AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 février 2002), que M. X... a été embauché, le 10 mars 1993, par Mme Y..., aux droits de laquelle a succédé M. Z... à partir du 31 décembre 1997 ; que ce dernier a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 6 février 1998; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en vue d'obtenir la condamnation de M. Z... au paiement d'indemnités de repas qu'il estimait lui être dues ; qu'accueillant les demandes du salarié, la cour d'appel a condamné M. Z... conjointement et solidairement avec Mme Y... au paiement de ces indemnités ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée conjointement et solidairement avec M. Z... au paiement de ces indemnités, alors, selon le moyen, que les conseils de prud'hommes règlent par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail, selon l'article L. 511-1 du Code du travail ; que le préliminaire de la conciliation constitue une formalité substantielle ; que selon les articles L. 621-125 et L. 621-128 du Code de commerce, le principe de la conciliation préalable obligatoire est écarté à l'occasion des litiges se rapportant à l'inscription d'une créance sur le relevé des créances salariales et à la prise en charge d'une telle créance par l'AGS ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a appliqué par motifs adoptés ces derniers textes à Mme Y..., défendeur depuis le début de la procédure, qui n'était toutefois nullement en redressement judiciaire ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du Code du travail par refus d'application et les articles L. 621-125 et L. 621-128 du Code de commerce par fausse application ;
Mais attendu que les créances relatives à l'exécution d'un contrat de travail, qu'elles soient exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'employeur ou qu'elles soient nées après l'ouverture de cette procédure, doivent être inscrites, conformément à l'article L. 143-11-7, alinéa 1er, du Code du travail, sur le relevé des créances ; que ce relevé doit être établi, en application de l'article L. 621-125 du Code de commerce, après vérification dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du Code du travail, par le représentant des créanciers ; qu'il s'ensuit que le bureau de jugement du conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des litiges opposant un salarié au représentant des créanciers, dès lors qu'ils sont relatifs à des créances qui doivent figurer sur le relevé et que le salarié entend obtenir la mise en cause de l'AGS, peu important qu'il ait appelé en garantie une partie étrangère à la procédure collective de l'employeur ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... reproche encore à l'arrêt de décider que M. X... est en droit de prétendre à des indemnités de repas et de le condamner en conséquence conjointement et solidairement avec M. Z... au paiement d'une somme de ce chef, alors, selon le moyen, que l'article 3 du protocole relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la Convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport dispose que le personnel ouvrier qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail, perçoit pour chacun des repas une indemnité de repas dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole ; que cet article ajoute qu'est réputé obligé de prendre son repas hors du lieu de travail le personnel qui effectue un service dont l'amplitude couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11 heures 45 et 14 heures 15, soit entre 18 heures 45 et 21 heures 15 ; que l'article 7 du même protocole, intitulé "Repas sur le lieu de travail", dispose par ailleurs que le personnel ouvrier dont l'amplitude de la journée de travail couvre entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures, perçoit une indemnité spéciale, sous réserve de ne pas disposer d'une coupure d'au moins une heure entre les limites horaires fixées ci-dessus ;
qu'il résulte de ces articles que, pour l'obtention des indemnités de repas, le salarié n'a à établir que l'amplitude de sa journée de travail ; qu'il appartient ensuite à l'employeur, pour se dégager de l'obligation de verser une telle indemnité, de démontrer que le salarié a pris son repas sur le lieu de travail ou à son domicile et, pour se dégager de l'obligation de verser une indemnité spéciale de repas, que la coupure dont le salarié disposait était supérieure à 1 heure ; que la présomption ainsi énoncée à l'alinéa 2 de l'article 3 précité est une présomption simple qu'il est possible de combattre en apportant la preuve contraire, sauf à priver de toute portée l'article 7 également précité ; que pour condamner l'employeur à verser les indemnités de repas réclamées, l'arrêt attaqué a estimé que seul comptait le fait que l'amplitude de la durée journalière du travail de M. X... incluait intégralement la période comprise entre 11 h 45 et 14 h 15, écartant les preuves fournies par l'employeur de ce que le salarié prenait ses repas à son domicile en disposant d'une coupure supérieure à 1 heure ; qu'en statuant ainsi, refusant à l'employeur la possibilité de renverser la présomption, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles susvisés ;
Mais attendu que selon l'article 3 du protocole relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la Convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, est réputé obligé de prendre son repas hors du lieu de travail le personnel qui effectue un service dont l'amplitude couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11 heures 45 et 14 heures 15, soit entre 18 heures 45 et 21 heures 15 ; qu'ayant relevé que l'amplitude de travail du salarié couvrait intégralement les périodes comprises entre 11 heures 45 et 14 heures 15, la cour d'appel a exactement décidé qu'il était en droit, de ce seul fait, de prétendre à des indemnités de repas ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.