AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Mohamed,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 15 octobre 2004, qui, dans l'information suivie contre lui pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 570, 571, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence et de nullité soulevée par le mis en examen ;
"aux motifs que, "l'effet suspensif du pourvoi en cassation s'attache au pourvoi formé contre les décisions mettant fin à la procédure ; que, tel n'est pas le cas d'un arrêt préparatoire, interlocutoire ou d'instruction rendu par la chambre de l'instruction ; qu'en l'occurrence, l'arrêt de la chambre de l'instruction de Montpellier qui confirme l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction de Perpignan au profit du juge d'instruction de Lyon, en raison de l'évidente connexité des faits apparaissant à la lecture de l'exposé ci-dessus et dans un souci de bonne administration de la justice, d'accord entre les deux magistrats instructeurs, constitue un arrêt d'instruction ; que le pourvoi formé contre un tel arrêt n'a pas d'effet suspensif en l'absence d'une requête adressée au président de la chambre criminelle tendant à faire déclarer le pourvoi immédiatement recevable ou en cas d'ordonnance de ce magistrat refusant l'examen immédiat du pourvoi et est donc exécutoire ; qu'en l'espèce, il n'est pas justifié du dépôt d'une requête au président de la chambre criminelle ; qu'ainsi et en l'état de l'ordonnance de jonction des dossiers d'information n° 103/00101 ouvert au cabinet de Mme Roux, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Perpignan à la procédure n° 03/52905 du parquet, L03/00005 de l'instruction, mesure d'administration judiciaire prise par le juge d'instruction de Lyon, l'exception d'incompétence et de nullité soulevée par l'avocat de Mohamed X... doit être rejetée comme mal fondée ; qu'au fond, en dépit de ses dénégations, ont été rassemblés contre Mohamed X... des indices tenant aux contrôles effectués en Espagne attestant sa présence avec Y..., Z... et A...
B..., aux nombreuses conversations téléphoniques interceptées en termes codés, enfin, à la découverte dans le véhicule à bord duquel il se trouvait avant son interpellation de 339 kg de résine de cannabis ; que ces indices graves et concordants rendent vraisemblable l'implication de Mohamed
X... aux faits pour lesquels il est mis en examen ; qu'il s'agit de faits s'inscrivant dans un trafic organisé de produits stupéfiants depuis le Maroc via l'Espagne ; que, comme tels, ils causent un trouble exceptionnel et durable à l'ordre public auquel seule la détention provisoire peut mettre un terme ; que les investigations en cours à l'effet d'interpeller tous les participants à ce vaste trafic et notamment Mohamed C... basé au Maroc et en déterminer le rôle doivent être effectuées à l'abri de tout risque de concertation frauduleuse et de pressions ; que les antécédents judiciaires de Mohamed X... font craindre le renouvellement d'infractions ;
que Mohamed X... étant sans domicile connu au moment de son interpellation, se déclarant toujours sans domicile fixe et ayant des attaches avec l'Espagne, il importe de s'assurer de sa représentation en justice le temps de la procédure ; que les obligations d'un contrôle judiciaire ne sont pas suffisantes à parvenir à ces objectifs ; qu'au regard des actes en cours ci-dessus visés, le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut être fixé à 6 mois ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée" ;
"alors que l'arrêt qui confirme l'ordonnance par laquelle un juge d'instruction se dessaisit au profit d'un autre juge d'instruction appartenant à un tribunal différent met fin à la procédure au sens des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ; que le pourvoi formé à l'encontre d'un tel arrêt produit un effet suspensif ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier ayant confirmé l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Perpignan au profit du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lyon n'étant pas définitif, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon n'était pas compétent pour décider de l'éventuelle prolongation de la détention provisoire du mis en examen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 4 octobre 2003, Mohamed X... a été mis en examen par le juge d'instruction de Perpignan pour, notamment, tentative de meurtre et transport de produits stupéfiants, puis placé sous mandat de dépôt criminel ; que, par ordonnance du 29 avril 2004, ce magistrat s'est dessaisi, en application de l'article 663 du Code de procédure pénale, au profit du juge d'instruction de Lyon, informant sur des faits connexes de trafic de stupéfiants, pour lesquels il avait mis en examen et placé Mohamed X... sous mandat de dépôt criminel le 4 mars 2004 ; que l'appel interjeté par ce dernier de l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction de Perpignan a été rejeté par la chambre de l'instruction de Montpellier par arrêt du 24 juin 2004, le pourvoi formé contre cette décision ayant fait l'objet d'une décision de non-admission le 18 janvier 2005 ; que, par ordonnance du 24 septembre 2004, le juge des libertés et de la détention de Lyon a prolongé la détention provisoire de Mohamed X... pour une durée de six mois à compter du 3 octobre suivant à minuit ;
Attendu que, pour rejeter le moyen présenté par Mohamed X... au soutien de l'appel interjeté de cette dernière ordonnance et pris de l'incompétence du juge des libertés et de la détention de Lyon pour prolonger sa détention, en raison de l'effet suspensif du pourvoi en cassation formé contre la décision rendue par la chambre de l'instruction de Montpellier confirmant l'ordonnance de dessaisissement du juge de Perpignan, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état et abstraction faite de motifs erronés mais non déterminants de la décision précitée de la chambre de l'instruction de Montpellier du 24 juin 2004, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que, d'une part, en application de l'article 663 du Code de procédure pénale, la saisine du juge d'instruction de Lyon s'est opérée immédiatement et de plein droit par l'accord qu'il a donné au magistrat de Perpignan et que, d'autre part, le dessaisissement de ce dernier à son profit n'a été remis en cause ni par l'arrêt précité de la chambre de l'instruction de Montpellier ni par la décision de la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, MM. Sassoust, Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;