AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGER et les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2003, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales et 1741 du Code général des Impôts, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure tirée du non-respect des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
"aux motifs qu'il n'a jamais été soutenu par quiconque que l'administration fiscale aurait cherché à effectuer un contrôle inopiné ; qu'il est donc sans intérêt que la mention relative a un tel contrôle n'ait pas été cochée sur l'imprimé d'avis remis au prévenu ;
qu'à l'appui de son exception Bernard X... fait valoir qu'à la page 20 de son rapport de vérification, l'inspectrice indique expressément avoir commencé ses opérations le 21 juillet 1998 et les avoir terminées le 3 décembre 1998 ; qu'en outre il produit une attestation délivrée le 25 octobre 2003 par Didier Y... qui indique se souvenir qu'à la date du 21 juillet 1998, une inspectrice des impôts s'est présentée au siège de l'entreprise, s'est installée au bureau de la comptabilité où elle a travaillé une heure avant de repartir et de revenir, une heure plus tard, munie d'un document qu'elle a remis avant de quitter les lieux ; que ce témoignage vient corroborer les dires du prévenu selon lesquels le deuxième avis de vérification de comptabilité lui a été remis en mains propres, le 21 juillet 1998, à la suite de l'arrêt des opérations de vérification qui avaient été entreprises par l'inspectrice des impôts avant qu'il ne la rencontre personnellement ; que, certes, l'administration fiscale prétend qu'antérieurement à la remise du deuxième avis de vérification, l'inspectrice des impôts n'a pas eu le temps d'effectuer de réelles opérations de contrôle de comptabilité, et en veut pour preuve que Bernard X..., en apposant sa signature le 21 juillet 1998 au bas de l'avis, n'a émis aucune réserve ; que, de fait, ni la lecture du rapport de vérification dont les indications se contredisent quant à la date des opérations de contrôle, ni l'audition de Bernard X..., le 9 mars 2001, par les services de police, ne permettent d'affirmer que l'examen au fond des documents comptables aurait effectivement commencé le 21 juillet 1998 ; que pas davantage le témoignage de Didier Z... ne permet de savoir la nature des travaux qu'aurait exécutés l'inspectrice le 21 juillet 1998 ; que cependant, quelle que puisse être la nature desdits travaux, ils faisaient suite à l'avis de vérification expédié le 7 juillet 1998 et présenté au siège de la société le 8 juillet 1998 ; que la société Pintat ne peut se prévaloir de sa propre faute qui a consisté dans le fait de n'avoir pas réclamé le pli recommandé dont elle était destinataire ; qu'ainsi, quand bien même l'inspectrice n'avait pas alors la preuve de la présentation régulière de l'avis de vérification, les opérations entreprises ce jour-là étaient en tout état de cause justifiées et régulières ; que la circonstance selon laquelle l'inspectrice a accepté de reporter au 28 juillet 1998 l'examen au fond de la comptabilité pour permettre à la société Pintat de se faire assister d'un avocat lors de cet examen, n'est pas de nature à invalider le premier avis de vérification et les opérations qui ont pu être conduites avant la délivrance du deuxième avis ;
"alors que la Cour, qui n'a pas nié que le rapport de vérification établi par l'inspectrice de l'administration fiscale démontrait que celle-ci avait commencé ses opérations le 21 juillet 1998, soit à une date à laquelle le prévenu n'avait pas reçu l'avis prévu par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales dont les dispositions, destinées à assurer le principe du respect du contradictoire, doivent être observées à peine de nullité de la procédure de vérification, en sorte que l'inspectrice avait remis au prévenu un deuxième avis de vérification en main propre pour une vérification devant débuter le 28 juillet 1998, a violé le texte précité en refusant d'annuler la procédure sous prétexte que le contribuable ne pouvait se prévaloir que de sa propre faute ayant consisté dans le fait de n'avoir pas réclamé la lettre recommandée qui lui avait été envoyée par l'administration fiscale, alors que le 21 juillet, date de la vérification, cette lettre était toujours gardée en instance par la Poste qui ne l'a retournée à l'expéditeur que le 27 juillet 1998" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure, prise de la violation des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel énonce que l'avis de vérification préalable aux opérations de contrôle du 21 juillet 1998 a été expédié le 7 juillet 1998, présenté le lendemain au siège de la société et que son représentant légal n'a pas réclamé le pli recommandé dont elle était destinataire ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que le prévenu n'a justifié d'aucune impossibilité de retirer le pli avant le 21 juillet 1998, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 47 susmentionné ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Bernard X... coupable de fraude fiscale ;
"aux motifs que tout en reconnaissant les faits, Bernard X... en imputait la responsabilité à sa propre épouse qui aurait cherché à lui éviter des inquiétudes au sujet des difficultés de trésorerie que rencontrait alors la société ; que, cependant, le prévenu, en sa qualité de président du Conseil d'administration de la société, ne pouvait avoir ignoré pendant autant de temps cette abstention réitérée qui n'a été réparée que le 8 septembre 1998 à la suite du déclenchement des opérations de contrôle de la comptabilité ; que, d'autre part, il résultait des opérations de vérification de la comptabilité que pour les autres mois de l'année 1997 et ceux de l'année 1998, la société Pintat en la personne du prévenu a souscrit des déclarations mensuelles minorées, par majoration fictive de la TVA déductible et par la récupération par anticipation de la TVA sur des factures non acquittées, que les droits éludés de ce chef se sont élevés à 688 209 francs ; que la répétition des minorations de taxe et leur importance dans une période où la société était confrontée à des difficultés de trésorerie, démontrent le caractère intentionnel de cette soustraction à l'impôt ;
"alors que l'infraction de fraude fiscale prévue par l'article 1741 du Code général des impôts dont les juges du fond ont fait application pour condamner le prévenu, suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, l'article L. 227 du Livre des procédures fiscales rappelant que la charge de la preuve de cet élément intentionnel incombe au ministère public et à l'Administration ; qu'en déduisant l'existence de cet élément de la seule qualité du prévenu de dirigeant de la société au sein de laquelle les irrégularités ont été commises en matière de TVA, les juges du fond, qui n'ont pas nié que celles-ci ont été commises par son épouse, ont renversé la charge de la preuve et violé les textes précités" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance et sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;