AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Brigitte, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 21 octobre 2004, qui, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Benoît Z... du chef de harcèlement sexuel ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33, 222-33-2, du Code pénal, 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Benoît Z... du chef de harcèlement moral, et en conséquence a débouté Marie-Brigitte X... de ses demandes de dommages et intérêts ;
"aux motifs qu'en l'absence de témoins directs, la plupart des gestes et des réflexions auxquelles les plaignantes donnent une connotation sexuelle, ne sont pas établis ; ....qu'en conséquence l'infraction n'est pas caractérisée ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé le prévenu et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"1) alors qu'en énonçant que " la plupart " des gestes et des réflexions auxquelles les plaignantes donnent une connotation sexuelle ne sont pas établis, ce dont il se déduit que certains gestes et réflexions étaient établis, la cour d'appel qui n'a pas recherché les gestes et réflexions établis ni la qualification qu'ils étaient susceptibles de recevoir, s'est contredite en prononçant une relaxe et a privé sa décision de base légale ;
"2) alors que, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide, au vu des preuves soumises au débat contradictoire, d'après son intime conviction ; qu'en se fondant sur l'absence de témoin direct des faits reprochés au prévenu pour la relaxe, sans examiner les preuves proposées par la partie civile et se déterminer d'après son intime conviction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors que la partie civile faisait valoir dans sa plainte que son chef de service se livrait à des faits de harcèlement sexuel consistant à lui frôler les mains ou le corps, à lui mettre la main dans le bas du dos et sur la fesse en lui disant " votre pantalon vous va bien, vous m'excitez ", à la recevoir dans son bureau avec la braguette ouverte et à aller systématiquement dans les toilettes réservées aux femmes ; qu'elle faisait état dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, de l'audition de Mme A..., du 23 septembre 2003, aux termes de laquelle Benoît Z... l'avait invitée à déjeuner dès son arrivée, et lui avait dit qu'elle avait un beau décolleté, de l'attestation de M. B... du 15 septembre 2003 selon laquelle Benoît Z... avait prié devant lui Mme C... de monter l'escalier pour qu'il puisse admirer ses " belles fesses " ; de l'attestation de Mme D... qui a travaillé avec Benoît Z... au SPIP de Longuenesse et qui a confirmé les réflexions ambiguës ou à connotations sexuelles de Benoît Z... ; de celle de Mme E... selon laquelle Benoît Z... lui avait demandé si elle était gentille ou gentille gentille, et qu'il lui avait expliqué que " gentille voulait dire qu'on suce, et gentille gentille c'est quant on suce, on baise et on avale " et encore " qu'il s'était baissé et frotté le sexe contre le bureau " devant lequel elle était assise ; qu'en relaxant Benoît Z..., sans s'expliquer sur ces faits précis corroborés par les différentes attestations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33, 222-33-2, du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Benoît Z... du chef de harcèlement moral, et en conséquence a débouté Marie-Brigitte X... de ses demandes de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu' en l'absence de témoins directs, la plupart des gestes et des réflexions auxquels les plaignantes donnent une connotation sexuelle, ne sont pas établis ; que les faits dénoncés, concernant l'aménagement de leurs horaires de travail, de leurs congés, la définition de leurs attributions dans le service, et l'appréciation de leur qualité de travail, relèvent des fonctions d'un chef de service ;
qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que les décisions de Benoît Z..., aient été prises dans l'intention de nuire aux deux plaignantes ou de dégrader leurs conditions de travail, ni que ses appréciations sur la qualité de leur travail aient eu pour but de les humilier ; qu'en conséquence l'infraction n'est pas caractérisée ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé le prévenu et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"1) alors que le délit de harcèlement moral suppose des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime, dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en se bornant à retenir que les faits dénoncés relevaient des fonctions d'un chef de service sans rechercher si, en l'espèce, de tels pouvoirs n'avaient pas été exercés de manière abusive ou disproportionnée par Benoît Z... dont le caractère très autoritaire, contradictoire et pervers est attesté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2) alors que le délit de harcèlement moral suppose que des agissements répétés aient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime ; qu'en ne recherchant pas si, indépendamment du but recherché par Benoît Z..., ses agissements n'avaient pas eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Marie-Brigitte X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3) alors que lorsque les agissements répétés ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime, la simple conscience de cet effet chez l'auteur de ces agissements suffit à caractériser l'élément moral du délit ; qu'en se référant à l'absence d'intention de nuire, d'humilier la victime ou de dégrader ses conditions de travail, tandis que la seule conscience de commettre les actes en cause suffit à constituer l'élément moral de l'infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;