AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 62 de la Constitution et l'article 35 bis V de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, devenu l'article L. 551-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'interprété par la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 ;
Attendu qu'à son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile et qu'il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification ; que cette obligation, dont l'inobservation a seulement pour effet d'empêcher le délai de courir, à défaut d'une telle information, mais non d'entraîner la nullité de la procédure, ne saurait être étendue à l'égard de l'étranger qui se trouve maintenu dans un local de rétention ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X..., ressortissant algérien faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Calvados, a été maintenu en rétention dans un local de rétention administrative ; qu'ayant constaté la nullité de la procédure par suite de l'absence de notification des droits que cet étranger était susceptible d'exercer en matière de demande d'asile, le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative ;
Attendu que pour confirmer cette décision, l'ordonnance retient, par motifs propres, qu'il ne saurait être valablement soutenu que l'étranger qui, en raison de circonstances de temps et de lieux, est placé dans un local de rétention administrative et ne peut être accueilli dans un centre de rétention, dispose de moins de droits que l'étranger qui est admis immédiatement dans un tel centre, et que si le Conseil constitutionnel a décidé que le délai de cinq jours mentionné à l'article 35 bis V de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne couvrait pas la période éventuellement passée en rétention dans un local autre qu'un centre de rétention, il ne saurait être déduit de cette décision que la notification des droits en matière d'asile ne doit pas intervenir tant que l'étranger demeure placé dans un local de rétention, et, par motifs adoptés, que le régime juridique de la rétention doit être le même que l'étranger soit retenu dans un centre ou dans un local, que M. X... aurait dû, en conséquence, recevoir une information sur ses droits en matière de demande d'asile et que l'absence de cette information a porté atteinte à ses droits ;
Attendu, cependant, que le Conseil constitutionnel a énoncé dans la décision susvisée, d'une part, qu'en prévoyant qu'une demande d'asile sera irrecevable si elle est formulée plus de cinq jours après le placement de l'étranger dans un centre de rétention, le législateur a voulu concilier le respect du droit d'asile et, en évitant des demandes de caractère dilatoire, la nécessité de garantir l'exécution des mesures d'éloignement, qui participe de la sauvegarde de l'ordre public ; qu'il a prévu, à cet effet, que l'étranger sera pleinement informé du délai durant lequel une demande d'asile peut être formulée ; que ce délai ne saurait courir à défaut d'une telle information ; et, d'autre part, qu'il résulte de la référence spécialement faite par le législateur à la catégorie particulière des "centres" de rétention au V de l'article 35 bis que le délai de cinq jours mentionné par cette disposition ne couvre pas la période éventuellement passée en rétention par un étranger dans un local d'une autre nature ;
D'où il suit qu'en étendant en dehors des prévisions de la loi l'obligation de notification des droits que l'étranger est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile et en sanctionnant, en outre, l'inobservation d'une telle formalité par une nullité de procédure qui n'est pas encourue, le premier président, à qui s'imposait la décision précitée du Conseil constitutionnel, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les délais légaux de maintien en rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 mai 2004, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille cinq.