AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2004, qui, pour exécution d'un travail dissimulé, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 325-1 et L. 325-2 du Code rural, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 362-3 du Code rural et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable du délit d'exécution d'un travail dissimulé et de l'avoir condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros ;
"aux motifs qu'il découle du dossier de l'information et des déclarations faites à l'audience que Georges Y... et Bernard X... s'entraidaient régulièrement depuis plusieurs années pour des tâches agricoles ; que ce dernier précise que, trois ans avant l'accident, l'entraide avait un peu changé de nature et était devenue importante dans la mesure où il avait acheté un round baller et s'occupait du foin et en échange Georges Y... s'occupait de la taille des vignes ; qu'apparaît, toutefois, une disproportion entre la taille des deux exploitations, la partie civile produisant du lait sur 16 hectares tandis que le prévenu exploite 45 hectares en polyculture et 16 hectares de vignes ; que si la disproportion des superficies ne suffit pas à exclure l'entraide agricole, cette notion doit être écartée en l'espèce dès lors que le déséquilibre porte sur des travaux spécifiques de taille particulièrement importants en hiver et nécessite de la part du propriétaire de la plus importante des deux exploitations différents versements d'argent consistant un trait essentiel des rapports unissant les parties car l'activité liée au foin est très loin de compenser le prix du travail d'entretien hivernal de la vigne ; que Bernard X... reconnaît avoir eu recours avant l'année 1997 à des salariés saisonniers et admet que la taille de la vigne se faisait en général de décembre à mi-février pour 200 à 250 heures de travail ; que ce décalage a été compensé en 1998/1999 par l'émission d'une facture de travaux à façon de taille et de déramage pour 13 360 francs ; que ce montant est le produit d'un décompte manuscrit où figurent au crédit du prévenu des travaux de balles rondes pour un montant de 4 690 francs et donc inférieur en valeur au quart de la prestation adverse ainsi justifiée " travail = 10 340 francs " et celle de 10 700 francs résultat de la prestation intitulée " taille Georges " pour 266 heures à 40,22 francs l'heure réparties sur les mois de décembre à février ; que pour l'hiver 1999/2000 Bernard X... a dû employer celui-ci pour une période de trois mois, le titre d'emploi saisonnier établissant que ce recours à ce contrat est causé par des travaux de taille de la vigne entre janvier et mars 2000 ; qu'à la suite de l'accident du 7 décembre 2000, Bernard X... a dû employer Ludovic Z... du 13 décembre au 30 avril 2001 ; qu'il doit y être ajouté l'embauche de Jeanine Y... du 24 janvier au 20 février 2000 puis du 10 janvier au 30 mars 2001 ; qu'il s'ensuit que, loin de constituer l'accessoire des prestations de service ou de moyens, les versements en espèces l'ont emporté de très loin durant cette période de trois années sur la mécanique de l'entraide ; qu'il s'en déduit le caractère saisonnier de l'emploi occupé par Georges Y... dès lors que les tâches ainsi confiées étaient appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ;
que, sur les trois saisons précédant l'accident, le prévenu a utilisé les services de Georges Y... sur une période de temps identique justifiant une rémunération spécifique exclusive du système d'entraide pouvant par ailleurs régir certains de leurs rapports ; que s'il a eu recours au salariat pour l'hiver 2000 sur la base du SMIC horaire, la facture émise en mars 1999 se confond avec la rémunération d'un travail, étant observé que celui-ci a été rémunéré sur cette même base du SMIC horaire dès lors que le taux de 40,22 francs figurant sur le relevé d'heures correspond à celui paru au JO du 26 juin 1998 ; que Bernard X... a admis à l'audience qu'il donnait des instructions à Georges Y... pour la taille du lendemain, confirmant ainsi la déclaration faite par Monique A... selon laquelle les horaires de travail du lendemain lui étaient précisés chaque jour ; que le relevé des heures tenu par le prévenu permet d'y ajouter l'existence de contraintes horaires dès lors que nombre de journées portent le plus souvent une durée identique de 6 heures 15, 6 heures 30 ou 6 heures 45 de travail ; que cette activité se déroulait sur les terres de Bernard X... ou de son épouse ; qu'il utilisait le matériel fourni par le prévenu et qu'il lui arrivait de travailler seul sur l'exploitation ; que l'examen des relations antérieures établit l'existence d'une rémunération sur la base du SMIC horaire et que la date de l'accident se situe au début de la période correspondant à chaque année à la période de taille ;
que l'entraide à façon était exclue par la réunion des éléments qui précèdent ; que Bernard X... n'a effectué aucune déclaration nominative auprès des organismes de protection sociale et qu'il ne pouvait ignorer cette obligation de sorte que c'est de manière délibérée qu'il s'est soustrait à cette formalité (arrêt attaqué p. 5, 6, 7).
"1 ) alors que l'entraide agricole prévue par les articles L. 325-1 et suivants du Code rural exclut la qualification de contrat de travail ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que le fait visé à l'ordonnance de renvoi, d'avoir, le 7 décembre 2000, jour de l'accident de Georges Y... omis de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche de ce dernier est survenu au début de la période de taille de la vigne pour laquelle celui-ci accomplissait ses prestations sur l'exploitation de Bernard X... ; qu'en se bornant à relever que, pour les hivers 1998/1999, la disproportion de l'assistance que s'étaient réciproquement prêtée Bernard X... et Georges Y... excluait la notion d'entraide agricole et que pour l'hiver 1999/2000 Bernard X... avait eu recours à un contrat d'emploi saisonnier, sans rechercher si, pour la période postérieure, en 2000/2001, les travaux que Bernard X... avait accompli ou allait accomplir dans l'intérêt de Georges Y... seraient également disproportionnés en défaveur de ce dernier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2 ) alors que le délit de travail dissimulé n'est caractérisé qu'à charge pour la partie poursuivante d'établir que le prévenu s'est soustrait volontairement à ses obligations déclaratives relatives à l'embauche et à celles résultant du recours à un travail salarié ; qu'en se bornant à déduire l'intention délictueuse de Bernard X... de la circonstance qu'ayant déjà employé du personnel salarié il ne pouvait pas ignorer ses obligations déclaratives, sans rechercher si celui-ci devait avoir conscience de la disproportion du travail que devait accomplir Georges Y... en 2000 et 2001 par rapport à l'aide qu'il lui apportait dans sa propre exploitation agricole, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré Ie prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit que Ie prévenu employait à des travaux de taille de vigne un autre exploitant agricole dans des conditions exclusives de l'entraide prévue par les articles L. 325-1 et suivants du Code rural, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;