AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2003), que par acte du 5 avril 2000, Mmes Jeanne et Hélène X..., propriétaires indivises d'un lot de copropriété dans la résidence "Les Arômes", qui n'avaient pas contesté la résolution d'une assemblée générale des copropriétaires du 31 mai 1999 réitérant son refus de faire supprimer les vérandas du neuvième étage et les fermetures vitrées des balcons autorisées par les assemblées générales des 27 avril 1987 et 21 avril 1988, auxquelles Mmes X... avaient participé et consenti, ont fait assigner les propriétaires des appartements concernés et le syndicat des copropriétaires en suppression des vérandas des époux Y..., des époux Z..., des époux A... et des époux B..., celle des loggias de M. C..., des époux D... et de Mme E..., toutes édifiées sur des parties communes dont ces copropriétaires avaient la jouissance privative et exclusive, et en désignation d'un expert pour déterminer les bases d'une modification des tantièmes de copropriété et une nouvelle répartition des charges ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que Mmes X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1 / que l'action individuelle d'un copropriétaire en restitution d'une partie commune, même réservée à la jouissance privative, n'est pas soumise à la prescription décennale de l'article 42, alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965, mais à la prescription trentenaire de droit commun de l'article 2262 du Code civil ; qu'en opposant néanmoins à l'action de Mmes X... à l'encontre de M. C..., des époux D..., B... et Z..., la prescription décennale, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 et, par refus d'application, l'article 2262 du Code civil ;
2 / qu'il résulte des règles applicables à la preuve et notamment de l'article 1315 du Code civil, que c'est aux copropriétaires ayant fait édifier des ouvrages sur les parties communes, même réservées à la jouissance privative, de rapporter la preuve qu'ils ont sollicité et obtenu les autorisations nécessaires au regard des dispositions réglementaires d'ordre public du POS et du COS, par la production des déclarations de travaux, autorisations ou permis de construire dont ils sont seuls détenteurs ; qu'en rejetant les demandes de Mmes X... à l'encontre des copropriétaires mis en cause, ainsi que du syndicat des copropriétaires et du cabinet Lescallier, syndic, soulignant que lesdits copropriétaires ne justifiaient pas avoir sollicité et obtenu ces autorisations et que le syndic ne s'en était pas non plus assuré en dépit des résolutions d'assemblées générales les mentionnant comme une condition nécessaire pour la réalisation des travaux, et ce au motif qu'il n'est produit par Mmes X... aucun document propre à démontrer que ces constructions légères contreviendraient au COS ou au POS, la cour d'appel a renversé sur ce point la charge de la preuve, et violé l'article 1315 du Code civil ;
3 / qu'il résulte de la combinaison notamment des articles 3, 4, 6, 9, 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 et 1134 du Code civil, pour ce qui concerne le règlement de copropriété applicable en la cause, ainsi que des 6ème et 7ème résolutions d'assemblées générales votées sur la base dudit règlement les 27 avril 1987 et 21 avril 1988, que les ouvrages édifiés sur des parties communes par certains copropriétaires pour être conformes à la destination de l'immeuble, doivent avoir un caractère aisément démontable ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'elle y ait été invitée par Mmes X... dans leurs conclusions d'appel qui le contestaient sur la base d'éléments particulièrement précis et circonstanciés, si les vérandas et clôtures de balcons litigieuses avaient bien un caractère aisément démontable, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions légales et réglementaires ainsi que des stipulations d'assemblées générales précitées ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la pose de vérandas et de clôtures de balcons de structure légère sur des espaces objet d'un droit de jouissance exclusive et privative ne modifiait pas la nature juridique de ce droit et constaté que ces installations n'empiétaient pas sur d'autres parties communes que celles réservées à l'usage exclusif de ces copropriétaires et qu'il n'était produit aucun document propre à démontrer que ces constructions légères contrevenaient au "COS" et au "POS", la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement retenu que la demande de remise en l'état antérieure des parties communes à jouissance privative, fondée sur la non-conformité des installations créées aux autorisations données par une assemblée générale, était une action personnelle soumise à la prescription de dix ans édictée par l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que, par suite du rejet du pourvoi principal, le pourvoi provoqué des époux Y..., des époux Z..., des époux A..., des époux B..., de M. C..., de Mme D..., de Mme E... et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "Les Arômes", est devenu sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mmes X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, Mmes X... à payer, d'une part, aux époux Y..., aux époux Z..., aux époux A..., aux époux B..., à M. C..., à Mme D..., à Mme E... et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble "Les Arômes", ensemble, la somme de 2 000 euros, et d'autre part, au Cabinet Lescallier la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt-cinq mai deux mille cinq par M. Villien, conseiller doyen, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.