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14/06/2005 | FRANCE | N°04-50068

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 juin 2005, 04-50068


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X..., ressortissant tunisien en situation irrégulière sur le territoire français, a été interpellé et placé en garde à vue le 4 juillet 2004, à 18 heures, dans le cadre d'une enquête diligentée en flagrance du chef d'infraction à la législation sur les étrangers ; que le préfet de Police de Paris a pris à l'encontre de cet étranger, qui faisait l'objet d'un arrêté d

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X..., ressortissant tunisien en situation irrégulière sur le territoire français, a été interpellé et placé en garde à vue le 4 juillet 2004, à 18 heures, dans le cadre d'une enquête diligentée en flagrance du chef d'infraction à la législation sur les étrangers ; que le préfet de Police de Paris a pris à l'encontre de cet étranger, qui faisait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, une décision de maintien en rétention dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; qu'un juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de cette mesure ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir confirmé cette décision après avoir rejeté l'exception de nullité de la procédure prise de l'irrégularité du contrôle d'identité et de l'interpellation, alors, selon le moyen, que si, au regard de l'article 78-2 du Code de procédure pénale, la police pouvait a priori procéder à des opérations de contrôle d'identité à l'égard de toutes les personnes se trouvant dans le square, le fait d'avoir sélectionné les personnes interpellées, dont elle a seulement présumé l'extranéité à partir de l'apparence physique - couleur de leur peau ou type racial -, constitue le caractère discriminatoire qui entache la procédure d'interpellation d'irrégularité, et que le juge d'appel, qui disposait d'attestations écrites relatant les conditions des interpellations contestées, n'a pas donné de réponse sur le caractère discriminatoire de l'interpellation, en ne recherchant pas si le choix des personnes appréhendées était fondé ou non sur des critères illégitimes liés à la couleur de leur peau et à leur race, privant ainsi sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu que l'ordonnance relève, par motifs propres et adoptés, qu'en précisant, dans leur procès-verbal d'interpellation, que 150 à 200 personnes sans papiers occupaient l'espace Séverine où elles s'étaient enfermées, cadenassant les entrées, et avaient apposé sur les grilles de nombreuses banderoles, les policiers ont justifié des contrôles d'identité effectués à l'intérieur du square, et qu'ayant constaté que l'intéressé s'était présenté à la grille du square Séverine pour rejoindre la manifestation des sans-papiers, ces fonctionnaires de police ont pu légitimement estimer qu'il y avait une ou plusieurs raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction en matière de législation sur les étrangers ;

Que de ces constatations et énonciations, le premier président, qui n'avait pas à procéder à une recherche sur le caractère prétendument discriminatoire de l'interpellation qui ne lui était pas demandée et que ces éléments rendaient en outre inopérante, a pu déduire que la procédure d'interpellation était régulière sur le fondement tant de l'article 78-2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale que de l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, visés par le procès-verbal de police ;

D'où il suit que le moyen, pour partie nouveau et mélangé de fait, et comme tel irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir confirmé la prolongation de son maintien en rétention, alors, selon le moyen, que si le juge des libertés et de la détention a relevé que les mentions du procès-verbal d'interpellation justifiaient les contrôles d'identité effectués à l'intérieur du parc, il a été interpellé à la grille de ce parc, c'est-à-dire à l'extérieur de celui-ci ; qu'en conséquence, le procès-verbal d'interpellation, qui ne relate pas la réalité des faits, doit être déclaré irrégulier et la procédure annulée ;

Mais attendu que M. X..., bien qu'ayant déclaré, lors de l'enquête de police, que depuis la veille, il se trouvait avec des associations d'aide aux sans-papiers au square Séverine, où avec environ 500 personnes il était installé pour demander des papiers et éventuellement faire pression en organisant une grève de la faim, se borne, sans fournir aucun élément qui l'infirmerait, ni aucune preuve contraire, à contester devant la Cour de cassation les mentions du procès-verbal d'interpellation, faisant foi jusqu'à preuve contraire, qui constate que le contrôle de son identité a été effectué par un agent de police judiciaire à l'intérieur du square ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 63-4, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale, ensemble l'article 64 du même Code ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que dès le début de la garde à vue, la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir avec un avocat ; que si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit désigné un d'office par le bâtonnier, lequel est informé de cette demande par tous moyens et sans délai ; que, selon le second, l'officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d'audition de toute personne gardée à vue les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-4, et la suite qui leur a été donnée ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les diligences accomplies par l'officier de police judiciaire, dès la demande à s'entretenir avec un avocat, formulée par une personne gardée à vue, doivent être mentionnées par procès-verbal ;

Attendu que pour rejeter l'exception de nullité prise de la violation de l'article 63-4 du Code de procédure pénale et confirmer la décision prolongeant son maintien en rétention, l'ordonnance retient que M. X... a été mis en présence d'un avocat le 4 juillet 2004 à 23 heures, son interpellation étant intervenue le même jour à 18 heures, et la notification des droits à 19 heures, et qu'en l'espèce, le délai écoulé jusqu'à ce qu'il puisse rencontrer un avocat n'est pas excessif au regard notamment du nombre de personnes interpellées en même temps que lui ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le procès-verbal ne mentionne pas les diligences accomplies par l'officier de police judiciaire à la suite de la demande faite par l'intéressé pour s'entretenir avec l'avocat qu'il avait choisi, dès le début de la garde à vue, le premier président a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 juillet 2004, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04-50068
Date de la décision : 14/06/2005
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Procédure - Nullité - Cas - Nullité de la procédure judiciaire préalable - Domaine d'application - Omission de mentionner sur le procès-verbal d'audition de toute personne gardée à vue les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-4, et la suite qui leur a été donnée.

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Procédure - Nullité - Cas - Nullité de la procédure judiciaire préalable - Domaine d'application - Omission de mentionner en procédure les diligences accomplies, à la suite de la demande faite par un étranger gardé à vue de s'entretenir avec un avocat choisi, dès le début de la garde à vue

Selon l'article 63-4, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale, dès le début de la garde à vue, la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir avec un avocat ; si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit désigné un d'office par le bâtonnier, lequel est informé de cette demande par tous moyens et sans délai. Selon l'article 64 de ce Code, l'officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d'audition de toute personne gardée à vue les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-4, et la suite qui leur a été donnée. Il résulte de la combinaison de ces textes que les diligences accomplies par l'officier de police judiciaire, dès la demande à s'entretenir avec un avocat, formulée par une personne gardée à vue, doivent être mentionnées dans le procès-verbal. Dès lors, méconnaît le sens et la portée des textes précités, le premier président, statuant sur le fondement de l'acte 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui rejette l'exception de nullité de la procédure, alors que le procès-verbal ne mentionne pas les diligences accomplies par l'officier de police judiciaire à la suite de la demande faite par un étranger pour s'entretenir avec l'avocat qu'il avait choisi dès le début de la garde à vue.


Références :

Code de procédure pénale 64

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juillet 2004

Dans le même sens que : Chambre civile 2, 2003-04-24, Bulletin 2003, II, n° 108, p. 92 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 jui. 2005, pourvoi n°04-50068, Bull. civ. 2005 I N° 248 p. 209
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 I N° 248 p. 209

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Sarcelet.
Rapporteur ?: M. Trassoudaine.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.50068
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