AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que, par actes dressés successivement les 14 mars et 17 décembre 1996, M. X..., notaire, a authentifié les deux ouvertures de crédit convenues, sans son concours ni sa participation, entre la Caisse fédérale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre (la CFCM) et la société Kéops, pour assurer le financement de l'opération de promotion immobilière envisagée par cette dernière sur deux terrains préalablement acquis par le ministère du même notaire ; que, deux jours avant l'établissement du premier acte, le notaire avait envoyé à l'organisme de crédit une lettre faisant état, parmi les conditions de réalisation de la garantie intrinsèque d'achèvement, de l'apport par la société de construction du montant correspondant au prix d'achat du premier terrain ; que le second acte prévoyait la garantie hypothécaire accordée, sur un terrain lui appartenant, par la SCI Magellan en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; que la société emprunteuse ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la CFCM, impayée de ses créances, a diligenté une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Magellan, qui a été annulée en raison de l'absence de personnalité juridique de cette société jamais immatriculée au registre du commerce et des sociétés ; que la CFCM a assigné le notaire en réparation de ses préjudices correspondant, selon elle, à la dépréciation de la valeur des lots restant à vendre, au versement, en fraude de ses droits, du montant du prix de vente d'appartements au vendeur de l'un des terrains acquis par la société Kéops et à la perte de la garantie hypothécaire ;
Attendu que, pour débouter l'organisme de crédit de ses demandes, l'arrêt attaqué retient que, si le notaire est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers tous ses clients, l'étendue de cette obligation est fonction de la personne de chacun et est d'autant plus importante que le client est inexpérimenté, et que, la banque, professionnelle du droit des affaires et des sociétés, ne pouvant ignorer qu'une société en formation n'a pas la personnalité morale, laquelle seule permettait de sauvegarder ses intérêts, le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil envers la CFCM sur les conséquences d'un défaut d'immatriculation de la SCI Magellan ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le notaire n'est pas dispensé de son devoir de conseil par les compétences ou connaissances personnelles de son client, en considération desquelles il est seulement possible, le cas échéant, d'estimer que celui-ci a commis une faute ayant contribué à la production de son préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.