AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me BOUTHORS, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LA SOCIETE LPG SYSTEMS,
- LA SOCIETE LPG FINANCE INDUSTRIE,
- LA SOCIETE LPG TECHNOLOGIES,
- LA SOCIETE LPG DESIGN DEVELOPMENT,
- LA SCI LPG INVESTISSEMENTS,
- LA SOCIETE PRINTING PACK BV,
- Epoux LE X... Bruno,
- Epoux Y... Louis, Paul,
- LA SCI IMMOBILIERE Y...,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de VALENCE, en date du 23 juillet 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé l'administration fiscale à procéder à une perquisition dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité hors l'ouverture d'une information pénale et en l'absence de flagrance ;
"1 ) alors que, d'une part, suivant l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de son domicile et il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ; qu'une perquisition fiscale destinée, suivant l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à réunir les éléments de preuve d'une fraude supposée en dehors de toute procédure de vérification et sans ouverture d'une information judiciaire n'est pas une mesure nécessaire au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde ;
"2 ) alors que, d'autre part, toute personne a droit, suivant l'article 6 de la Convention de sauvegarde, à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que la seule possibilité pour le contribuable ayant se pourvoir en cassation contre ladite ordonnance, est insuffisante au regard des droits garantis par l'article 6 précité ; que le justiciable doit en effet disposer d'une voie de droit lui permettant sans délai de faire valoir des moyens tendant soit à s'opposer à la perquisition, soit à faire concrètement vérifier la légalité et la régularité de celle-ci ; qu'ainsi, la voie de recours ouverte par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à l'encontre de la seule ordonnance autorisant la perquisition est insuffisante au regard des garanties définies par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde ensemble son article 13" ;
Attendu que les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne contreviennent ni à celles des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que le droit à un procès équitable et à un recours effectif est garanti tant par l'intervention du juge qui vérifie le bien fondé de la requête de l'Administration, que par le contrôle de la Cour de cassation, ni à celles de l'article 8 de la même Convention, dès lors que ces dispositions assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris en violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, de la Convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé l'administration fiscale à procéder à une visite domiciliaire ;
"aux motifs qu'il y aurait une présomption de privation de bénéfices par LPG Systems et une présomption d'exercice par Printing Pack BV en France, où elle ne serait pas connue, d'une activité sans déclaration (ordonnance attaquée analyse) ;
1 ) "alors que, sur l'existence d'une présomption de privation de bénéfices par LPG Systems, le juge délégué a fait reposer son appréciation sur une contradiction de motifs dès lors que la proportion d'augmentation des redevances n'a pas été corrélée avec l'augmentation correspondante du chiffre d'affaires ;
que cette contradiction de motifs établit l'absence de contrôle effectif du juge judiciaire sur les éléments figurant pourtant au dossier et présentés par les services de manière tronquée ;
2 ) "alors que la requête de l'Administration a trompé le juge en prétendant à tort que l'attestation versée aux débats (pièce n° 10) serait pertinente et que la société Printing Pack BV serait inconnue au centre des impôts des non-résidents ; qu'en l'effet, le versement des redevances était accompagné de l'envoi, par lettre recommandée avec accusé de réception, des imprimés d'application de la Convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973, dit "RF5", portant à la connaissance du centre des impôts des non-résidents que les redevances étaient versées à la société Printing Pack BV ; que la fausse attestation des services est de nature à vicier l'ensemble de la procédure ;
3 ) "alors que l'absence prétendue de substance aux Pays-Bas de la société Printing Pack BV a été simplement affirmée par les services à la faveur de considérations strictement inopérantes et d'ailleurs partielles, lesquelles n'étaient pas de nature à fonder sa suspicion et n'ont fait l'objet d'aucune motivation concrète dans l'ordonnance attaquée ;
4 ) "alors, en tout état de cause, que la Convention fiscale du 16 mars 1973 a été violée par l'ordonnance qui a relevé à tort que cette Convention rendant "non imposables" les redevances versées à la société Printing Pack BV" ;
Sur le moyen, pris en sa première branche ;
Attendu que le juge, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a souverainement et sans contradiction apprécié l'existence de présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches ;
Attendu qu'il n'importe que, par erreur, le juge ait énoncé que la société hollandaise Printing Pack BV n'était pas connue du centre des impôts des non-résidents, sis à Paris, dès lors qu'il ne s'est pas fondé sur cette seule information, fournie par l'Administration, pour autoriser la mesure critiquée au moyen ;
D'où il suit que celui-ci, inopérant dans sa 4ème branche, doit être écarté ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;