AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CASTAGNEDE, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me LE PRADO, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Karim,
- LA MATMUT,
- LA COMPAGNIE SERENIS,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre spéciale des mineurs, en date du 7 novembre 2003, qui a condamné le premier, pour destruction dangereuse pour les personnes, à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi formé par la compagnie Serenis :
Sur sa recevabilité :
Attendu que la déclaration de pourvoi a été faite au nom de la demanderesse par un avocat au barreau de Grenoble, qui n'a pas justifié du pouvoir spécial exigé par l'article 576 du Code de procédure pénale ;
II - Sur le pourvoi formé par la Matmut :
Sur sa recevabilité contestée en défense :
Attendu que, si l'arrêt attaqué a donné acte à la Matmut de son intervention en sa qualité d'assureur du civilement responsable du mineur Karim X... prévenu de destruction par l'effet d'un incendie, il demeure que les assureurs appelés à garantir le dommage ne sont admis à intervenir, ou ne peuvent être mis en cause, que lorsque les poursuites pénales sont exercées du chef d'homicide ou de blessures involontaires ;
D'où il suit que l'intervention de la Matmut, qui n'entrait pas dans les prévisions de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, étant irrecevable, il en est de même de son pourvoi ;
III - Sur le pourvoi formé par Karim X... :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur la recevabilité des mémoires en défense, en ce qu'ils sont déposés pour la compagnie Royal and Sun Alliance ;
Attendu que la compagnie Royal and Sun Alliance, partie intervenante déclarée irrecevable en son intervention par l'arrêt susvisé, ne s'est pas pourvue en cassation ;
Que, dès lors, cette dernière n'étant pas partie à l'instance devant la Cour de cassation, les mémoires en défense, pour ce qui la concerne, sont irrecevables ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Karim X..., pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 13 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Zahia Y..., épouse X..., mère de Karim X..., mineur au moment des faits, qui étaient comparante, n'a pas été entendue à l'audience où ont eu lieu les débats devant la cour d'appel ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 13 de l'ordonnance du 2 février 1945 et L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire que la chambre des mineurs de la cour d'appel ne peut statuer qu'après avoir entendu les parents des prévenus ; que le respect de cette disposition qui est d'ordre public est un élément nécessaire de l'équilibre des droits des parties tels que définis par l'article préliminaire du Code de procédure pénale et du procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que sa méconnaissance porte par elle-même atteinte aux intérêts du prévenu dont les parents, présents à l'audience, n'ont pas été entendus" ;
Vu l'article 13, alinéa 1er, de l'ordonnance du 2 février 1945, ensemble l'article L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que, selon ces textes, le tribunal pour enfants et la chambre spéciale de la cour d'appel statuent après avoir, notamment, entendu les parents du mineur ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni du jugement déféré que la mère du prévenu, dont la présence a été constatée, ait été entendue par le tribunal pour enfants et par la chambre spéciale de la cour d'appel ;
Que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen proposé :
I - Sur les pourvois formés par la compagnie Serenis et la Matmut :
Les DECLARE IRRECEVABLES ;
II - Sur le pourvoi formé par Karim X... :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2003,
DIT qu'en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, l'annulation prononcée est étendue, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, aux autres prévenus, Aniss Z... et Lahcen A... ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de chambéry, chambre spéciale des mineurs, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la ville de Grenoble, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Castagnède conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;