AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me ROUVIERE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2004, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 10 000 euros d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre X... a été poursuivi pour avoir, courant 2003, sans autorisation préalable, reçu habituellement des campeurs en méconnaissance des dispositions de l'article R. 443-7 du Code de l'urbanisme ; que, par jugement du 4 mai 2004, le tribunal correctionnel, après l'avoir déclaré coupable, a ajourné le prononcé de la peine, en énonçant qu'une régularisation était possible, et a renvoyé à l'audience du 22 juin ; que, statuant sur le seul appel du prévenu, la juridiction du second degré a confirmé sur la culpabilité puis a prononcé la peine ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4 et R. 443-7 du Code de l'urbanisme, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la poursuite soulevée par Pierre X..., l'a déclaré coupable du délit d'exploitation de camping sans autorisation, et l'a, en répression condamné à une amende de 10 000 euros ;
"aux motifs que Pierre X... se comporte comme le véritable gérant du camping " les Sables d'Or " ; que nonobstant la présence de sa fille en qualité de gérante de droit de la SARL Cap Mer Loisir, exploitante du camping, qui reçoit les campeurs sur le terrain dont elle a la jouissance, il en est le véritable gérant de fait, dès lors qu'il est l'unique interlocuteur des autorités lors des visites et lors des négociations visant à la régularisation de la situation du camping ainsi qu'en attestent les différents courriers précités ; qu'il est également le gérant de la SCI propriétaire ; que, pour ces motifs, Pierre X... doit être considéré comme la personne physique qui reçoit les campeurs sur le terrain qu'il possède et dont il a la jouissance ; que, dès lors la poursuite est régulière à l'encontre de Pierre X... ;
"alors, d'une part, que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; que la qualité de dirigeant de fait implique que l'intéressé exerce, en toute indépendance, une activité positive de gestion et de direction de la société ; qu'en l'espèce, pour retenir la qualité de gérant de fait de la SARL Cap Mer Loisir, exploitante du camping, de Pierre X..., la cour d'appel s'est bornée à constater "qu'il est l'unique interlocuteur des autorités lors des visites et lors des négociations visant à la régularisation de la situation du camping ainsi qu'en attestent les différents courriers précités", qu'en l'état de cette seule constatation, insuffisante à caractériser la qualité de gérant de fait de Pierre X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme, ne peuvent être condamnés pour le délit d'exploitation de camping que les utilisateurs du sol, les bénéficiaires de travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables des travaux ; que la qualité de propriétaire du sol ne suffit pas, à elle seule, à caractériser un fait personnel au sens du texte susvisé ; qu'en se bornant à relever surabondamment que Pierre X... était gérant de droit de la SCI, propriétaire du terrain de camping, sans dire en quoi celui-ci était l'utilisateur du sol ou le bénéficiaire des travaux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine et dont il résulte que Pierre X... est l'utilisateur du sol et qu'il a personnellement commis l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4, R. 443-7 R. 444-3 du Code de l'urbanisme, 388, 485, 496, 512, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'exploitation d'un camping sans autorisation préalable, et l'a, en répression condamné à une peine d'amende de 10 000 euros ;
"aux motifs que l'infraction a été constatée par le procès-verbal dressé par la Direction départementale de l'équipement le 21 août 2003, qui mentionne que le camping est ouvert malgré l'arrêté de fermeture et sans respecter l'autorisation d'aménager ;
que, par ailleurs, il a été constaté des extensions irrégulières sur les parcelles extérieures au camping ;
que Pierre X... n'apporte pas la preuve contraire ;
"alors qu'en ne répondant pas aux conclusions de Pierre X... soulignant que l'infraction aux dispositions de l'article R. 444-3 du Code de l'urbanisme réglementant les conditions d'implantation des habitations légères de loisir retenue par les premiers juges n'entrait pas au nombre des infractions visées dans la citation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, si le jugement fait mention des dispositions de l'article R. 444-3 du Code de l'urbanisme relatif aux habitations légères de loisirs, les premiers juges n'ont pas déclaré le prévenu coupable de les avoir méconnues ;
Qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-60, 132-61, 132-62 du Code pénal, 512, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, constatant que le délai d'ajournement de la peine tel que fixé par le premier juge était expiré, et, statuant en conséquence, sur la peine, a condamné Pierre X... à une peine d'amende de 10 000 euros ;
"aux motifs que, contrairement, aux affirmations du prévenu la situation n'apparaît pas régularisée ; que, dès lors, les faits sont établis par les éléments du dossier, le compte rendu d'enquête ;
que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont la décision doit être confirmée en son principe de culpabilité ; que le premier juge a décidé de prononcer un ajournement de la peine et a fixé le renvoi de l'affaire à la date du 22 juin 2004, que le délai fixé par le tribunal est expiré ; qu'en conséquence, il appartient à la Cour de statuer sur la peine ; que la gravité et la personnalité du prévenu déjà condamné, et notamment le 7 février 2001 par le tribunal correctionnel de Béziers pour des faits similaires, justifient qu'il soit prononcé une peine d'amende de 10 000 euros ;
"alors, d'une part, que la cour d'appel, saisie du seul appel du prévenu, d'un jugement constatant sa culpabilité et ajournant le prononcé de la peine, tenue de ne pas aggraver le sort de l'appelant, doit, à l'expiration du délai fixé par les premiers juges pour la mesure d'ajournement, statuer sur la peine dans les conditions prévues par l'article 132-61 du Code pénal, en recherchant, s'il y a lieu, soit de le dispenser de la peine, soit de prononcer la peine, soit encore de prononcer un nouvel ajournement dans les conditions prévues par l'article 132-60 et dans les limites de temps fixées par l'article 132-63 du même Code ; qu'en se bornant à constater que le délai d'ajournement fixé par les premiers juges était expiré pour entrer en voie de condamnation, sans rechercher s'il y avait lieu à dispense de peine ou à une nouvelle mesure d'ajournement, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions caractérisé, Pierre X... ayant justifié point par point de la régularisation de la situation" ;
Attendu qu'en prononçant la peine, dans la limite du maximum prévu par la loi, après s'être assurée que le délai d'ajournement fixé par le tribunal était expiré, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 469-1 et 515 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, par ailleurs, les juges n'avaient pas à répondre mieux qu'ils ne l'ont fait à des conclusions qui alléguaient seulement l'exécution de divers travaux de mise en conformité, sans soutenir que la situation avait été régularisée dans le délai d'ajournement et que cette régularisation avait été constatée par l'autorité administrative compétente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;