AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2004, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 860 du Code général des impôts, L. 47 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification de comptabilité portant sur les années 1997 et 1998 ainsi que le contrôle sur pièces relatif à l'exercice 1999 ;
"aux motifs intégralement adoptés des premiers juges que Daniel X..., d'une part, reproche à l'administration fiscale d'avoir procédé à une vérification de comptabilité sur l'année 1999 sans avoir respecté la procédure prévue à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'il lui reproche, d'autre part, d'avoir refusé de lui communiquer un certain nombre de pièces et plus particulièrement des actes authentiques correspondant aux immeubles en cause dans la procédure de vérification fiscale ; que sur le premier point, le tribunal observe que les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ne sont pas applicables au contrôle sur pièces qui seul a été opéré pour l'année 1999 ; que sur le second point, il ressort des propres explications du prévenu qu'il a été signataire des documents dont il a sollicité la communication ; qu'il en connaissait donc nécessairement le contenu ; que dans ces conditions, on ne peut pas considérer qu'il y a une atteinte au principe de la nécessité d'un débat contradictoire ;
que pour le même motif, le tribunal considère que le prévenu a pu préparer sa défense dans des conditions équitables et que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas été violé ;
"alors que le refus par l'administration fiscale de communiquer au contribuable dans le cadre d'une vérification fiscale des documents dont il n'est ni l'auteur ni le destinataire, tels des extraits d'actes établis conformément aux dispositions de l'article 860 du Code général des impôts, constitue une atteinte à l'exigence du débat oral et contradictoire devant avoir lieu au cours de la vérification et entraîne par là même la nullité de celle-ci ; que la Cour qui, par adoption des motifs des premiers juges, a, pour décider du contraire, énoncé que les documents non communiqués auraient été signés de Daniel X... et que celui-ci en connaissait le contenu sans répondre à l'argumentation péremptoire de celui-ci faisant valoir non seulement que les documents en cause étaient des extraits d'actes de vente devant être établis par application de l'article 860 du Code général des impôts par les rédacteurs d'actes sans qu'il soit prévu aucune intervention ni signature des parties à l'acte et que, de plus, l'administration fiscale, dans le cadre du contentieux pendant devant la juridiction administrative, avait expressément reconnu dans un mémoire en défense daté du 10 septembre 2002 que ces extraits d'actes de vente souscrits par un tiers avaient été obtenus par l'administration fiscale sans que le contribuable en ait eu connaissance, a privé sa décision de toute base légale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel X..., gérant de la société Clermontoise de construction, est poursuivi pour l'avoir soustraite à l'établissement et au paiement de la TVA due au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure de vérification de comptabilité, tirée par le prévenu de l'absence de communication de pièces détenues par l'administration des Impôts, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'utilisation par l'Administration des documents qui lui sont adressés en application de l'article 860 du Code général des impôts est étrangère à la procédure de vérification de comptabilité et n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Daniel X... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs propres qu'au vu des éléments du dossier la Cour, s'appropriant l'exposé des faits tels que relatés par le premier juge, estime que celui-ci, par des motifs pertinents qu'elle adopte, fait une exacte application des circonstances de la cause et de la règle de droit pour entrer en voie de condamnation à l'égard de Daniel X... dont la mauvaise foi est patente eu égard, notamment, à ses antécédents en matière de TVA éludée (vérification de comptabilité en 1993) ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges, que le tribunal considère que l'importance des droits éludés et leur caractère répété sur plusieurs années démontrent l'élément intentionnel de l'infraction d'autant que la comptabilité retraçait avec exactitude la TVA brute exigible ; que par ailleurs, Daniel X..., qui dirigeait depuis 1973 son entreprise, est un professionnel du bâtiment ; qu'il ne peut donc sérieusement s'exonérer de sa responsabilité en s'abritant derrière sa prétendue ignorance de la procédure à suivre pour des transactions immobilières qui n'avaient aucun caractère exceptionnel ;
"alors que la soustraction frauduleuse au paiement ou à l'établissement de l'impôt suppose, pour être constituée, la commission d'agissements destinés à minimiser, voire à dissimuler, l'existence de sommes imposables et ne saurait résulter du seul retard dans le paiement des sommes dues de sorte que, d'une part, les juges du fond qui, comme le faisait valoir Daniel X... dans ses écritures, constatent que celui-ci avait bien inscrit les sommes dues au titre de la TVA dans ses écritures comptables et donc au passif des bilans de la SARL Clermontoise de constructions, n'ont pas, dès lors, en l'état de ces motifs, caractérisé l'existence d'un délit de fraude fiscale tant en son élément matériel qu'en son élément intentionnel ;
d'autre part, la Cour, qui s'est abstenue de répondre à l'intégralité des conclusions de Daniel X... faisant valoir que - l'administration fiscale ne contestant pas que la signature de l'acte authentique détermine la date d'exigibilité de la TVA - le non reversement de celle-ci dans les délais provenait de l'absence d'information donnée par, l'étude notariale, n'a pas dès lors établie la mauvaise foi de Daniel X... nécessaire pour que soit constituée le délit de fraude fiscale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;