AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Arlette, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 3 mai 2004, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à 1 an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 223-15-2 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Arlette X... à un an d'emprisonnement avec sursis du chef d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne particulièrement vulnérable ;
"aux motifs que la présente Cour est dès lors saisie des appels réguliers à titre principal d'Arlette X..., expressément limité aux seules dispositions pénales, et à titre incident du ministère public, ainsi que d'Emile Z... et Emilie Z..., veuve A..., parties civiles, du jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 17 novembre 2000 ayant déclaré Arlette X... coupable des faits, initialement qualifiés d'escroquerie sur personne vulnérable, requalifiés en abus de faiblesse, et ayant condamné cette prévenue de ce chef à 1 an d'emprisonnement avec sursis et à payer à chacune des deux parties civiles 1 franc à titre de dommages et intérêts et 8 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'en ce qui concerne les seuls faits dont la Cour de céans est saisie et qui sont ceux dont la prévenue a été déclarée coupable sous la qualification d'abus de faiblesse, il y a lieu de renvoyer pour leur exposé détaillé au rappel des faits figurant au jugement ;
qu'il suffit ici de rappeler que Edouard Z..., âgé de 87 ans en 1995 a effectué une chute à son domicile, le 24 mars 1995, lui ayant occasionné une hémorragie cérébrale et un coma ayant nécessité son hospitalisation jusqu'au 14 avril 1995, date à laquelle il a regagné son domicile avec des facultés mentales diminuées et pratiquement aveugle en raison d'un état diabétique ; qu'avec son accord et celui de la famille, Arlette X..., qui vivait jusqu'alors à l'hôtel, s'est installée à son domicile ; qu'entre le 11 juin et le 20 septembre 1995, elle a fait signer par Edouard Z... six chèques (trois à son ordre, et trois à l'ordre de l'une de ses amies mais dont le montant lui a été reversé) pour un total de 160 000 francs ; qu'Edouard Z... est décédé le 24 novembre 1995 après qu'Arlette X... ait, selon ses propres indications, encore reçu deux chèques de 30 000 francs chacun qui ne sont pas visés à la prévention ; que la prévenue, appelante principale, reprend devant la Cour l'argumentation selon laquelle les sommes qu'elle aurait ainsi reçues n'auraient correspondu qu'à son salaire de garde malade, ainsi qu'aux congés payés et indemnités de préavis dont elle a été reconnue créancière pour un montant total de 205 604,64 francs par jugement du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 6 avril 1999 ; que, toutefois, c'est par des motifs pertinents tant en droit qu'en fait, que la Cour adopte, que le tribunal a écarté cette argumentation en relevant notamment le caractère clandestin des émissions de chèques en particulier par le recours à la perception par un tiers pour la moitié d'entre eux, la saisine tardive du conseil de prud'hommes (10 juin 1998), soit plus de deux ans et demi après la fin du contrat de travail, et l'absence de coïncidence entre le montant des chèques (de l'ordre de 170 000 francs) et celui des sommes demandées au conseil de prud'hommes (593 560 francs au titre de ses seuls salaires, et plus de 235 000 francs supplémentaires à d'autres titres) ;
qu'il est ainsi établi que les chèques qu'Arlette X... a fait signer à Edouard Z..., en profitant de la vulnérabilité due à son très mauvais état de santé, à sa fragilité psychologique et à sa cécité, ne correspondaient à aucune rémunération, mais à la volonté d'obliger la victime à des actes qui lui étaient gravement préjudiciables ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, dès lors, même si en l'espèce aucune manoeuvre particulière caractéristique de l'escroquerie n'était caractérisée à la charge d'Arlette X..., les faits visés à la prévention constituaient le délit d'abus de faiblesse en lequel ils devaient être requalifiés ;
"alors que le délit d'abus de faiblesse n'est caractérisé que pour autant que l'acte obtenu de la victime est de nature à lui causer un grave préjudice ;
qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, par jugement du 6 avril 1999, a condamné Edouard Z... à payer à Arlette X..., la somme de 205 604, 64 francs représentant des rappels de salaires, ainsi que des congés payés et une indemnité de préavis ; qu'en décidant qu'Arlette X... a obtenu d'Edouard Z... qu'il établisse, à son ordre, plusieurs chèques d'un montant total de 170 000 francs qui ne correspondraient à aucune rémunération, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait qu'Edouard Z... n'avait subi aucun préjudice pour avoir payé ce qui était dû à Arlette X..." ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;