AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me de NERVO et de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Virginie, partie civile,
- La COMPAGNIE SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Léon Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Choucroy, Gadiou et Chevallier, pour Virginie X..., pris de la violation des articles 1382 du Code Civil, 2, 472 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a fixé à 98 924 euros, la somme allouée à la partie civile pour réparer le préjudice causé par l'infraction au titre de son droit de disposer d'un logement adapté à son état ;
"aux motifs que le principe de l'indemnisation d'une victime a pour but d'assurer à celle-ci la prise en charge de chacun de ses chefs de préjudice sans pour autant lui procurer un enrichissement sans cause ; que la nécessité d'avoir un domicile adapté à son handicap doit recevoir indemnisation sans pour autant que la victime puisse à la suite de cette indemnisation jouir d'une situation différente de celle qu'elle aurait eue en l'absence de son préjudice ; qu'il est constant que toute personne non handicapée se doit d'avoir un domicile qu'elle loue ou achète ; que par voie de conséquence une personne handicapée ne peut demander l'indemnisation de l'obligation d'assurer son logement ; qu'elle peut seulement demander l'aménagement spécial qui doit être effectué dans son domicile pour qu'elle puisse y mener une vie normale sans ressentir aucune gêne à la suite de son handicap ;
"alors que l'auteur responsable d'une infraction est tenu de réparer intégralement les conséquences du dommage qu'il a causé à la victime, que notamment, et comme le soutenait la partie civile dans ses conclusions d'appel où elle se référait à la jurisprudence de la Cour de cassation, quand celle-ci ne peut, comme c'est son cas, se déplacer qu'en fauteuil roulant, son état exige l'acquisition d'une habitation de plain-pied aménagée, ce qui implique que les responsables de l'accident doivent prendre en charge à la fois le coût de l'acquisition d'un tel logement et celle de son aménagement ; qu'en limitant à ce dernier chef de préjudice, l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant pour une jeune fille devenue tétraplégique à 15 ans de son obligation de disposer d'un logement adapté à son état, les juges du fond, qui ont refusé de tenir compte de la nécessité où elle se trouve d'être hébergée, ont violé l'article 1382 du Code civil" ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par Me de Nervo, pour la Compagnie Swiss Life Assurances de Biens, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, manque de base légale, et insuffisance de motivation ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fixé l'indemnité allouée au titre de la tierce personne à compter du mois de juin 2002 à la somme de 77 321,38 euros ;
"aux motifs que la cour est en mesure de chiffrer l'indemnité due au titre de la tierce personne pour la période à partir du mois de juin 2002 en retenant un salaire brut revalorisé de 7,5 euros par heure pour la tierce personne passive 8 heures par jour pendant toute l'année et un salaire horaire brut revalorisé de 8,5 euros, 6 heures par jour pendant toute l'année pour la tierce personne active, augmenté des charges patronales, de la majoration de salaire pour travail pendant les périodes de repos hebdomadaire et les jours fériés et de la période congés payés nécessitant le recrutement de remplaçantes à 77 321,38 euros ;
"alors, d'une part, que si les juges apprécient souverainement le préjudice découlant d'une infraction, ils ne sauraient fonder leur appréciation sur des motifs insuffisants ; qu'en l'espèce la cour d'appel a fixé l'indemnité annuelle due au titre de la tierce personne à la somme de 77 321,38 euros sans préciser les éléments qu'elle a pris en compte pour parvenir à cette somme au demeurant très supérieure à celle résultant de la simple application des coûts horaires de 7,5 euros et de 8,5 euros aux besoins d'assistance par moyens humains qu'elle a par ailleurs retenus ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
"alors, d'autre part, qu'à la différence du principe d'indemnisation de la tierce personne qui est qui est dû, sans preuve nécessaire de l'emploi effectif de cette aide, les charges patronales ne le sont que sur présentation d'un justificatif de paiement par l'employeur ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas inclure dans l'indemnité de 77 321,38 euros due à ce titre une somme, dont le montant n'est pas précisé, correspondant aux charges patronales, sans entacher sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Virginie X... de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;