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28/06/2005 | FRANCE | N°04-87509

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2005, 04-87509


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sébastien,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 2

004, qui, pour homicide involontaire et contravention au Code de la route, l'a condamn...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sébastien,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 2004, qui, pour homicide involontaire et contravention au Code de la route, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 500 euros d'amende ainsi qu'à l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 486, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt ne mentionne pas la présence du ministère public à l'audience de son prononcé" ;

Attendu que l'arrêt mentionne l'audition du ministère public à l'audience des débats ;

Attendu qu'en cet état, il n'importe qu'il ne soit pas fait état de sa présence lors du prononcé de la décision, dès lors que, selon l'article 592 du Code de procédure pénale, seules sont déclarées nulles les décisions rendues sans que le ministère public ait été entendu ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6-1 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 221-6 du Code pénal, articles préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Sébastien X... à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, a prononcé l'annulation du permis de conduire de Sébastien X... en lui faisant interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trente mois et a rejeté la demande de dispense d'inscription de cette condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de Sébastien X... ;

"aux motifs que Sébastien X... a été renvoyé par ordonnance du juge d'instruction devant le tribunal correctionnel de Châlon-sur-Saône pour avoir, le 23 septembre 2001, sur la RN 70, territoire de la commune de Blanzy (71) par défaut de maîtrise de son véhicule BMW 318 TDS coupé n° 5163 RH 55 qui s'est déporté sur la voie opposée, causé involontairement la mort de Jérémy Y..., qui circulait en sens inverse dans un véhicule Peugeot 205 n° 9407 WX 71 ; que la collision est expliquée par la défense -le prévenu affirmant n'avoir conservé aucun souvenir de l'accident- par un vraisemblable assoupissement de quelques instants ayant entraîné le déport sur la gauche de sa voiture puis le choc avec le véhicule adverse ; que Sébastien X... soutient que s'il avait circulé à une vitesse inadaptée au profil de la route et aux circonstances atmosphériques, sa voiture qui était dans une courbe à gauche par rapport à son sens de marche aurait été plaquée par l'effet de la force centrifuge vers l'extérieur du virage et aurait fait une sortie de route à droite, au lieu de suivre une courbe sans à-coups vers la gauche, traversant le terre-plein central de la chaussée d'une autre couleur de goudron avant d'entrer en collision avec la 205 à la jonction du terre-plein et de la voie de sens inverse ; que le prévenu estime par conséquent qu'aucun comportement anormal et dangereux en lien avec l'accident ne peut lui être reproché, de sorte que les peines infligées par les premiers juges, 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 18 mois de suspension de son permis de conduire, lui paraissent d'une excessive sévérité et devront être réduites par la Cour qui confirmera en revanche la non inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; que Monsieur l'Avocat Général considérant au contraire qu'est caractérisée la faute de conduite de Sébastien X... qui, roulant à une vitesse supérieure à celle requise de 80 km/h par temps de pluie, a perdu le contrôle de sa voiture dans une courbe et a heurté le véhicule adverse provoquant la mort de son jeune conducteur de 20 ans, demande à la Cour d'infirmer sur les peines inadaptées aux circonstances de la cause eu égard au comportement dangereux au volant du prévenu ; qu'il requiert deux ans d'emprisonnement avec sursis et l'annulation pour trois ans du permis de conduire de Sébastien X..., les condamnations devant rester inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé ; que les pièces du dossier établissent en effet que Sébastien X..., élève gendarme de l'Ecole de gendarmerie de Montlucon, était sur le chemin de retour à son école après une fin de semaine passée dans sa famille près de Toul ; qu'il avait pour passagère une camarade de promotion qui avait déjà fait le trajet aller avec lui et qu'il avait retrouvée le dimanche après midi avant 17 heures au péage de Toul ;

que l'accident s'est produit près de 300 km plus tard vers 19 heures 05, au crépuscule alors que la chaussée était mouillée et qu'il pleuvait légèrement ; qu'il est constant que dans une courbe à gauche où le conducteur disposait d'une visibilité de plus de 500 mètres, le véhicule de Sébastien X... s'est déporté sur la gauche et a heurté non pas frontalement mais sur le côté gauche la Peugeot 205, le prévenu, ayant selon l'expert chargé de l'étude cinétique de l'accident par le juge d'instruction, tenté au dernier moment une manoeuvre d'évitement qui a échoué ; que l'expert a considéré eu égard aux constatations initiales des policiers à ce qu'il a pu reconstituer de l'état des véhicules impliqués après le choc et aux témoignages recueillis par les policiers lors de l'enquête préliminaire ou sur commission rogatoire du juge d'instruction que la vitesse de la Peugeot était de l'ordre de 80 à 90 km/h, alors que celle de la BMW était de l'ordre de 110 à 120 km/h ; qu'il ressort en effet des déclarations des conducteurs ou passagers des véhicules qui suivaient la Peugeot 205 que celle-ci roulait à une vitesse évaluée pour l'un à environ 90 km/H (Mme Z...), pour l'autre à 70 km/h (M. d'Ingeo) pour un troisième témoin à 80 km/h (Mme A...) ;

tous les témoins qui circulaient dans le même sens que Sébastien X... et qui ont été dépassés dans les minutes ayant précédé la collision par un véhicule BMW de couleur noire, s'accordent à souligner que ce véhicule roulait à très vive allure, projetant d'énormes gerbes de bruine selon M. B..., après l'avoir dépassé doublant un autre véhicule et empiétant sur la ligne continue pour M. C..., doublés son ami M. D... et elle, alors que leur voiture roulait à 100 km/h par un véhicule BMW noire circulant à vive allure pour Mme E... ; que ce véhicule est nécessairement celui conduit par Sébastien X..., eu égard au faible temps écoulé entre leur dépassement et l'arrivée des témoins sur les lieux de l'accident qui venait de se produire ; que non seulement le seul assoupissement au volant du conducteur auquel il appartient de respecter des temps réguliers de repos lors d'un parcours de plusieurs centaines de kilomètres suffisait à déclarer Sébastien X... pénalement responsable de la perte de contrôle de sa voiture et du choc qui s'en est suivi dans lequel Jérémy Y... a trouvé la mort, mais il est établi que le prévenu avait adopté dans les minutes ayant précédé la collision un comportement au volant particulièrement dangereux, puisqu'il circulait à vitesse excessive eu égard à la nature de la voie empruntée et aux conditions atmosphériques et avait doublé successivement plusieurs véhicules parfois en limite de sécurité et de façon jugée inquiétante par les automobilistes dépassé qui n'ont malheureusement pas été surpris d'arriver quelques minutes plus tard sur les lieux d'un accident impliquant le même conducteur ; qu'ainsi est démontré à l'encontre de Sébastien X... un comportement au volant dangereux puisque totalement inadapté à la circulation, par temps de pluie, au crépuscule sur une route nationale à vitesse limitée en temps normal à 90 km/h et à l'heure de l'accident eu égard aux conditions atmosphériques à 80 km/h ; que cette circonstance ajoutée à l'assoupissement argué explique la brutalité du choc entre les véhicules et a joué un rôle causal incontestable tant dans la gravité des blessures du prévenu dont la désincarcération a duré trois heures, que la mort du jeune conducteur dont le véhicule avait été touché avec une grande violence du côté gauche ; que si le jugement doit être confirmé sur la culpabilité la Cour ne peut se satisfaire des peines prononcées en première instance qui sanctionnent insuffisamment la grave faute de conduite commise par Sébastien X... ; que certes l'absence d'antécédents judiciaires et de circonstances aggravantes du délit commis a justement conduit le tribunal à ne pas prononcer d'emprisonnement ferme, mais la peine d'emprisonnement se devait d'avoir une durée significative et l'infirmant de ce chef la Cour condamne Sébastien X... à deux ans d'emprisonnement avec sursis ;

que la gravité de la faute de conduite commise et la dangerosité au volant du prévenu qu'elle induit et dont la Cour constate qu'il persiste à refuser de prendre conscience, préférant à la confrontation des témoignages accablants le refuge de son amnésie, commandaient d'annuler le permis de conduire de Sébastien X... plutôt que de simplement le suspendre ; que la Cour prononce par conséquent l'annulation du permis de conduire de Sébastien X... et lui interdit pendant un délai de trente mois de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de conduire ; que l'amende de 500 euros sanctionnant la contravention de défaut de maîtrise doit être confirmée ; qu'eu égard à la nature des faits à l'origine de la condamnation, les circonstances ne commandaient pas que le prévenu bénéficie d'une dispense d'inscription au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

"1 ) alors que tout accusé a droit à un tribunal impartial, qui statue objectivement sur les faits dont il est saisi ; que la cour d'appel, pour aggraver la peine qui avait été prononcée par les premiers juges, se fonde sur le fait que le prévenu "persist(ait) à refuser (de prendre conscience de la gravité des faits), préférant à la confrontation des témoignages accablants le refuge de son amnésie" ; que ces motifs expriment une opinion subjective des juges du fond, sans rapport avec l'infraction elle-même, et manifestent un parti pris défavorable à Sébastien X... ; que Sébastien X... n'a donc pas bénéficié d'un tribunal impartial ;

"2 ) alors que la peine prononcée doit être proportionnée à la gravité du délit imputé au prévenu ; que l'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire du prévenu constitue une peine complémentaire lui faisant perdre son emploi de gendarme ; qu'en infirmant le jugement qui avait jugé que la condamnation ne devait pas être inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire de Sébastien X... et en prononçant ainsi une mesure dont les conséquences sont disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction commise, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"3 ) alors que la peine prononcée doit être proportionnée à la gravité du délit imputé au prévenu ; que le prévenu avait demandé à la cour d'appel d'infirmer le jugement qui avait prononcé une peine complémentaire de suspension de son permis de conduire pendant une période de dix-huit mois en soulignant que cette peine entravait gravement l'exercice de sa profession ; que la cour d'appel, aggravant la peine prononcée par les premiers juges a prononcé une peine d'annulation du permis de conduire du prévenu, assortie de l'interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant une période de trente mois ; qu'en prononçant ainsi une peine manifestement disproportionnée à l'infraction dont le prévenu a été déclaré coupable, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, hormis les cas expressément prévus par la loi, les juges ne sont pas tenus de motiver spécialement le choix des sanctions qu'ils appliquent dans les limites légales ;

Attendu que, par ailleurs, l'exclusion de la mention d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire relève de l'exercice d'une simple faculté dont les juges ne doivent pas compte ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche critique des motifs inopérants, Sébastien X... n'ayant pas été condamné à une peine d'emprisonnement sans sursis, ne saurait être accueilli pour le surplus ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-87509
Date de la décision : 28/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, 24 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 2005, pourvoi n°04-87509


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.87509
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