AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me BLANC, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2004, qui, pour discrimination économique à raison de l'origine, par personne dépositaire de l'autorité publique, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 1 an d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 225-1, 225-2, 432-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X..., maire de la commune de Brangues, coupable de discrimination au préjudice de Mireille Y... ;
"aux motifs que M. Z... avait déclaré que le vendeur du terrain lui avait confirmé avoir subi des pressions de la mairie de Brangues pour ne pas accepter les acheteurs ; que Bernard X... avait déclaré avoir subi des pressions du conseil municipal pour que la vente échouât ; que Bernard X... était intervenu auprès de la venderesse pour la dissuader de vendre ; que la vente d'un bien immobilier entre particuliers par l'entremise d'une agence immobilière constituait l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 432-7 du Code pénal ; qu'il était indifférent que Bernard X... eût cédé à des pressions émanant d'autres personnes ;
"alors, d'une part, que la décision prise par un conseil municipal, organe collégial de la commune, ne peut être imputée à son maire personnellement ; qu'en considérant qu'il était indifférent que Bernard X... se fût conformé à une décision prise par le conseil municipal de Brangues, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que l'entrave à l'exercice normal d'une activité économique suppose une relation entre deux professionnels ; qu'en ayant fait application de l'incrimination pénale à une vente conclue entre deux particuliers, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu les articles 111-4 et 432-7 du Code pénal ;
Attendu que, d'une part, la loi pénale est d'interprétation stricte, et que, d'autre part, la discrimination prévue par l'article 432-7 du Code pénal implique une entrave à l'exercice d'une activité économique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mireille Y... a porté plainte et s'est constituée partie civile contre Bernard X..., maire de la commune de Brangues, lui reprochant, d'avoir fait pression sur le vendeur d'un terrain qu'elle projetait d'acheter afin qu'il renonce à cette vente en raison de l'appartenance de l'acquéreur à la communauté des gens du voyage ;
Attendu que, pour condamner Bernard X..., poursuivi pour avoir, en tant que personne dépositaire de l'autorité publique, commis une discrimination, en entravant l'exercice d'une activité économique quelconque, en l'espèce une transaction immobilière, ce, en raison de l'appartenance de Mireille Y... à la communauté des gens du voyage, l'arrêt retient que le maire est intervenu auprès du vendeur pour le dissuader de vendre son terrain en considération de l'origine de l'acheteur et que la vente d'un bien immobilier entre particuliers, par l'entremise d'une agence immobilière, constitue l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 432-7 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la vente d'un bien immobilier par un particulier à un autre, ne caractérise pas l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 432-7, 2 , du Code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 4 novembre 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;