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14/06/2005 | FRANCE | N°02-47455

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 juin 2005, 02-47455


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 septembre 2002), M. X... des Y... qui avait été engagé en qualité de directeur le 1er février 1977 par la société Sodima et le 1er octobre 1988 par la société Cosmecar, lesquelles avaient le même président de conseil d'administration, a été licencié pour faute grave le 5 juin 1997 par ces deux sociétés en raison des termes employés dans une télécopie qu'il lui avait adressée ;

A

ttendu que M. X... des Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les licenciements reposaient ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 septembre 2002), M. X... des Y... qui avait été engagé en qualité de directeur le 1er février 1977 par la société Sodima et le 1er octobre 1988 par la société Cosmecar, lesquelles avaient le même président de conseil d'administration, a été licencié pour faute grave le 5 juin 1997 par ces deux sociétés en raison des termes employés dans une télécopie qu'il lui avait adressée ;

Attendu que M. X... des Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les licenciements reposaient sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de la liberté d'expression ; qu'un licenciement ne peut être causé par l'exercice de cette liberté, sauf abus ; que cet abus s'apprécie objectivement, au regard, soit des propos injurieux ou diffamatoires portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'autrui, soit de propos excessifs qui, compte tenu de la finalité propre de l'entreprise, ont créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ; que ne constitue pas une cause de licenciement, en l'absence de tels propos, le fait pour un salarié d'avoir utilisé, dans un fax destiné uniquement à l'employeur dont il ne connaissait pas le degré de gravité exact de sa maladie, des termes insolents et irrespectueux qui témoignaient d'une attitude de mépris à l'égard de l'état de santé de cet employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui a apprécié la cause du licenciement subjectivement en la personne de l'employeur, sans relever de termes injurieux ou diffamatoires à son égard, a violé, par refus d'application, les articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 120-2 du Code du travail ;

2 / qu'en se bornant à relever le caractère insolent et irrespectueux des propos tenus par M. X... des Y..., sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de celui-ci et les motifs du jugement entrepris dont le salarié sollicitait la confirmation, si ce dernier n'avait pas exercé son droit d'expression en protestant contre les propos virulents du président de la Sodima qui avait mis en cause brutalement et de façon injustifiée le montant de ses salaires et de ses primes, sans aucunement contester l'autorité du président ni sa capacité à diriger l'entreprise, ce dont il se déduisait, de façon implicite mais nécessaire, que l'exposant, n'ayant employé aucun terme excessif créant un trouble caractérisé dans le fonctionnement de l'entreprise, n'avait commis aucun abus dans l'exercice de sa liberté d'expression susceptible de constituer une cause de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 120-2 du Code du travail ;

3 / que la loyauté qui doit présider aux relations de travail interdit à l'employeur de recourir à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse lui être imputée à faute ; que le motif de licenciement invoqué doit être la vraie cause du renvoi ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de M. X... des Y..., si le ton employé par lui dans le fax litigieux n'avait pas été provoqué par l'attitude de l'employeur qui avait délibérément remis en cause de façon virulente et injustifiée le montant de sa rémunération dans le but de licencier l'exposant et de mettre son fils à la place, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ;

Et attendu que la cour d'appel a relevé que le salarié avait, en réponse à une note de l'employeur lui demandant des explications sur le montant de sa rémunération et lui indiquant que celle-ci serait désormais soumise au conseil d'administration, adressé une télécopie comportant notamment le passage suivant : "Si tout cela ne correspond pas à vos propres directives, vous voudrez bien me faire parvenir :

une boîte d'aspirine, une minerve pour cou très tordu, une pommade analgésique spéciale ulcérations profondes. Je peux aussi vous envoyer du Lécitone (jeunes, senior, anti-stress) ainsi qu'une bonne paire de lunettes" ; qu'elle a pu en déduire que ces propos étaient excessifs et constituaient un abus dans l'exercice de la liberté d'expression ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a décidé, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que ce comportement du salarié, invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, a par là-même écarté le moyen du salarié selon lequel la cause véritable du licenciement serait autre ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... des Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Sodima et Cosmecar ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-47455
Date de la décision : 14/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), 26 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 jui. 2005, pourvoi n°02-47455


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.47455
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