AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 octobre 2003) que le 13 janvier 1986 les époux X... ont acquis de la société d'habitation à loyer modéré Carpi un immeuble dont le paiement du prix était financé par des prêts mis en oeuvre par la société venderesse ; que le 30 janvier 1991 la société Carpi a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée à l'acte de vente ; qu'en 1997, elle a offert aux débiteurs un décompte des intérêts qui a été refusé par ces derniers ; qu'un nouveau décompte a été proposé après le prononcé du jugement ; que les époux X... ont repris leurs paiements puis ont cessé tout règlement ; que la société Carpi les a assignés en résolution de la vente ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que l'appel formé contre un jugement non revêtu de l'exécution provisoire en suspend l'exécution ; que la cour d'appel qui, pour prononcer la résolution de la vente, a imputé à faute à M. et Mme X... le défaut d'exécution du jugement frappé d'appel, a violé l'article 539 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cour d'appel qui stigmatise le montage financier hasardeux auquel la société Carpi, société d'HLM, avait fait souscrire M. et Mme X..., accédants à la propriété aux revenus modestes, et constate que, ce faisant, la société Carpi a engagé sa responsabilité contractuelle ; et encore que, sur le fondement du jugement qu'elle avait frappé d'appel, la société Carpi a établi un nouvel échéancier ; que M. et Mme X... se sont acquittés ponctuellement des échéances ainsi recalculées et prononce la résolution de la vente pour la seule raison que les accédants à la propriété ont laissé sans réponse la lettre par laquelle la société Carpi, sans les mettre en demeure de payer, demandaient à M. et Mme X... comment ils envisageaient d'apurer l'arriéré ainsi recalculé, sans rechercher la gravité des fautes contractuelles respectives des parties dont elle avait constaté l'existence, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ;
3 / qu'il était soutenu dans des conclusions demeurées sans réponse, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, que la société d'HLM Carpi s'était rendue coupable de manoeuvres dolosives qui avaient déterminé le consentement de M. et Mme X... en mettant en oeuvre un mécanisme de prêt sophistiqué dont le but inavoué est d'appâter un public modeste et non averti, en méconnaissant systématiquement les dispositions protectrices des emprunteurs résultant de la loi du 13 juillet 1979, obligeant les pouvoirs publics à intervenir, en faisant signer aux accédants à la propriété une offre de prêt et un acte de vente notarié ne permettant de connaître ni le montant des échéances, ni le coût global du crédit et en leur remettant un tableau d'amortissement volontairement sommaire, fait pour tromper le public selon un procédé qui a été condamné par la Cour de cassation, en remettant à M. et Mme X... lors de leur entrée dans les lieux un tableau récapitulatif des mensualités couvrant une période de 20 ans dont les premiers juges ont constaté qu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître le montant total du crédit ni son coût ; que la société Carpi qui apparaissait comme une société d'HLM chargée par les pouvoirs publics de faciliter l'accession à la propriété des familles à revenus modestes avait agi à leur égard comme un banquier en recherchant ses propres intérêts ;
4 / que, la cour d'appel a encore laissé sans réponse, en violation du même article 455 du nouveau Code de procédure civile, les conclusions d'appel faisant valoir que la société Carpi avait méconnu son devoir de conseil en accordant à M. et Mme X... des prêts dont la charge de remboursement s'avérait excessive au regard de la modicité de leurs ressources (6 000 francs par mois à l'époque de l'opération), que le prêteur avait ainsi commis une faute engageant sa responsabilité ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les époux X... avaient cessé tout règlement au début de l'année 1991, que le commandement délivré le 30 janvier 1991 visait la clause résolutoire, que les époux X... avaient, en 1997, refusé un échéancier qui leur était favorable puis repris des versements en application d'un autre barème également minoré proposé par la société Carpi à la suite du jugement frappé d'appel, avant de cesser tout paiement, qu'aucune offre d'apurement n'avait été faite, que même sur la base de l'amortissement très favorable offert par la société Carpi, les époux X... n'avaient rien apuré et ne proposaient pas de mettre fin à un arriéré de dix années et répondant aux conclusions, qu'il n'existait aucune manoeuvre dolosive établie de la part de la société Carpi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher d'éventuels manquements au devoir de conseil, et abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'exécution du jugement, a pu prononcer la résolution de la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des époux X... et de la société Carpi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille cinq.