un retrait de ce permis tacite entaché d'illégalité ; que les travaux exécutés à compter du 15 mars 1999, date de la notification du retrait du permis tacite, l'ont été irrégulièrement ;
que le prévenu ne peut valablement soutenir avoir réalisé, entre le 4 et le 15 mars 1999, soit en onze jours, des travaux de construction d'une piscine de 10 mètres sur 5 mètres environ "montée sur une terrasse en parpaings surélevée d'environ 1 mètre du sol avec rambarde béton" ; que les photographies prises le 24 novembre 1999 par Alain Y..., brigadier chef de la police municipale de la ville de Vidauban, annexées au procès-verbal du même jour, démontrent que compte tenu de leur ampleur, les travaux ont nécessairement excédé ce délai ; que d'ailleurs, le prévenu a lui-même admis lors de son audition par les gendarmes le 17 janvier 2000 que les travaux n'étaient pas achevés à la date du 15 mars 1999, seuls les travaux de gros oeuvre ayant été réalisés ; que s'agissant du déplacement de la fosse septique en non-conformité avec le permis de construire délivré le 7 octobre 1997, il résulte suffisamment des énonciations du procès-verbal du 24 novembre 1999 que la fosse septique implantée sur le terrain du prévenu avait été "déplacée de l'emplacement prévu sur le permis d'origine et réimplantée au sud-ouest de l'habitation à moins de 5 mètres de la ligne séparative, en bordure d'un pluvial important", ce en non-conformité avec le permis de construire délivré au prévenu le 7 octobre 1997 et les prescriptions contenues dans ce permis, qu'il ne pouvait ignorer ;
"alors, en premier lieu, que le juge répressif est compétent pour apprécier la légalité d'un acte administratif lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal, et qu'il doit par ailleurs relever d'office tout moyen qui serait de nature à priver la poursuite de son fondement légal ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions d'appel du prévenu que celui-ci a excipé de l'irrégularité de la décision de retrait du permis de construire tacite, décision qui constituait la base des poursuites engagées à son encontre ; que, dès lors, en se bornant, pour déclarer le demandeur coupable de construction sans permis de construire, à énoncer au soutien de sa décision que la décision de refus de permis, prise le 15 mars 1999 dans les délais du recours contentieux pouvant être exercé contre l'autorisation tacite acquise le 4 mars précédent, équivalait à un retrait de cette autorisation tacite entachée d'illégalité (arrêt attaqué, p. 5 4), sans donner le moindre motif à cette appréciation et sans en définitive examiner l'exception d'illégalité soulevée par le prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, en deuxième lieu, que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ; qu'en l'occurrence, les constructions litigieuses ont été édifiées sur le fondement d'un permis de construire tacite acquis le 4 mars 1999 ; que dès lors que le juge administratif ne s'était pas prononcé sur la légalité de ce permis tacite, le juge répressif ne pouvait donc déclarer le prévenu coupable de construction sans permis, sans préalablement renvoyer au juge administratif la question préjudicielle de la légalité dudit permis ;
"alors, en troisième lieu, qu'en cas de retrait d'un permis de construire tacite, seuls les travaux de construction effectués postérieurement à la décision de retrait sont susceptibles de caractériser l'infraction de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;
qu'en l'espèce, Salvatore X... faisait valoir, sans être contesté, qu'à la date du 15 mars 1999 les travaux de gros oeuvre de la piscine étaient achevés et que ces travaux avaient donc été réalisés sous l'empire du permis tacite dont il pouvait se prévaloir depuis le 4 mars précédent ; qu'en se bornant à énoncer au soutien de sa décision que, compte tenu de leur ampleur et au vu des photographies prises les 24 novembre 1999 par le brigadier de la police municipale, le prévenu ne pouvait valablement soutenir avoir réalisé des travaux de construction d'une piscine de 10 mètres sur 5 mètres environ "montée sur une terrasse en parpaings surélevée d'environ 1 mètre du sol avec rambarde en béton" en onze jours entre le 4 et le 15 mars 1999, sans préciser la nature des travaux qui ont pu être réalisés après le refus de permis notifié à cette dernière date, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"et alors, en dernier lieu, que l'avis de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale annexé au permis de construire délivré le 7 octobre 1997 se borne à imposer l'implantation de la fosse septique "le plus près possible de la construction" et à prescrire que le système d'épandage soit installé à cinq mètres au plus des limites de la parcelle ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que la fosse septique a été implantée à moins de cinq mètres de la limite séparative, pour en déduire que cette construction n'est pas conforme aux prescriptions du permis de construire délivré le 7 octobre 1997, sans rechercher si la fosse septique était ou non implantée le plus près possible de la construction, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui prétendait avoir réalisé une piscine conformément à un permis de construire tacite, acquis le 4 mars 1999, et qui contestait le défaut de conformité de la nouvelle implantation de la fosse septique aux prescriptions du permis de construire initial, l'arrêt relève qu'une partie des travaux de construction de la piscine a été exécutée à compter du 15 mars 1999, date de notification de la décision de refus du permis de construire modificatif, et que la non-conformité de la nouvelle implantation de la fosse septique avec le permis de construire résulte des énonciations d'un procès-verbal de constat du 24 novembre 1999 ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui n'avait pas à surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement de la juridiction administrative saisie de la légalité du refus de permis modificatif, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1, L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 et R. 421-12 du Code de l'urbanisme, 132-60 à 132-70 du Code pénal, 427, 469-1, 485, 512, 591 et 593 Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Salvatore X... coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, l'a condamné à une amende délictuelle de 1 500 euros et a ordonné la démolition de la piscine ainsi que la remise en conformité des lieux avec le permis de construire du 7 octobre 1997 dans un délai d'un an à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif puis, passé ce délai, sous astreinte de 45 euros par jour de retard ;
"aux motifs qu'eu égard aux circonstances de la cause et aux renseignements recueillis sur le prévenu, la peine d'amende prononcée est équitable ; qu'il y a lieu de confirmer les mesures de démolition de la piscine et de remise en conformité avec le permis de construire délivré le 7 octobre 1997, lesquelles devront être effectuées dans un délai d'un an à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif sous peine d'une astreinte de 45 euros par jour de retard ;
"alors, d'une part, que, conformément aux dispositions de l'article 469-1 du Code de procédure pénale, le juge pénal qui déclare le prévenu coupable des faits à lui reproché peut, à la demande de l'intéressé, ajourner le prononcé de la peine ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Salvatore X... faisait expressément valoir que la décision de retrait du permis tacite avait été déférée à la censure du tribunal administratif, et par ailleurs que compte tenu de ce que la piscine ne portait qu'une faible atteinte à l'environnement, il paraissait nécessaire de surseoir au prononcé de toute peine jusqu'à l'issue de cette contestation ; qu'en confirmant les peines et restitution prononcées par les premiers juges, sans statuer sur cette demande du prévenu, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, qu'en application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, le juge pénal ne peut ordonner la démolition que des seuls ouvrages édifiés en infraction aux dispositions de l'article L. 480-4 du même code ; qu'en cas de retrait d'un permis de construire tacite, seuls les travaux de construction effectués postérieurement à cette décision sont susceptibles de caractériser l'infraction prévue par le texte susvisé ; que, dès lors, en ordonnant la démolition pure et simple de la piscine édifiée par Salvatore X..., tout en relevant par ailleurs qu'une partie au moins des travaux de construction de cet ouvrage avaient été effectués entre le 4 et le 15 mars 1999, soit antérieurement au retrait du permis tacite dont pouvait se prévaloir le prévenu à compter du 4 mars 1999, de sorte que la démolition le l'ouvrage en son entier ne pouvait être ordonnée, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'après avoir déclaré Salvatore X... coupable d'infractions au Code de l'urbanisme, l'arrêt, en application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, ordonne, sur la demande du fonctionnaire compétent, la démolition de la construction irrégulièrement édifiée et la mise en conformité des lieux, sous astreinte ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, le fait d'ordonner une mesure de démolition ou de remise en état des lieux relève d'une faculté dont les juges ne doivent aucun compte, et que, d'autre part, le recours en annulation de l'arrêté du maire refusant de délivrer un permis n'a pas d'effet suspensif à l'égard de la poursuite, y compris en ce qui concerne les mesures de restitution sur lesquelles les juges ont l'obligation de statuer, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Degorce conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;